Inna Modja, excisée, sauvée, déterminée : son incroyable histoire

Femme engagée, artiste polyvalente, personnalité éclectique : Inna Modja s'impose avec grâce dans le paysage de la chanson française, mais seulement… La chanteuse de 35 ans montre l'étendue de son talent en campant une femme de pouvoir dans le nouveau film de Louis-Do de Lencquesaing, "La Sainte Famille", en salles le 25 décembre. Retour sur le parcours inspirant d'une artiste que rien n'arrêtera.

Inna Modja, excisée, sauvée, déterminée : son incroyable histoire
© Nasser Berzane/ABACAPRESS.COM

Inna Modja irradie l'écran dans La Sainte Famille, de Louis-Do de Lencquesaing, en salles le 25 décembre. L'artiste de 35 ans campe une femme de pouvoir dans une comédie qui met en lumière les dysfonctionnements d'une famille bourgeoise avec humour et intelligence. Avant de briller au cinéma, Inna Modja a surtout montré son talent pour la chanson, sa vocation depuis le berceau (ou presque).
Née en 1984 à Bamako, au Mali, Inna Bocoum, de son vrai nom, grandit au sein d'une famille de sept enfants (elle est la 6e) et baigne dans une atmosphère musicale aux mélodies de Ray Charles, Otis Redding ou encore Ella Fitzgerald, tout en s'imprégnant des sons plus modernes du punk rock ou du rap des années 90 qu'écoutent ses frères aînés. C'est au Ghana qu'elle passe son enfance, son père étant diplomate dans le pays. Elle a confié au Mensuel : "Tous les voyages que l'on a fait grâce à mon père qui était diplomate, et toutes ces influences différentes, ça forge une personnalité un peu éclectique". Une personnalité éclectique, en effet, qui lui vaut un drôle de sobriquet : sa mère la surnomme Inna "Modja", qui veut dire "la mauvaise fille", en raison de son caractère têtu et ultra-curieux. "Je suis hyperactive et je suis numéro six, donc je pense que j'étais un peu casse-pieds", a-t-elle expliqué à L'Express. Ce surnom, Inna Modja le chérit. Il lui rappelle son enfance heureuse.
Mais, cette période joyeuse reste entachée par le souvenir d'une terrible journée : à l'époque, Inna est âgée de 4 ans et demi, en vacances au Mali, et se rend chez un membre de sa famille avec sa mère et son petit frère. "Ma mère est sortie un moment et la sœur de ma grand-mère paternelle m'a emmenée. Quand ma mère est était rentrée, j'étais excisée", s'est remémorée l'artiste dans L'Express. Une douleur incommensurable pour ses parents, horrifiés par cette pratique. 

Inna Modja, excisée à 4 ans : un "problème d'estime de soi"

Inna Modja grandit avec ce manque, cette impression d'incomplétude, mais trouve refuge dans la musique. Déterminée, à 15 ans, elle ose pousser la porte du chanteur Salif Keita, son voisin, et lui fait écouter sa voix. Convaincu, celui-ci la fait entrer dans l'orchestre Rail Band de Bamako. C'est à leurs côtés qu'elle fait ses armes et monte sur scène pour la première fois. Le coup de foudre est immédiat.

Mais tandis qu'elle aiguise son talent, Inna Modja traîne toujours une blessure qui ne s'est jamais refermée. "À cause de mon excision, j'avais l'impression de ne pas être complète et d'avoir un problème d'identité. Je me suis dis : 'Qu'est-ce que je vais devenir, quelle est ma place dans la société ?' Cela dépasse ce qui est physique. Je commençais à avoir un problème d'estime de soi", a-t-elle raconté à L'Express.

Heureusement, à 22 ans, la chanteuse en herbe rencontre sa planche de salut : le professeur Pierre Foldès, qui a créé une technique de réparation chirurgicale des femmes excisées. Déterminée à retrouver cette part de féminité qui lui a été volée, la jeune femme accepte la chirurgie. Un monde nouveau s'offre à elle et désormais, c'est sûr, rien ne pourra l'arrêter.

Inna Modja rencontre le succès... et l'amour

Après avoir été mannequin pendant huit ans et écumé les concerts et autres spectacles avec le Rail Band, elle décide de faire de la chanson son métier et démarre fort en assurant la première partie des concerts du chanteur français Sliimy. Rapidement, en 2009, l'ambitieuse passionnée sort son premier album, Every Day Is A New World et commence à séduire le public avec son single Mister H.

À cette même époque, en plus de rencontrer le succès, la jeune femme trouve l'amour… en la personne d'un architecte italo-croate Marco Conti Sikic. "Ç'a été le coup de foudre. Nous avons beaucoup de choses en commun et partageons la même vision du monde : il a grandi avec des femmes, entre Rome et Dubrovnik, car il est à moitié croate. Il a vécu la guerre, il est végétarien, il est sensible, engagé et très à l'écoute de ce qui se passe dans le monde. Nous sommes tous les deux blessés et passionnés", a-t-elle confié à Gala.

Inna Modja : la consécration

Avec ses premiers morceaux, Inna Modja commence à se faire un nom, mais c'est avec son second opus, Love Revolution, que la chanteuse triomphe et se fait véritablement connaître, en 2011. Son titre French Cancan (Monsieur Sainte Nitouche), extrait de l'album sacré disque d'or, se hisse en première place des tubes de l'été. Le public est conquis par ce petit bout de femme à la voix suave et qui manie aussi bien la langue de Shakespeare que celle de Molière dans ses chansons.

Trois ans plus tard, elle revient en force avec l'album Motel Bamako, plus engagé, plus féministe, plus puissant. Elle y chante en bambara, sa langue maternelle, prend position pour les droits des femmes, évoque le Mali en guerre et les migrants de Lampedusa. Une nouvelle Inna Modja se dévoile.

Inna Modja, militante et engagée

La Sainte Famille, en salles le 25 décembre © Pyramide Distribution

"Sur les premiers albums, j'arrivais un peu sur la pointe des pieds et j'étais encore trop vulnérable pour pouvoir y mélanger mon activisme", a-t-elle expliqué à L'Express. Dans le premier single de son troisième album, Tombouctou, l'artiste lance un appel aux femmes et les exhorte à se libérer des griffes du patriarcat et à revendiquer leurs droits. "À mon âge, j'ai davantage les épaules pour parler de ce qui me tient à cœur. J'étais déjà engagée dans ma vie privée, je milite depuis une dizaine d'années contre l'excision dans plusieurs organismes et là, j'ai le courage de veiller à ce que ma musique et ma vie se rencontrent et ne fassent qu'un", a précisé la chanteuse à BFM TV

Des paroles aux actes : Inna Modja poursuit son engagement et devient marraine de la Maison des Femmes de Saint-Denis, structure située au nord de Paris qui prend en charge les femmes victimes de violences en tout genre. Parallèlement, la chanteuse poursuit son petit bout de chemin et intègre le groupe Les Parisiennes aux côtés d'Arielle Dombasle, Helena Noguerra et Mareva Galanter, dans le cadre d'un album et d'une tournée. Cette année, elle prouve, s'il le fallait, qu'elle a plusieurs cordes à son arc et s'essaye au septième art avec le nouveau film de Louis-Do de Lencquesaing, La Sainte Famille. On vous l'avait dit : rien l'arrêtera (et c'est tant mieux)....

Découvrez La Sainte Famille (1h30), de Louis-Do de Lencquesaing, en salles le 25 décembre

"La sainte famille // VF"