Benoît Poelvoorde : "Je n'ai aucun respect pour mon corps"

Le génie désinvolte de Benoît Poelvoorde est un exorcisme dans "Inexorable" de Fabrice du Welz, un thriller fascinant, cynique, hypnotique mais aussi intelligent et interpellant. Rencontre souriante et amusante avec l'acteur enjôleur, un drôle d'oiseau moqueur, provocateur, mais jamais caustique.

Benoît Poelvoorde : "Je n'ai aucun respect pour mon corps"
© Bony/SIPA

Qui est ce Marcel Bellmer que vous incarnez dans Inexorable ? 
Benoît Poelvoorde : C'est un homme d'une petite soixantaine d'années. Prenons un Houellebecq à barbe. Il est l'auteur revendiqué d'un livre plein d'espoir et de force. Et l'époux d'une éditrice très riche, une femme magnifique… Il a un château, un enfant, un chien. Quand le film commence, on s'interroge: le confort de l'écrivain ne définit-il pas sa fin inéluctable? On sent chez ce Marcel faussement assuré, fanfaron, nanti, une forme de doute comme chez tous les gens qui ont fait quelque chose d'incroyable... Bellmer semble prisonnier d'un succès. Jean-Luc Godard disait: "Il vaut mieux faire un navet, comme ça on attend rien de toi..." C'est vrai, le problème de ce romancier, c'est l'impossibilité de réitérer ce best-seller. Il a le syndrome de la page blanche. 

Le rire est votre moteur : où trouvez-vous l'énergie de jouer une autre émotion ? 
Benoît Poelvoorde : Je ris davantage encore quand la situation est désespérée. Je n'impose pas aux autres mes états d'âme, mon cafard. Si le drame impose un registre plus sombre, plus destructeur, plus mélancolique, je me marre deux fois plus entre les prises. Mélanie Doutey -qui joue ma sublime épouse dans le film- peut le confirmer. Tourner des scènes de sexe, ce n'est pas évident voire même très compliqué pour moi. Dieu merci, Mélanie était là. On se connait bien, on a pu en faire des moments décalés, drôles, ludiques…

Savez-vous apprécier le silence ? 
Benoît Poelvoorde : Parfaitement. Entre deux rôles, je reste chez moi et je ne fais rien. Je me repose de moi-même, de ma propension à l'exagération, à la grandiloquence. Je me passionne aussi pour l'ornithologie. Il suffit d'acheter une paire de jumelles, s'asseoir et attendre. 

"Je ne suis absolument pas modeste"

Comment composez-vous avec la célébrité ? 
Benoît Poelvoorde : Je m'en fiche ou m'en amuse. Je me dis que je suis protégé par les étoiles. En revanche, être un acteur connu m'autorise les excès et paie leurs frais. Parfois, la facture est élevée. Je ne suis absolument pas modeste. Je frime avec des voitures de luxe. Pour moi, le monde est un terrain de jeu.

Cette réussite, c'est aussi le regard des autres braqué sur vous, sans cesse…
Benoît Poelvoorde : Dire que je n'apprécie pas d'être l'attraction ambulante serait mentir. C'est schizophrénique. Je ne me plaindrais jamais du regard de l'autre pour la simple et bonne raison que c'est moi qui ai commencé, suscité, provoqué cet intérêt. Certains jours où je ne veux absolument pas que l'on me sollicite, où, fatigué, je refuse d'être dans l'effervescence, l'agitation, je ne sors pas de la maison. J'adore parler avec les gens. Et si je m'ennuie ou s'ils m'agacent, je leur dis. Mais les gens sont très gentils avec moi. Aussi insupportable et arrogant sois-je, je n'ai jamais été agressé par personne…

Est-ce que cette reconnaissance vous rend plus serein, plus apaisé ?
Benoît Poelvoorde : Non, je suis un gars torturé, angoissé, j'ai besoin d'être rassuré... Ce n'est pas lié à mon métier, mais à ma nature. Le public, mes proches, mes amis m'ont sauvé de nombreuses fois grâce simplement à un mot gentil. 

"Je tiens tête à toute forme d'autorité"

Vous donnez l'impression d'avoir toujours été à l'écoute de vos envies, au détriment des convenances et de la bienséance…
Benoît Poelvoorde : Ma femme me dit que je tiens tête à toute forme d'autorité. Je fais partie de ceux qui mettent toujours tout en doute. C'est dans mon caractère. 

Les contraintes que vous fuyez ne sont-elles pas aussi celles qui vous ont permis de franchir les limites ? 
Benoît Poelvoorde : Vous venez de définir l'éducation chrétienne. J'ai été élevé chez les Jésuites. Ils m'ont donné les principes et les valeurs auxquels j'au pu dire "merde". On a besoin de quelqu'un d'autoritaire pour se mettre en colère, d'un cadre rigide pour le faire voler en éclats.

"Je bois beaucoup, je fume beaucoup..."

Quelle est votre pire crainte aujourd'hui ? 
Benoît Poelvoorde : La maladie. Je bois beaucoup, je fume beaucoup, je n'ai aucun respect pour mon corps devenu le buvard de mes tourments. Je suis littéralement le repoussoir des protestants. J'ai peur de souffrir, physiquement, mentalement. 

Que vous reste-t-il à accomplir ?
Benoît Poelvoorde : Il faut que je me fasse une piscine. En vieillissant, je transpire davantage et l'âge venant (il a 57 ans, ndlr), je supporte moins les grosses chaleurs. Je suis très inquiet pour le réchauffement de la planète... Et je voudrais continuer à observer les oiseaux. 

Inexorable de Fabrice de Welz, 1h38, avec Benoît Poelvoorde, Alba Gaia Bellugi, Mélanie Doutey