Michèle Laroque et Isabelle Nanty : "Le doute est notre compagnon de route"

Dans "Alors on danse", Michèle Laroque (aussi à la réalisation) et Isabelle Nanty jouent des sœurs qui s'aiment autant qu'elles se chamaillent. En interview, ces deux reines de la comédie regardent dans la même direction pour parler de leur rencontre, de la force du groupe et des remises en question inévitables par lesquelles elles sont passées.

Michèle Laroque et Isabelle Nanty : "Le doute est notre compagnon de route"
© Michèle Laroque et Isabelle Nanty sur le tournage de " Alors on danse" - THIBAULT GRABHERR - UGC Distribution

Michèle Laroque passe derrière la caméra une troisième fois pour Alors on danse, au cinéma le 16 mars. L'actrice-réalisatrice virevolte également à l'écran dans cette comédie sur le renouveau, l'amitié et la solidarité. Elle y joue Sandra, une femme cocue et embourgeoisée déboulant chez sa soeur "Che Guevarra" du jour au lendemain pour repenser sa vie. Michèle Laroque s'est entourée d'Isabelle Nanty, de Thierry Lhermitte, de Patrick Timsit, de Jean-Hugues Anglade, de Jeanne Balibar ou encore d'Antoine Duléry pour cette valse pleine de bons sentiments. Isabelle Nanty y campe donc la frangine "Danie la rouge", plus branchée amitié que romance, ravie de danser dans une association pour offrir un moment d'évasion à ceux qui en ont besoin. On a questionné les deux comédiennes sur cette collaboration, la solidarité et leur "deuxième danse" à elles.

Que connaissiez-vous l'une de l'autre avant de travailler ensemble pour Alors on danse ?
Isabelle Nanty
 : J'étais venue voir Michèle sur scène avec Pierre Palmade et j'avais été épatée de voir comment elle avait ramené ce texte de Muriel Robin à elle, tout en respectant son rythme et son style.

Michèle Laroque : On s'était croisées sur le film Serial Lover, mais, on se connaissait plutôt artistiquement. On s'est davantage rencontrées aux Enfoirés. Attention, ce n'est pas parce que j'ai un lien d'affection avec quelqu'un que je l'engage pour mon film. Son personnage, Danie, est une emmerdeuse et je voulais que l'on s'attache à elle dès le départ, qu'on la comprenne, qu'on l'aime et qu'on rie. J'avais l'impression de connaître très bien Isabelle de loin, j'avais beaucoup de tendresse pour elle. Je ne voyais qu'elle pour l'incarner. 

"On appuie toujours sur ce que les Français ne font pas, mais ils sont très généreux"

Isabelle, qu'avez-vous découvert de Michèle pendant le tournage ?
Isabelle Nanty
 : Je l'avais trouvée tellement drôle pendant les Enfoirés ! J'ai découvert sur le tournage qu'impossible n'est pas Michèle. Elle a une incroyable force de conviction, elle ne se plaint jamais et nous a dirigés avec une grande bienveillance. Elle nous a dorlotés, protégés, maternés. Ça a été très simple de jouer des sœurs, même si au début elles ne s'entendent pas et qu'il y a une frustration entre elles.

Michèle Laroque : On adore se disputer en s'aimant. On peut aller plus loin dans la querelle parce qu'il y a beaucoup d'amour. On ne fait pas semblant de se disputer, on y va parce que l'essentiel est là.

© © Thibault Grabherr

La solidarité est l'un des sujets principaux du film. A quel point fait-elle partie de votre vie ?
Michèle Laroque : Le film dit aussi qu'il faut d'abord se faire du bien pour faire du bien aux autres. On envoie alors de bonnes énergies et tout ce qui va avec. Quand je repense au casting, je réalise que Thierry Lhermitte est investi dans beaucoup de causes depuis très longtemps, il aide toujours ceux qui en ont besoin. Patrick Timsit est on ne peut plus présent quand on a besoin de lui. Il y a une vraie cohérence. J'avais aussi envie de parler des bénévoles, que l'on voit beaucoup aux Restos du Cœur. Il y en a énormément en France et ça ne se dit pas, on en parle jamais. On appuie toujours sur ce que les Français ne font pas, mais ils sont très généreux. C'est une magnifique qualité. Par exemple, on peut penser que c'est très difficile d'aller voir les enfants malades à l'hôpital, mais il y a un échange qui fait que quand on en ressort, même si on a vu des choses qui peuvent nous toucher énormément, on se sent bien.

Isabelle Nanty : Pour ceux qui en douteraient, la vie ne vaut qu'avec les autres. Pour connaître pas mal de bénévoles dans des associations, ils n'en font pas tout un plat. Ils agissent comme ils respirent. L'effet de groupe peut être extrêmement néfaste dans la violence, mais est sans limite dans l'autre sens. J'adore me dire que toutes les personnes que l'on rencontre, au café, au supermarché, ont une histoire. Tous les gens sont des héros potentiels, on le voit bien en ce moment avec le vent qui tourne... Tout le monde est dans une réaction extrêmement humaniste.

"Nous faisons un métier où l'on se remet en question à chaque minute de notre vie"

Transmettre de l'optimisme aux gens, c'est ce qui vous plaît dans votre métier ?
Michèle Laroque
 : Oui. Je fais des films sur la liberté par le rire, des comédies où l'on se permet des tas de choses tout en étant cohérent avec soi-même. On sait qu'on va faire passer un bon moment aux gens. C'est aussi pour ça que j'adore les films d'Isabelle, je pense aux Profs, parce que c'est un cinéma généreux. J'ai fait beaucoup de films sur le droit à la différence. C'est merveilleux de provoquer le rire sur de tels sujets. Quand on rit, tout est ouvert, on écoute, on fait passer beaucoup de messages. Des portes importantes s'ouvrent.

Isabelle Nanty : Je ne pense pas à cet optimisme quand je choisis mes films. L'envie première, c'est le metteur en scène, puis les partenaires, le sujet, le rôle vient seulement en quatrième position. Pendant tout le tournage je me pose la question : pourquoi le réalisateur fait-il ce film ? Tout ce qui m'intéresse est de percer le mystère... et après je le garde pour moi ! C'est ma façon de découvrir quelqu'un. Il y a peu de moments dans la vie où l'on peut dire que l'on a réellement rencontré une personne. Je crois qu'en travaillant avec des metteurs en scène, on emporte beaucoup de choses avec soi.

La deuxième danse évoquée dans le film, synonyme de seconde chance, l'avez-vous déjà connue ?
Michèle Laroque 
: Nous faisons un métier où l'on se remet en question à chaque minute de notre vie. On ne sait jamais si on va réussir à jouer une scène, à dire une réplique comme on veut la dire, si le film ou la pièce va marcher... C'est tout le temps ainsi et on évolue grâce à ça. Cette fameuse deuxième danse, c'est juste accepter de se tromper, de se planter, d'avoir tort et de se le pardonner. Quand on est un grand sportif, si on perd un jeu, il faut immédiatement oublier cet échec pour se persuader qu'on gagnera la prochaine fois.

Isabelle Nanty : Moi c'est ce que j'adore. Je ne sais pas ce que fais l'année prochaine. Toute ma vie a été comme ça et il y a même eu des périodes d'un an et demi où je n'avais pas de projet. Pour rien au monde je ne changerais. Le doute est notre compagnon de route.