TOUT S'EST BIEN PASSE : Ozon caresse le rire et l'émotion

"Tout s'est bien passé", en salles le 22 septembre, est un nouveau coup d'éclat pour son réalisateur François Ozon. Dans ce drame mâtiné d'humour, présenté en compétition officielle au Festival de Cannes, le cinéaste convoque avec brio Sophie Marceau, André Dussollier et Géraldine Pailhas pour évoquer la filiation et la fin de vie.

TOUT S'EST BIEN PASSE : Ozon caresse le rire et l'émotion
© Diaphana Distribution

Tout s'est bien passé, habile adaptation du roman d'Emmanuèle Bernheim

En 2013 parait le livre autobiographique Tout s'est bien passé, dans lequel la romancière Emmanuèle Bernheim raconte comment elle a aidé son père à en finir avec la vie. François Ozon lit avec intérêt l'œuvre de son amie, qu'il a rencontrée à l'époque où elle lui a prêté main forte sur le scénario de son film Sous le sable (ils se sont recroisés plus tard pour les besoins de Swimming Pool, 5×2 et Ricky). En tournant la dernière page, il est bouleversé. Elle lui propose alors d'en faire la transposition à l'écran, mais il refuse. Question de timing, d'abord. Mais surtout, une crainte bloquante: comment se réapproprier une histoire aussi intime?
Depuis, Bernheim a été emportée par un cancer et son roman, un temps envisagé au cinéma par Alain Cavalier, est retombé dans les mains d'Ozon. Le temps aidant, et désireux de renouer avec la défunte par le sentier des mots, il a recollé les morceaux manquants du récit, grâce notamment à Serge Toubiana et Pascale Bernheim, le mari et la sœur de l'héroïne, pour proposer une adaptation aussi intelligente que vivante. Pour ce faire, il fallait, une fois n'est pas coutume, tout l'art du storytelling dont Ozon est l'un des plus grands maîtres en France.   

Fin de vie et euthanasie : sujets casse-gueule, traitement brillant

La fin de vie au cinéma est un terrain miné. Rares sont les metteurs en scène à avoir transformé le défi d'un tel sujet. On peut citer, par exemple, Amour de Michael Haneke, Mar Adentro d'Alejandro Amenábar ou Blackbird de Roger Michell. Tout s'est bien passé de François Ozon rejoint avec maestria ce haut du panier. Mais, contrairement aux longs-métrages susnommés, cette 20e réalisation du cinéaste Français atténue avec panache la gravité de ladite thématique en lui insufflant une dose d'humour constante. Laquelle circule grâce à la personnalité fantasque du père, incarné à l'écran par André Dussollier.
Après son AVC, qui l'a considérablement diminué, il se met en tête de mourir, contre vents et marées, désarçonnant ainsi ses deux filles (campées à l'écran par Sophie Marceau et Géraldine Pailhas). Faisant fi des uns et des autres, avec la gouaille en arme et le rire comme dégoupilleur, seul son désir prime.
En s'appuyant sur ce personnage, Ozon parvient à faire un film du côté de la vie, taisant le potentiel déprimant de l'euthanasie au profit d'une ironie mordante. La réussite du film tient in fine dans l'adhésion totale du public à la mission de ce père : mourir. Et, sur ce chemin, on l'accompagne avec des rires et quelques larmes.   

Sophie Marceau et Géraldine Pailhas dans "Tout s'est bien passé". © Diaphana Distribution

Tout s'est bien passé : avec Sophie Marceau, André Dussollier… Un casting royal !

Il a grandi avec elle et l'a toujours eue dans son viseur artistique. Après plusieurs tentatives infructueuses (8 Femmes, 5x2, Jeune et jolie et Potiche), François Ozon a (enfin) pu diriger Sophie Marceau. A ce propos, il fait volontiers le parallèle avec Charlotte Rampling, qu'il avait mise en lumière dans sa cinquantaine éclatante pour Sous le sable.
De la même façon, il révèle Sophie sans Marceau, en proposant à une des icônes du cinéma hexagonal une partition dépouillée, à l'os, sans fard, dans laquelle elle s'abandonne avec grâce, malice et émotion. Face à elle, André Dussollier, pressenti à Cannes pour un prix d'interprétation masculine, est une véritable Rolls. Dans la préparation de ce rôle, son engagement a été total -visionnage de plusieurs documentaires sur l'euthanasie, rencontre avec une médecin de l'hôpital Lariboisière qui travaille à la rééducation des patients ayant subi un AVC. Mais ce qui a le plus aidé le comédien, c'est cette vidéo d'Emmanuèle Bernheim dans laquelle son père dit vouloir en finir. Tel a été son matériau de travail pour peaufiner son incarnation et offrir à ses partenaires, Sophie Marceau et Géraldine Pailhas, une partition qui fera clairement date.