Du X de PLEASURE au cochon de PIG, l'extase à Deauville
Comme chaque année, le meilleur du cinéma indépendant américain s'est retrouvé au Festival de Deauville. Parmi les principales révélations de ce millésime : "Pleasure", la trajectoire crue d'une jeune femme qui tente de percer dans l'industrie du porno, et "Pig", le récit d'un homme qui s'est fait voler sa truie truffière.
Pour sa 47e édition, le Festival du Cinéma Américain de Deauville a de nouveau engendré une belle agitation sur ses célèbres planches. Son point culminant? La présence de Johnny Depp qui, en pleine déconfiture avec les studios hollywoodiens, a pu reprendre du poil de la bête en s'offrant un bain d'amour de la part du public normand, à qui il a accordé une masterclass passionnante.
L'acteur américain accompagnait plus précisément l'avant-première de City of Lies de Brad Furman, dans lequel il incarne Russell Poole, l'homme qui a cherché à élucider le mystère de la mort de 2Pac et Notorious B.I.G.
Oliver Stone a également signé ce cru 2021 d'une présence remarquée, en y présentant son documentaire JFK, L'enquête, une oeuvre dense qui nous immerge dans les dossiers déclassifiés de l'assassinat du président Kennedy.
Venue sans son papa Sean Penn, la belle Dylan Penn a par ailleurs reçu lors du premier week-end le Hollywood Rising Star Award qui couronne chaque année une des promesses du cinéma US. Mais le clou du spectacle reste -et restera toujours- la compétition qui, une fois n'est pas coutume, a su se montrer exigeante, hétérogène, riche de thématiques et de révélations.
Parmi les 13 films soumis au jury présidé par la cinéphile Charlotte Gainsbourg, nous avons adoré John and the Hole, un conte clinique et hanekien dans lequel un enfant séquestre sa famille dans un bunker et tremblé devant La Proie d'une Ombre, récit de deuil et de claustration. Mais trois films nous ont plus particulièrement enthousiasmés. Les voici.
PLEASURE de Ninja Thyberg
C'est sans commune mesure l'uppercut de la compétition. Adapté de son court-métrage homonyme, présenté en 2013 à Cannes à la Semaine de la Critique, Pleasure marque les premiers pas de la cinéaste Ninja Thyberg, diplômée de l'Académie des arts dramatiques de Stockholm. Avec un regard acéré et sans concessions, elle y brosse le portrait d'une jeune suédoise de 20 ans, fraîchement installée à Los Angeles et littéralement obsédée par l'accession rapide à une carrière dans le porno. On aurait pu craindre un spectacle à charge et voyeuriste mais la mise en scène évite tous les dangers putassiers pour nous faire vivre, avec habilité, les coulisses carnassières et remuantes d'un milieu tabou. Jamais le cinéma ne l'avait dépeint avec une telle frontalité documentaire. Mention spéciale pour la comédienne Sofia Kappel, éblouissante de talent et d'engagement. (en salles le 20 octobre)
PIG de Michael Sarnoski
Il parle peu mais sa seule présence hirsute suffit à embraser Pig, l'épatant premier long-métrage de Michael Sarnoski. Oui, Nicolas Cage offre son physique magnétique à ce jeune cinéaste qui l'immortalise ici comme on l'a rarement vu, en lui donnant à jouer une partition dépouillée, sauvage, à l'os. Il campe un chasseur de truffes perclus dans la nature inhospitalière de l'Orégon. Au coeur de cet océan vert, il peut toujours compter sur la présence réconfortante de sa truie truffière, qui l'épaule au quotidien. Sauf qu'un mauvais matin, il se retrouve assommé, à terre, sans elle. Loin de la quête vengeresse d'un John Wick, ce dernier va retourner illico vers la civilisation pour savoir quels sont les bougres qui lui ont volé sa bête. Avec ses quelques lignes de dialogues et son look de yéti, Cage signe une prestation oscarisable et porte à ébullition ce récit bref et touchant, tout en brisures et en mélancolie. (en salles le 27 octobre)
DOWN WITH THE KING de Diego Ongaro
Torse nu sous un épais manteau de fourrure, Money Merc se balade au gré d'une nature reculée, quelque part dans le Massachusetts. C'est là que ce très célèbre rappeur a choisi de se retirer pour retrouver l'inspiration et -surtout- le chemin qui le mène à lui-même. Tel est le point de départ de Down with the King, le second film de Diego Ongaro, un réalisateur français qui a lui-même quitté New York pour s'installer plus au nord, loin du vacarme débilitant des grandes villes. Avec une rare subtilité, l'intéressé évite de se vautrer dans le piège des antagonismes faciles que peut provoquer la friction entre le backgroung urbain de son héros et les attachants locaux qu'ils croisent quotidiennement et qui, petit à petit, le ramènent à une réalité terrestre. D'ailleurs, le fermier avec lequel il devient ami est vraiment fermier. Au fil d'ellipses magiques et de discussions gorgées d'humanité, ce film de reconstruction nous repanse le coeur avec douceur, en même temps que celui de son héros, interprété par le magnifique Freddie Gibbs. (non daté)