MY ZOE ou l'éclatant drame filial de Julie Delpy

"My Zoe", le septième long-métrage de la cinéaste et actrice française Julie Delpy est à découvrir au cinéma. Elle s'y met en scène sous les traits d'une mère généticienne dans le tumulte d'une rupture de couple et d'un drame soudain. Le Journal des Femmes vous donne des raisons d'être au rendez-vous.

MY ZOE ou l'éclatant drame filial de Julie Delpy
© Bac Films

My Zoe : un récit en trois temps

A la manière d'une tragédie, l'histoire de My Zoe, le septième long-métrage de Julie Delpy, se découpe en trois parties. Le premier temps est celui de la découverte du personnage principal : Isabelle, une généticienne londonienne qui envisage de relancer sa carrière en même temps qu'elle s'écharpe avec son ex-mari au sujet de la garde de leur fille, Zoe. Vient ensuite l'hospitalisation subite de la petite et les longues heures d'angoisse, d'attente, de flottement. Le dernier acte épouse enfin, quant à lui, une forme de clarté et de renaissance. Mais à quel prix ? Jusqu'où peut aller l'amour maternel ? A-t-il des limites ?
Si ces trois morceaux ont la même durée, Delpy parvient judicieusement à leur octroyer un ressenti temporel différent, usant tantôt d'ellipses pour figurer l'accélération des faits, tantôt d'étirements sur certaines scènes afin de mieux faire vivre et comprendre l'expectative. Cette maîtrise des temporalités est d'autant plus saisissante qu'elle donne littéralement au spectateur le sentiment d'avoir tout traverser avec les personnages. Absolument tout.   

My Zoe : une hybridation des genres

Si Julie Delpy n'avait pas été réalisatrice, elle serait probablement devenue scientifique. C'est elle qui le dit. D'ailleurs, difficile de ne pas assimiler My Zoe à une œuvre tout droit sortie du laboratoire de son propre esprit. L'intéressée, qui s'est longuement plongée dans les faits médicaux, scientifiques et génétiques en amont du premier clap, s'apparenterait presque à une laborantine penchée sur son expérimentation.
Ce septième long-métrage rompt clairement avec ses précédents films pour imposer un rythme et un ton qui provoquent l'émotion par leur caractère hautement déroutant. Au diable les effets de musiques pompiers, les facilités lacrymales… Très peu pour Delpy. La sincérité du récit et des propos vertigineux qu'il propose -on ne spoilera rien- saute d'autant plus aux yeux que My Zoe a connu une genèse liée à une période difficile pour l'actrice et réalisatrice. La mort de sa mère, la naissance de son fils et sa séparation houleuse lui ont en effet permis d'imprimer dans ce film quelque chose d'authentique et de déchirant.

Julie Delpy, Richard Armitage et Sophia Ally dans "My Zoe". © Bac Films

Julie Delpy, une auteure majeure

Elle a peu d'équivalent en France. Depuis ses débuts, Julie Delpy séduit et surprend par son énergie, son humour et, surtout, cette liberté qui fait qu'elle embrasse tous les genres avec un appétit égal, en faisant toujours fi des conventions. Personnage singulier du cinéma hexagonal, et mondial, ses réalisations lui ressemblent : parfois légères (2 days in Paris), parfois graves (La Comtesse).
Souvent profondes, même dans le rire. Et toujours pleines d'esprit.
Avec My Zoe, elle pose un nouveau jalon dans sa filmographie en osant, plus que jamais, foncer vers l'émotion. Si elle ne l'appuie jamais, elle ne s'en dédouane pas pour autant. Elle l'assume avec une grâce et un sens naturel de la mise en scène. Epatante dans le rôle principal, et excellente directrice d'acteurs, elle négocie chacune des chicanes de son labeur en accouchant d'un résultat fluide malgré ses nombreuses métamorphoses.
Au fil de son récit, elle essaime des questionnements profonds sur les limites de l'amour filial, interroge l'éthique scientifique et radiographie la déconfiture de couple. De quoi faire de My Zoe un film-somme qui, encore une fois, échappe à toute case et à toute étiquette. Et, surtout, découvrez-le en en sachant le moins possible.