Patrick Bruel : "Je n'ai jamais eu envie d'avoir du pouvoir"

Dans "Villa Caprice" de Bernard Stora, en salles le 2 juin, Patrick Bruel incarne, tout en tension, un grand patron français pris dans la tourmente d'une affaire entremêlant vies privée et publique. Pour le Journal des Femmes, il revient sur cette expérience qui lui a notamment permis de tourner avec un acteur qu'il adore : Niels Arestrup.

Patrick Bruel : "Je n'ai jamais eu envie d'avoir du pouvoir"
© Bac Films

Quand il n'est pas occupé à composer, remplir des salles de concerts (et en faire sur Facebook) ou fabriquer son huile d'olive d'exception, Patrick Bruel aime passer une tête sur le grand écran. Cette année, il retrouve Niels Arestrup dans le thriller politico-financier Villa Caprice de Bernard Stora. Avec flegme et caractère, il se glisse sous les traits d'un grand patron français pris dans la tourmente après des révélations sur une villa azuréenne qu'il aurait mal acquise. Pour sa défense, il pourra compter sur un avocat au cuir dur. Dans un bel hôtel du triangle d'or, affable et souriant, Bruel se confie au Journal des Femmes avec, à la clé, quelques aveux qui sentent la nature et le soleil. 

Cela faisait a priori longtemps que vous souhaitiez tourner avec Niels Arestrup. Est-ce l'une des raisons pour lesquelles vous avez accepté ce projet ?
Patrick Bruel :
La première chose, c'est d'avoir un bon scénario et une bonne histoire. Et quand on vous dit que ça va être avec Niels Arestrup, évidemment, on se précipite. Je l'ai découvert en tant qu'acteur dans Haute Surveillance de Jean Genet à la fin des années 70, au théâtre de l'Atelier. J'étais à deux mètres de lui et j'ai été très impressionné par sa performance. J'ai ensuite suivi sa carrière. Comme tout le monde, son talent et son charisme me scient. Il y a 3 ans et demi, on a fait une lecture de théâtre ensemble. On ne se connaissait pas. Ça a été merveilleux et fort pour lui comme pour moi. Il voulait qu'on bosse ensemble. Pour des questions de dates, je n'ai hélas pas pu. Du coup, quand l'occasion s'est présentée sur Villa Caprice, j'ai sauté dessus. J'ai été séduit par la trame de ce thriller psychologique digne des bons films noirs des années 60-70, avec une vraie tension et un beau face-à-face…  

Vous dites volontiers que c'est gratifiant de camper un personnage ambigu. Pourquoi ?
Patrick Bruel :
Parce qu'on cherche dans des ressorts différents, qu'on est sur quelque chose qui ne nous ressemble pas trop… J'ai souvent joué des héros solaires, positifs, en adéquation avec moi-même. Ce n'est d'ailleurs pas toujours simple d'incarner des personnages qui vous ressemblent. Quand on s'éloigne de sa personnalité, on cherche en tout cas des sensations, des sentiments, des attitudes qu'on n'a pas. Je ne suis pas dans le milieu des grands patrons. Je ne connais pas bien tout ça même si, comme tout le monde, j'ai suivi quelques scandales financiers à la télé…

"En France, on n'aime pas les riches", lance votre personnage dans le film. Etes-vous d'accord avec cette réplique ?
Patrick Bruel :
Je n'irai jamais sur des raccourcis… Faire des généralités sur un sujet aussi important serait une erreur. On ne peut pas dire que la France soit le pays qui fait le plus l'apologie du succès. On a toujours préféré les deuxièmes. Contrairement aux Américains qui aiment les gens qui réussissent, nous, on a tendance à soutenir les petits Poucet. Poulidor était par exemple plus populaire qu'Anquetil.

" Je me remets en question tout le temps, je bosse beaucoup, je cherche, j'essaye" 

En tant que personnalité publique, j'imagine que vous avez dû croiser ou peut-être fréquenter de grands patrons…
Patrick Bruel :
Bien sûr, oui… Je regarde beaucoup les gens, depuis toujours. (Réflexion) Je ne suis pas fasciné par le monde de la finance. Je suis parfois étonné ou admiratif d'une réussite quand elle est basée sur une belle idée qui a grandi, qui a fait du bien aux gens… On ne peut pas ne pas être admiratif d'un Steve Jobs, d'un Bill Gates, d'un Xavier Niel ou d'un Bernard Arnault… Le travail qu'ils font et qu'il donne aux autres est extraordinaire. Après, il y a évidemment des choses et des effets pervers qu'on ne voit pas, comme dans tous les milieux à conflits d'intérêts forts…

Patrick Bruel et Niels Arestrup dans "Villa Caprice". © Bac Films

Quand on jouit de ce type de pouvoir, est-on immanquablement hors-sol ?  
Patrick Bruel :
(Réflexion) On est hors-sol à partir du moment où on pense que le succès donne raison. C'est là où l'on perd pied, qu'on soit un homme d'affaires, un sportif ou un artiste. Je pense que le piège est à cet endroit, ce danger de ne plus se remettre en question, de penser que, parce qu'on a le succès, on a forcément raison sur tout.

Ça vous est déjà arrivé ?
Patrick Bruel :
J'ai sûrement pensé à un moment que le succès pouvait me donner raison, oui... Mais j'ai de bons gardes fous. Je me suis toujours bien entouré. Je travaille avec la même équipe. Chez moi, on est 7 : il n'y a presque que des femmes. Elles sont six en tout dans la société et on bosse ensemble depuis le début. On est une famille. C'est pareil pour les attachées de presse, ma maquilleuse, ma coiffeuse… Vous savez, j'avance, je me remets en question tout le temps, je bosse beaucoup, je cherche, j'essaye de faire mieux. Rien n'est jamais acquis. Je lance une nouvelle tournée acoustique en septembre. Tout s'est fait dans mes bureaux, de l'affiche à la moindre des décisions...

"Je souhaitais que le succès et la réussite soient un passeport pour la liberté"

Être artiste, est-ce aussi chercher le pouvoir ?
Patrick Bruel :
Je ne crois pas. Je n'ai jamais eu envie d'avoir du pouvoir. Je voulais être indépendant, pouvoir choisir… Je souhaitais que le succès et la réussite soient un passeport pour la liberté. Que je puisse faire artistiquement ce qui me plait, quitte à prendre des risques. Faire du bien aux gens. Même si je suis féru de sciences politiques, je ne me suis jamais vu dans un rôle de pouvoir. Sans avoir envie de l'être, la fonction de maire reste à mon sens la plus intéressante pour sa proximité avec les gens.

"Je viens du sport à haut niveau"

Le milieu de la musique connait-il des coups bas ?
Patrick Bruel :
Je suis assez content de pouvoir dire que je n'ai pas fait de coups tordus, je n'ai écrasé personne, je n'ai pas fait de manigances… J'ai avancé sans me préoccuper de ce qu'il y avait à droite et à gauche. Ça, je l'ai fait dans le passé, puisque je viens du sport à haut niveau (il a pratiqué le football, le handball, le ping-pong, ndlr). A l'époque, je voulais arriver premier tout le temps. Pour moi, la phrase de Coubertin " L'essentiel, c'est de participer " ne voulait rien dire. En matière artistique, on est évidemment content quand un disque est numéro un des ventes, quand on a une récompense, mais la notion de meilleur acteur ou meilleur artiste est très bizarre. Je n'ai pas vécu ce métier et ce parcours comme une compétition. Peut-être aussi parce que j'ai été très gâté et que j'ai eu du succès...

Patrick Bruel dans "Villa Caprice". © Bac Films

"Je suis un déraciné né en Algérie et arrivé en France"

Vous êtes également chef d'entreprise puisque vous commercialisez de l'huile d'olive. Quel type de patron êtes-vous ?
Patrick Bruel :
Je suis un homme d'idées. Je mets des gens ensemble pour faire de belles choses. Quand j'ai acheté cette maison de l'Isle-sur-la-Sorgue, il y avait une centaine d'oliviers. J'aime cet arbre esthétiquement et symboliquement. De temps en temps, je m'offrais quelques arbres, des gens en faisaient de même. On est vite passés à 250… Là, je me suis dit que ça serait cool de faire de l'huile pour nous, la famille… Car tout part des enfants. Je veux qu'ils aient des racines. Je suis un déraciné né en Algérie et arrivé en France. Mes enfants sont nés en France et habitent les trois-quarts du temps à Los Angeles. J'avais envie de planter, d'ancrer, avec cette idée de maison, de terre… Je suis attaché à la terre, à la nature... Ce n'est pas familial, ça vient de moi, de mes expériences, du fait d'avoir fréquenté des gens qui ont un goût prononcé pour l'écologie… En 2016, on avait 800 arbres. Aujourd'hui, on est à 3600… Depuis 2016, on a gagné 81 médailles dont plusieurs en or. On a aussi un rosé qui vient de sortir, c'est une petite récolte. On prépare le rouge...

"Je suis attaché à la terre, à la nature…"

Il parait que vos enfants sont fans de votre cuisine…
Patrick Bruel :
J'ai progressé grâce au Covid (rires). J'ai appris. Ils m'ont dit qu'il y a eu un avant et un après, j'en suis fier du coup.

Dernier chose : selon vous, le pouvoir d'aujourd'hui vient-il des réseaux sociaux où vos Facebook lives ont fait de belles audiences ?
Patrick Bruel :
C'est un pouvoir avec ses effets pervers, avec une gestion et un code de la route… Mais c'est aussi un instrument extraordinaire. Plus de 20 millions de personnes m'ont suivi sur Facebook pour des lives. Cela a crée une intimité, une vraie histoire… Cela me sert de tremplin, de moyen de communication, j'ai appris à me servir de tout ça, à préparer un spectacle tout seul… C'est formidable.