Avec ROUGE, Cannes offre un Deauville un thriller écolo impressionnant

Labellisé Cannes 2020, "Rouge", le second long-métrage du cinéaste franco-algérien Farid Bentoumi, a été présenté en avant-première au Festival du Cinéma Américain de Deauville. Ce brûlot inspiré, en salles le 25 novembre prochain, séduit par la force de son propos et par son casting impeccable.

Avec ROUGE, Cannes offre un Deauville un thriller écolo impressionnant
© Ad Vitam

C'est un genre qui est plutôt l'apanage du cinéma américain. Les exemples ne manquent d'ailleurs pas à l'appel : Erin Brockovich de Steven Soderbergh, Night Moves de Kelly Reichardt, Promised Land de Gus Van Sant ou plus récemment Dark Waters de Todd Haynes. Côté français, le thriller écolo et social court plus discrètement les rues. A moins que Rouge, la seconde réalisation de Farid Bentoumi, ne vienne changer la donne et faire des émules…
Quatre ans après Good Luck Algeria, le cinéaste franco-algérien y livre un témoignage politique, social et écologique dont la force ne s'encombre d'aucun gros sabot. Tout y est exprimé avec simplicité, retenue, intelligence. Les questions pleuvent. Les réponses, elles, restent parfois en suspens, accentuant réflexions et prises de conscience.

La femme est l'avenir de l'homme

Ici, c'est une femme qui met le doigt dans l'engrenage. Elle s'appelle Nour. Fraîchement embauchée dans l'usine chimique où travaille son père depuis plus de 25 ans, elle remarque vite que la structure, ultra toxique, traîne de terribles casseroles.

Rejets polluants, dossiers médicaux trafiqués, accidents dissimulés, l'héroïne de ce drame coup de poing se trouve rapidement au croisement d'un douloureux carrefour : trahir son père ("Ne mords pas la main que te nourrit !", la prévient-il) en faisant éclater la vérité, quel qu'en soit le coût et les conséquences économiques, sociales et familiales, ou choisir, comme les nombreux employés, de se soumettre à un silence cancérisant.

Sa rencontre avec une journaliste qui mène l'enquête sur la gestion des déchets achève finalement d'en faire une courageuse lanceuse d'alerte.

Haletant (sans effet grandiloquent), concis et extrêmement bien écrit, Rouge trouve sa source à la jonction du cinéma social façon Dardenne ou Loach et des films de dénonciation à l'américaine.

Au plus près des visages, surtout celui, si expressif, de la merveilleuse Zita Hanrot, Farid Bentoumi ne néglige aucun personnage, faisant de chacun une pièce maîtresse d'un rouage implacable.

Sami Bouajila marque les esprits par son intensité.

Céline Sallette convainc en journaliste qui ne lâche pas son os.

Par-delà ce trio, tout est d'une justesse qui colle le spectateur à son siège, faisant de lui le témoin ébahi de dérives d'autant plus terrifiantes qu'elles sont inspirées de faits réels.

Et si le résultat est aussi glaçant, c'est parce que le scénario se garde bien de stabyloter sa charge contre les industries polluantes. La critique qu'il renferme est bien plus subtile et l'effet sur le public n'en est que plus entêtant. Le cinéma sert aussi à ça : alerter les consciences.