Qui est Bukky Bakray, la révélation de ROCKS ?

Dans "Rocks", le troisième long-métrage de Sarah Gavron, en salles le 9 septembre, elle incarne une jeune fille qui s'occupe de son frère et organise sa vie suite à l'abandon de sa mère. Émouvante et vibrante, Bukky Bakray constitue la belle pierre angulaire de ce drame social et lumineux. Portrait d'un talent en puissance.

Qui est Bukky Bakray, la révélation de ROCKS ?
© Keith Mayhew / SOPA Images/Sipa /SIPA

17 ans et sûrement le début d'une carrière artistique qu'elle n'aurait osé espérer. Native de Londres, l'anglo-nigériane Bukky Bakray est la révélation de Rocks, le troisième long-métrage de la cinéaste Sarah Gavron (Rendez-vous à Brick Lane, Les Suffragettes). Elle prête ses traits et sa fougue à l'héroïne, une jeune fille de 15 ans qui tente de protéger son petit frère après la fuite en avant de sa maman. Battante, résiliente, le spectateur s'émouvra de la voir se retrousser les manches et organiser sa vie avec le soutien de sa précieuse bande d'amies. C'est dans le quartier de Hackney, à l'est de la capitale anglaise, théâtre d'un formidable melting-pot, que se situe précisément l'intrigue. C'est aussi de là que vient Bukky Bakray : "Les filles de Rocks disent vraiment à quel point Londres est multiculturelle. Dans le groupe de mon personnage, il y a des origines nigérianes, bangladaises, gitanes, polonaises, somaliennes, congolaises et britanniques. C'est une œuvre d'art qui a quelque chose pour tout le monde, un récit altruiste qui évoque la joie, la fraternité et la véritable amitié." Et de continuer, dans une métaphore plutôt bien vue : "Si Rocks était un restaurant, le menu disposerait d'une option végétalienne, végétarienne, sans gluten, viande, halal… Essentiellement, ce que j'essaie de dire, c'est que ce film considère les femmes avec les différents préjugés auxquels elles sont souvent rattachées".

Une énergie débordante

Fan de Lakeith Stanfield, Damson Idris, Tom Moutchi et Kiki Lanye (dont elle loue la "prestation stellaire" dans Si Beale Street pouvait parler, son film préféré, lui-même adapté de son livre de chevet signé James Baldwin), Bukky Bakray nourrissait déjà, enfant, la vague idée d'être actrice. "Mais je ne voyais pas cela comme un plan de carrière réalisable", se souvient-elle. "J'ai donc simplement poussé cette idée loin dans mon esprit. Je voulais par ailleurs faire partie des milieux de la musique et de la gastronomie, parce que j'aime les bons sons et la bouffe. La mode était aussi un terrain vers lequel je voulais m'orienter. Concevoir et confectionner des vêtements me plaisait beaucoup." Au final, au regard de ses excellents premiers pas de comédienne, il n'est plus si sûr qu'elle opte pour la stabilité escomptée, celle qui rime avec "le travail de bureau". Il faut dire que sa fibre artistique, omniprésente, lui rappelle quotidiennement le chemin à emprunter. "Je tiens sûrement ça de mon frère aîné, Hamed. L'art traverse ma famille, qui englobe des graphistes, des créateurs de mode et des illustrateurs." En écoutant Tupac et Biggie ou entre une projection de Love Jones et Menace II Society, Bukky adorait s'entraîner, avec sa fratrie, à dessiner ses chanteurs favoris.  En 30 secondes, montre en main. 

Bukky Bakray et la réalisatrice de "Rocks", Sarah Gavron. © Haut et Court

C'est cette énergie chevillée au corps qui a séduit Sarah Gavron et ses scénaristes, Theresa Ikoko et Claire Wilson. La réalisatrice, qui a bouclé son casting avant l'écriture du scénario, l'a longtemps observée. "Elle était assise au fond de la classe ; ça ne me stressait pas du tout car je ne savais absolument pas que c'était une cinéaste acclamée. Je me retournais de temps en temps et je voyais qu'elle était là." Après des mois d'observation et de nombreux ateliers de travail où elle se révélait de mieux en mieux, en improvisation notamment, Bukky Bakray a obtenu le graal : le premier rôle de Rocks. "Le film a été mis en scène dans l'ordre chronologique. Au fur et à mesure que j'approfondissais le récit, je devenais beaucoup plus confiante. J'apprends à connaitre mon personnage au même rythme que le fera le spectateur." D'ailleurs, Gavron n'hésitait jamais à filer à ses actrices leurs dialogues la veille pour le lendemain, afin qu'elles restent ancrées dans un présent libre. "Tout semblait beaucoup plus personnel, le temps n'était pas déformé, cela m'a aidé à être Rocks", affirme-t-elle, ajoutant -encore une fois- son plaisir d'avoir tourné dans une œuvre qui met en valeur les jeunes filles dans toute leur diversité.

Se révéler par le jeu

Lorsqu'on lui demande quelles facettes de sa personnalité sont les plus précieuses quand il est question d'art, elle lance : "Je dirais ma boussole morale, mes principes, mon sens de la justice et à quel point être noire fait partie de mon identité. La généralisation est l'ennemi de l'art et je crois en la liberté lorsque je crée. Je pense qu'il est important et qu'il est de notre responsabilité en tant que créateur de comprendre l'impact de notre art et de ce qu'on fait entrer dans notre monde. Le respect et la responsabilité doivent être reconnus. La représentation de faux récits peut être destructrice. Je suis une défenseure de la liberté.." Après l'école, la jeune femme aimerait exercer une activité philanthropique, elle qui aime œuvrer pour le bien de la communauté, de l'autre, de son prochain. Et pour cela, elle a quand même besoin, "parce que c'est important et thérapeutique", de garder un pied dans l'art. Pourquoi pas écrire et réaliser, ou même tourner chez Wong Kar-wai ou Barry Jenkins. Portée par le discours de Viola Davis aux Oscars, qui disait que jouer est "le seul métier qui célèbre ce que signifie vivre une vie", Bukky Bakray savoure cette parenthèse qui s'ouvre et espère être, dans les années à venir, une meilleure performeuse.

"Rocks // VOST"