ÉTÉ 85 : Benjamin Voisin hisse ses voiles vers les sommets
Il est à l'affiche de quatre films en 2020, dont "Été 85", la nouvelle réalisation de François Ozon. Benjamin Voisin y est magnétique en éphèbe épicurien. Sa prestation solaire le hisse, plus que jamais, parmi les meilleurs espoirs du cinéma français. Portrait.
Cheveux hérissés au vent, chemise et démarche décontractées, allure débonnaire. Après un check du coude –distanciation sociale oblige–, Benjamin Voisin s'installe dans l'un des fauteuils d'un rooftop du 16e arrondissement parisien. Clope à la main, assis en position du tailleur, il est prêt à se raconter. Mais en choisissant les détails qu'il peut lâcher, ou pas, selon sa flegmatique appréciation. "C'est une vraie question ?", lance-t-il d'ailleurs, amusé, quand on lui demande sa date de naissance, introuvable sur le Net. Voyant que l'interrogation est vraiment sérieuse, il reprend: "J'aime bien ne pas la donner. Je fais hyper attention à tout ce qui est trop personnel. J'ai vu les séquelles que ça a laissées chez certains acteurs qui se sont trop exprimés sur leur vie privée."
Avec la discrétion pour leitmotiv, cet apollon fait aujourd'hui figure d'incontournable promesse du cinéma français.
Après ses prestations remarquées en début d'année dans le touchant Un Vrai Bonhomme de Benjamin Parent et dans le spielbergien La Dernière Vie de Simon de Léo Karmann, sa carrière prend des atours encore plus brillants avec Été 85 de François Ozon, dont il tient l'un des deux rôles principaux. Celui de David, un jeune homme ivre de liberté et de sensations fortes, qui entame une relation estivale et charnelle avec un ado de 16 ans (Félix Lefebvre) qu'il a sauvé d'un naufrage. "Comme lui, je suis un épicurien, j'aime goûter la vie", s'enthousiasme-t-il, ne cachant pas au passage sa passion pour les romans des Beatnik, libertaires et galvanisants.
Au même titre que L'insoutenable légèreté de l'être de Milan Kundera ou La Vie devant Soi de Romain Gary, Benjamin Voisin a aimé lire, plus jeune, tous ces auteurs à la Kerouac scandant cette fureur de vivre agrafée à l'âme.
Enfance tranquille et artistique
Aîné d'une fratrie de quatre enfants, Benjamin Voisin a tout de suite endossé son rôle de grand frère avec engagement: "Il y a là un devoir à accomplir, il faut briller à certains endroits. J'ai toujours aimé qu'on me file des responsabilités."
Au rayon comptable dans lequel évolue sa maman, cet élève assidu, qui a eu très tôt le sens de la gagne façon Monica Geller dans Friends, a préféré la fibre de son père, professeur au Cour Florent. "Je lui dois ma veine artistique, qu'il a accueillie les bras ouverts quand, à 16 ans, j'ai voulu devenir acteur. Il m'a alors orienté vers ses confrères. Je lui en suis à jamais reconnaissant car j'ai eu la meilleure formation possible."
C'est à la télévision, grâce au réalisateur Philippe Faucon (césarisé pour Fatima); dont il loue "le regard humaniste sur le monde", qu'il se fait remarquer. Il est l'un des héros de sa mini-série Fiertés; son arc narratif correspondant au moment de la dépénalisation de l'homosexualité en France. "C'était il n'y a pas longtemps: 40 ans seulement, c'est fou. J'imagine le soulagement que ça a dû être pour les jeunes homos", lance ce fan de Belmondo et Dewaere. La suite de l'histoire ? Son téléphone s'emballe et les possibilités s'ouvrent à lui. Un beau cheminement qui l'a donc mené jusqu'à François Ozon, dont il ignorait tout du travail avant de passer son casting. "Je m'y connais bien en théâtre : j'ai vu de nombreuses pièces… Mais je suis un mauvais spectateur de cinéma. J'ai passé les essais en n'ayant vu aucun des films de François. Mais je peux vous dire que j'ai pris un plaisir fou à les découvrir avant de tourner. Je suis arrivé sur le plateau parfaitement familier de sa mise en scène et de ses thématiques…"
Bientôt chez Giannoli
Sous les traits de David, Benjamin Voisin explose donc dans Été 85. Incandescent en figure tragique, il a su se fondre dans cette saison estivale qu'il adore (il passe la plupart de ses étés en France) et restituer à merveille la complexité de son personnage. "Il a en lui une violence noire et perverse qui l'amuse. C'est un scorpion d'apparence magnifique qui fait qu'on oublie parfois que sa queue est venimeuse. Du coup, je me suis concentré sur sa queue", concède-t-il, malicieusement, avant de redire sa fierté de travailler avec un cinéaste qu'il considère comme étant "à part". C'est à ce instant -quand on parle du loup- que François Ozon se matérialise sur la terrasse de l'hôtel. Il prend place, taquin, et lance à son jeune acteur : "Vas-y, continue. J'écoute, je dis rien, on va voir si t'es langue de bois."
Benjamin Voisin éclate de rire et reprend, plus concentré, en évoquant sa collaboration récente avec Xavier Giannoli dans Comédie Humaine, l'adaptation des Illusions Perdues de Honoré de Balzac. "C'était très agréable d'être porté par de tels acteurs (il y donne la réplique, sous les traits de Rubumpré, à Gérard Depardieu, Vincent Lacoste, Jeanne Balibar, Xavier Dolan et Cécile de France, ndlr) et par un auteur comme Balzac." Un début de carrière tout en fulgurance que l'intéressé traverse le plus normalement du monde, aimant à rappeler qu'il vit assez "linéairement les choses". C'est très agréable tout ça", ajoute-t-il. Et si la tentation est forte chez les uns et les autres, n'allez pas lui dire qu'il est le nouveau Pierre Niney ou François Civil, qu'il apprécie au demeurant. Benjamin Voisin veut être Benjamin Voisin, et c'est très bien comme ça.