LES PARFUMS : Grégory Magne dévoile les ingrédients de sa fragrance

Huit ans après "L'Air de Rien", qu'il avait co-réalisé, Grégory Magne nous revient avec "Les Parfums", un feel-good-movie doux et alluré, dans lequel il fait converger deux solitaires. D'un côté, une parfumeuse arrogante et à bout de souffle, incarnée par Emmanuelle Devos. De l'autre, son chauffeur en rupture familiale (Grégory Montel), qui lui tient tête. Pour le Journal des Femmes, le cinéaste revient sur trois facettes de ce projet, en salles le 1er juillet.

LES PARFUMS : Grégory Magne dévoile les ingrédients de sa fragrance
© Aurelie Lamachere/SIPA

Dans le monde d'un nez

"J'ai toujours été frappé, depuis longtemps, par la puissance du souvenir olfactif. Ou comment une odeur peut, en une fraction de seconde, nous ramener précisément à un visage, un lieu ou une situation. Un jour, j'ai été projeté vers le préau de mon école maternelle grâce à une senteur, laquelle était rattachée à un souvenir de mes trois ans. Ce sont des choses qui nous arrivent dans la rue, dans la foule… J'ai fini par me poser la question suivante : quelle incidence peut avoir un odorat développé chez celle ou celui qui en dispose ? C'est ainsi qu'est né le personnage de nez du film Les Parfums. Scénaristiquement, c'était un vrai défi parce que je voulais que le spectateur ressente ce que sent l'héroïne. J'y ai longuement planché en termes de mise en scène, de direction d'acteurs... C'est un métier cinégénique : sa gestuelle sensuelle, son atmosphère, tous ces petits flacons et autres objets qu'on connait peu mais qu'on identifie rapidement, toujours riches de transparences, de reflets de lumière… Jean Jacques, nez de la maison Parfums Caron, nous a aidés. Il nous a donné de précieux conseils. La sensorialité vient par ailleurs de la province, que je mets en lumière ici. Dès qu'on est à la campagne, et en automne (notre période de tournage) de surcroît, il y a de formidables odeurs. Vous savez, lorsqu'on va aux Etats-Unis, on a ce sentiment de tout connaitre par cœur tant les films ont cultivé la mythologie des lieux. Je voulais faire pareil : tirer le meilleur de nos aires d'autoroute, nos stations, nos petits hôtels…"

L'exploration de la solitude

"Cette thématique m'est très chère. Je l'ai moi-même explorée puisque j'ai notamment traversé l'Atlantique en solitaire, et sans communication. Ça a été une expérience rare. Le confinement à côté, c'est vraiment différent. J'ai passé vingt jours sans parler à personne. Je comprends ce sentiment. Anne, l'héroïne, est en tout cas solitaire. Elle a un odorat tellement supérieur à la normale que les autres ne peuvent pas la comprendre. Ou comprendre ce qu'elle sent. Quand on rencontre un nez, on se demande toujours comment il perçoit les odeurs. A l'inverse, son chauffeur souffre d'une solitude plus classique et sociologique : il est divorcé et relativement maladroit avec l'enfant dont il n'a pas la garde. Ce qui m'émeut dans la solitude, c'est qu'on est complètement soi-même, car face à soi-même. La vraie solitude, c'est quand la seule personne qui puisse nous aider et nous faire avancer, c'est nous même. La seule ressource disponible dans ce cas, c'est nous. On communique mal aujourd'hui, c'est un drame moderne. Les communications interfèrent non-stop, donnant à croire qu'elles nous connectent mais c'est le contraire. Le road trip m'a permis de bien exploré cela, avec deux personnages qui, dans le périmètre de l'habitacle, sont otage l'un de l'autre. La pression de la solitude y est exercée et les fait parler. Au lieu d'opter pour une histoire d'amour, j'ai par ailleurs choisi une histoire d'amitié qui, à la différence, passe par des choses plus ténues et subtiles."    

Un duo antagonique et alchimique

"Grégory Montel a tourné dans L'air de rien, mon premier film, que j'ai co-réalisé avec Stéphane Viard. Après cette expérience, on n'a jamais cessé de se voir, de se croiser, d'échanger… On s'est mieux connus et on est devenus amis. Quasi immédiatement, j'ai eu envie de le faire tourner une seconde fois. Honnêtement, ça m'a donné un confort à l'écriture de penser à lui pour le rôle de chauffeur car je sais comment il est, je connais sa sensibilité de jeu. Je le trouve toujours aussi unique. La première fois qu'on l'a vu avec Stéphane Viard, il nous a plu en 5 minutes. On aime son attachement à la province, son goût des bonnes choses, son bon sens… C'est un mec avec qui on s'imagine bien boire des coups. On peut le mettre dans n'importe quel PMU de France, il discutera avec les gens de manière naturelle et sincère. Emmanuelle Devos est incroyable dans ses yeux. Quand elle sent, c'est silencieux. Et c'est dans son regard qu'on comprend tout. Elle a une capacité rare à exprimer de façon subtile, avec un spectre étroit, une grande variété de sentiments et d'émotions. Elle est consciencieuse dans son travail. Elle n'en fait jamais trop et trouve toujours la juste manière d'opérer. Elle et Grégory se sont très bien entendus. Ce qui est intéressant, c'est que leurs approches du jeu sont tellement différentes que ça crée le fossé si nécessaire à ce qui, en apparence, sépare leurs personnages respectifs. Grégory était en plus impressionné par Emmanuelle comme Guillaume est impressionné par Anne. C'était une espèce de mise en abîme intéressante."

"Les parfums // VF"