De GLORIA MUNDI à MARIUS ET JEANNETTE, mieux connaître Guédiguian

"Gloria Mundi", son nouveau film, en salles le 27 novembre, est un condensé de son cinéma, en plus sombre. Depuis le début des années 1980, Robert Guédiguian brille grâce à un style reconnaissable entre mille qui lui a permis de construire une oeuvre passionnante. Explications.

De GLORIA MUNDI à MARIUS ET JEANNETTE, mieux connaître Guédiguian
© Diaphana Distribution

C'est un cadeau de Noël qui ravira plus d'un cinéphile. Depuis le 20 novembre, en magasin et sur Internet, il est possible de s'offrir toute la filmographie de Robert Guédiguian grâce à un formidable coffret réunissant l'intégralité de ses films (le tout à partir de nouveaux masters HD restaurés – 99€ chez Diaphana Edition Video). Chaque film est présenté par un journaliste/critique et deux documentaires figurent également dans ce coffret bien gourmand : En vérité, je vous le dis : Conversation avec Robert Guédiguian de Richard Copans et Robert sans Robert de Bernard Sasia. Rien que ça ! Il faut dire que celui qu'on surnomme le cinéaste de l'Estaque, en référence au quartier emblématique situé au bout des quais portuaires de Marseille, a bâti une filmographie singulière et chaleureuse.

En évoquant simplement son nom, Guédiguian, on voit, on sent, on devine, on vit la cité phocéenne. A une poignée de films près (Le Voyage en ArménieLe Promeneur du Champ de MarsL'Armée du crime), toutes ses réalisations prennent en effet racine dans une ville de Marseille qui fait partie intégrante de son ADN. A commencer par son fief, l'Estaque, qu'il immortalise sans relâche comme Cézanne ou Braque l'ont peint avant lui. Guédiguian, c'est les calanques, les embruns, l'apéro, les liens du sang, le porte-voix invétéré de ceux qui souffrent… Avant le cinéma, il a d'ailleurs suivi un chemin très politique. Adhérant au Parti communiste français à 14 ans, il lâche prise en 1977, suite à l'abandon du programme commun et à l'éclatement de la gauche. C'est à ce moment qu'il rend sa carte et continue de militer, d'une certaine manière, avec une caméra à la main.

Le cinéma en famille(s)

Electron-libre, hors des normes, loin de Paris, Guédiguian s'échine, de film en film, à modeler ses scénarios romanesques –pour faire justement du cinéma populaire (Marius et Jeannette en fut une preuve éclatante)– sur un moule très documentaire et réaliste. Il connait intimement celles et ceux qu'il filme, issus pour la plupart du milieu ouvrier. Il connait les rues, les détours, les bruits. Il connait les silences. Sans jamais sombrer dans le pittoresque, le maestro sait comment, par sa foi dans le récit, universaliser son propos pour qu'il porte au-delà de ceux qu'il concerne. L'humanité, actuellement bafouée et spoliée, est toujours au centre de son attention. Elle irradie ses personnages –employés, chômeurs, oubliés…–, souvent broyés et dominés par un système –le capitalisme– qui les dévore.

Dans Gloria Mundi, son dernier film –probablement son plus sombre–, il montre justement, à travers une famille qui prend l'eau, combien l'uberisation de la société disloque les individus en les poussant au repli, à l'égoïsme, à la frustration de ne pas réussir à bien vivre, à être riche.

Guédiguian croit ardemment au mariage des individus, à leur union, à leur capacité de dire non ensemble. Ses héros sont les étendards de cet idéal, qu'il illustre au cinéma et qu'il aimerait bien voir germer dans le réel. Un monde où l'entraide, le vivre-semble, le don de soi, la générosité, ne seraient plus des notions lointaines mais des acquis. Une normalité. Lui-même ne peut se résoudre à quitter son groupe. Depuis son premier film, il dirige systématiquement sa femme Ariane Ascaride (sauf dans Le Promeneur du Champ de Mars). Dans sa bande, sa famille de cinéma, il y a aussi Gérard Meylan, Jean-Pierre Darroussin, le scénariste Jean-Louis Milesi, le monteur Bernard Sasia, l'ingénieur du son Laurent Lafran, le décorateur Michel Vandestien… Une smalah joyeuse qui fait du cinéma loin des paillettes, pour mettre en lumière des êtres dominés sur lesquels elle pose un regard lumineux. Quand on demande à Guédiguian s'il filmera un jour l'histoire de ses parents, issus d'un milieu très modeste, il répond qu'ils sont déjà partout dans sa filmographie. Et si, finalement, son cinéma n'était qu'un grand et beau geste d'amour en hommage à eux, à leurs idéaux et à leurs espérances ?

"GLORIA MUNDI // VF"