Nouri Bouzid ouvre le 30e Festival de Carthage avec son "film contre les mecs" !

Le réalisateur tunisien Nouri Bouzid signe un film touchant et consternant avec "Les Epouvantails", qui a ouvert les Journées cinématographiques de Carthage samedi 26 octobre. Féminisme, culture du viol : le cinéaste de 74 ans s'est confié à "France Info".

Nouri Bouzid ouvre le 30e Festival de Carthage avec son "film contre les mecs" !
© Mohamed Hammi/SIPA

C'est un véritable bras d'honneur à Daech, mais aussi un coup de gueule contre l'hypocrisie des sociétés arabo-musulmanes. Nouri Bouzid (L'Homme de cendres, Bezness, Tunisiennes) 74 ans, vient d'être décoré du Prix spécial des Droits de l'Homme à la Mostra de Venise pour son nouveau film "Les Epouvantails". 
Dans ce long-métrage, il relate le parcours du combattant de deux femmes (Zina et Djo) violées par les soldats de Daech qui tentent de se reconstruire auprès de leurs familles malgré la honte et un séjour en prison. Epaulées par leur avocate et certains membres de leur famille, Zina et Djo devront apprendre à relever la tête malgré les traumatismes... Un sujet tristement dans l'ère du temps et qui s'inspire du calvaire de jeunes femmes rapatriées en 2013. 
"J'ai entendu le ministre de l'Intérieur parler à l'Assemblée constituante (première assemblée élue en 2011 en Tunisie, NDLR) de huit filles ramenées par le Liban et qui étaient toutes enceintes. C'est d'ailleurs pour cela que Daech les a laissées partir, après les avoir violées. Ils leur ont fait des enfants, mais eux pensent qu'ils leur ont offert le paradis alors que ces femmes ont vécu l'enfer. J'étais déterminé à en faire un scénario. J'ai donc commencé à enquêter", explique-t-il à Franceinfo Afrique.

"Notre société a plus honte de la violée que du violeur"

Un sujet sensible et politique qui a valu quelques difficultés au cinéaste, en ce qui concerne la mise sur pied de ce projet audacieux. Quoiqu'il en soit, Nouri Bouzid a pu donner de la voix à ces femmes meurtries et mortes à deux reprises : la première, là-bas, de la main de leurs geôliers et l'autre, de retour chez elles, par leur famille et le regard des gens.
"Notre société a plus honte de la femme violée, que du violeur. En d'autres termes : 'Le violeur, c'est un mec. La violée, c'est une pute'. La société n'est pas clairvoyante sur ce sujet. J'ai essayé de respecter cet aspect des choses dans le film", commente le réalisateur primé. 

Pour ce qui est du choix du titre de ce "film contre les mecs" comme il le revendique, Nouri Bouzid a choisi une métaphore qui résume bien le sort des revenant(e)s de Daech."Les épouvantails sont censés faire peur aux oiseaux, mais ils ne font plus peur à personne. J'ai voulu dire qu'on fait d'eux des gens effrayants, alors qu'ils sont inoffensifs. On doit plutôt avoir peur de ceux qui ont fait d'eux des épouvantails".