Corine Sombrun, chamane en transe à l'origine d'Un Monde Plus Grand

Sa vie est adaptée librement sur grand écran dans le long-métrage "Un Monde plus Grand" de Fabienne Berthaud, en salles le 30 octobre, avec Cécile de France. La fascinante Corine Sombrun est la première personne à avoir induit la transe par la seule volonté. Focus.

Corine Sombrun, chamane en transe à l'origine d'Un Monde Plus Grand
© Philippe Dobrowolska

Elle parle vite, avec précision et malice. Passionnée et passionnante. Corine Sombrun, 58 ans, est la première personne à avoir prouvé que la transe pouvait être induite par la seule volonté. Pourtant, il était presque insensé d'imaginer qu'elle serait à l'origine de cette découverte, elle qui est originellement ethnomusicienne et pianiste. Cette voix s'ouvre précisément en 1999, lorsqu'elle perd l'amour de sa vie. L'intéressée s'installe alors à Londres.  "Je voulais échapper à un quotidien que je ne supportais plus. J'y avais des attaches et tout ça était le fruit d'une intuition", confie-t-elle. En 2001, le changement commence. Elle est envoyée en Mongolie par BBC World Service, accompagnée d'une interprète –qui est devenue son amie–, pour explorer les mystères mongols. "C'était galère. On roulait trente heures sur des pistes, à traverser de magnifiques immensités. Il y avait plein de monde dans le minibus, je n'arrivais pas à dormir, je passais mon temps à râler…"   

Et l'étincelle fut...

Lorsqu'elle arrive au nord dudit pays, à la frontière avec la Sibérie, là où il n'y plus d'eau et d'électricité, Corine Sombrun rencontre Balgir, un chaman. Lequel demande l'autorisation des esprits pour savoir si cette dernière peut enregistrer la cérémonie. "A la base, j'en avais rien à faire du chamanisme… Vous imaginez ? Après un trajet interminable, c'était les esprits qui allaient décider si je pouvais faire mon travail ou non. Hallucinant ! ", se souvient-elle, souriante. Verdict ? Présence acceptée !

Séance tenante, Balgir se munit de son tambour, sur lequel il tape, sans savoir que le premier coup allait changer à jamais la vie de son invitée. "Ça m'a fait un effet dingue. Mes mains ont tremblé, je sautais, je tapais sur mes cuisses… On a voulu me sortir du tipi car ils pensaient que j'avais peur. Ils ne réalisaient pas que j'étais en transe. Je me suis mise à hurler comme un loup."  

Balgir comprend ce qui se passe. Corine Sombrun vient de recevoir l'étincelle chamanique. Elle a le don. Une capacité rare qu'on ne retrouve que chez trente habitants mongols sur 3 millions. Il lui faut donc la former. Pendant trois ans. "Ils voulaient que je reste avec eux à la frontière sibérienne. Moi, je ne voulais pas être chamane. Quand j'en ai parlé à mon médecin, de retour en France, il m'a donné la carte du psychiatre. Du coup, j'avais le choix entre une culture que je ne connaissais pas et qui me faisait peur et une société qui me disait que j'étais folle." Que faire ?

Corine Sombrun écoute alors son cœur. Et celui-ci la mène de nouveau vers la Mongolie où elle reçoit son initiation chez les Tsataans, des éleveurs de rennes. A son retour en France, elle possède son propre tambour. "Ce n'était pas pratique dans mon appartement parisien", lâche-t-elle, dans un petit éclat de rire. "Du coup, j'allais les lundis à la Cartoucherie où travaillait une amie."

Un espoir pour le futur ?

Miraculeusement, elle réalise qu'elle peut induire la transe par la seule volonté. Son but est désormais de casser les idées reçues, notamment du côté des anthropologues qui associent le chamanisme à un folklore, à une habitude culturelle. "Je voulais que cet état soit validé en occident par la science. Je voyais bien que c'était purement cognitif", assure-t-elle. Mathieu Vidard, l'animateur de l'émission de vulgarisation scientifique La Tête au carré sur France Inter, l'aide alors à rencontrer des spécialistes qui pourraient l'aider dans sa démarche. Pierre Etevenon, psychiatre et ancien directeur de recherche de l'INSERM, se penche sur son expérience. "On a découvert que la transe est le résultat d'une modification du cerveau (prouvée par l'électroencéphalographie quantitative, ndlr) et qu'elle peut être induite par la seule volonté. On a mis en place un outil sonore optimisé -des boucles de sons- grâce auquel, sur 600 volontaires, 90% ont accédé à un état de transe.

Corine Sombrun assure que les humains sont des antennes, des capteurs. Et que la transe offre une connexion amplifiée à son environnement et un meilleur ressenti des dissonances alentours. 

"Cet état nous donne accès à des informations auxquelles on n'accède pas normalement", affirme-t-elle, persuadée que les recherches futures pourront apporter leur vague de progrès. D'ailleurs, des praticiens –psychiatres, psychanalystes…– seront bientôt formés pour accompagner certaines personnes sur le chemin thérapeutique de la transe. "C'est une piste très intéressante sur des cas de stress post-traumatique, de locked-in syndrom, de maladie de Charcot etc… On reste toutefois très prudents. Ça aide mais ça ne fait pas non plus de miracle." L'avenir nous le dira.

En attendant, Cécile de France campe Corine Sombrun au cinéma dans Un Monde plus Grand. Un destin immanquable, quoi vous soyez intéressés par le chamanisme ou pas !   

"Un monde plus grand // VM"