Pierre-François Martin-Laval raconte le destin bouleversant de FAHIM
En salles le 16 octobre, "Fahim" raconte l'histoire vraie d'un jeune garçon qui a fui la guerre au Bengladesh pour s'installer en France, où il est devenu champion d'échecs. Une trajectoire qui a bouleversé le réalisateur Pierre-François Martin-Laval. Confidences.
Après notamment deux volets des Profs (2013 et 2015) et son récent Gaston Lagaffe (2018), Pierre-François Martin-Laval, alias Pef, s'éloigne de la comédie pour un sujet sérieux avec Fahim. Il y transpose à l'écran le récit de Fahim Mohammad, consigné dans le livre autobiographique Un Roi Clandestin, publié en 2014 aux éditions Les Arènes. En l'occurrence : celui d'un jeune garçon -incarné à l'écran par le débutant Assad Ahmed- qui a quitté le Bengladesh en guerre, avec son père, pour un avenir meilleur sur le sol français. Coaché par Xavier Parmentier (Gérard Depardieu), ce dernier est devenu champion de France d'échecs. Pour Le Journal des Femmes, Pef revient sur trois aspects de ce plaidoyer pour l'intégration et le vivre-ensemble.
Une émotion originelle
Le premier déclencheur, c'est cette idée qu'on puisse faire mal à un enfant. C'est quelque chose qui m'horrifie. Le thème de la séparation m'a également toujours bouleversé. Mes parents se sont séparés quand j'étais petit et je ne m'en suis jamais remis. J'ai découvert Fahim Mohammad grâce à l'émission de Laurent Ruquier. Laquelle m'a fait courir vers le livre et le livre a été une grosse claque. En France, comme ailleurs, on mélange tout quand il est question des réfugiés, d'immigration… Je voulais donc qu'on change de regard sur ces personnes et qu'on comprenne qu'elles viennent chez nous pour sauver leur peau, car elles sont souvent en danger ailleurs.
J'aurais pu croiser Fahim et son père à Paris. Ils étaient peut-être à côté de moi sans que je ne m'en rende compte. Ce film est une manière de remonter le temps pour les interroger, leur demander : "Vous venez d'où ? Pourquoi êtes-vous venus ici ? Pourquoi avoir quitter votre pays et les personnes que vous aimez le plus au monde ?" Ce qui me dérange, ce sont les gens qui mentent sur les chiffres… C'est très grave. L'extrême droite, ce sont les spécialistes pour ça : ça me fait vomir quand ils disent que les étrangers nous volent nos boulots. Ils prennent juste ceux dont personne ne veut.
Quel ton adopter ?
Au prémices du projet, j'étais perdu sur le ton à emprunter. Je me suis demandé s'il fallait traiter cette histoire comme un conte. Plus je m'y préparais, plus je me disais que le sujet était trop grave. Du coup : pas question de faire le poète… La force du documentaire était clairement préférable. Mon leitmotiv, c'était que les acteurs ne jouent pas mais vivent les situations en hommage aux gens dont on raconte le parcours difficile. Même si je ne veux pas donner de leçon, mon film est quand même politique. Je sais qu'on ne peut pas changer les choses en une réalisation… Mais je trouve ça terrible que ces gens aient déjà un mal fou à prouver qu'ils sont en danger.
Le Bengladesh, c'est dur. Je ne voulais donc pas faire le malin. Je me suis déjà planté dans des mises en scène. Ce sujet était, encore une fois, trop grave. Je me suis longuement préparé avant le tournage. J'ai fait beaucoup de rencontres avec les gens de l'OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides, ndlr) -des consultants presque-, des traducteurs, etc… Je voulais aussi que les parties d'échec soient vraies, que tout paraisse réaliste. Cela a nécessité des heures de discussion avec mon chef-op pour faire en sorte que le spectateur comprenne, dans la façon de filmer, le contexte des échecs. Gérard Depardieu dit qu'il y a plus d'aventures sur un échiquier que sur toutes les mers du monde.
Le duo principal
Quand j'ai rencontré Fahim Mohammad, j'ai vu un gars guère impressionné et assez taiseux. Je me disais : "J'espère qu'il va me faire confiance". Il a eu des doutes, j'en suis sûr, mais il ne me les a pas communiqués. Je lui ai fait lire mon scénario et il m'a fait enlever trois moments qu'il détestait. Je lui ai montré le film en premier.
En revanche, pour le choix de l'acteur qui l'incarne, je ne l'ai pas consulté. Nu lui ni personne. Je ne peux pas mettre en scène quelqu'un en qui je ne crois pas totalement. A la base, Assad accompagnait son cousin aux essais et se moquait totalement du cinéma français. On a insisté pour qu'il les passe à son tour. Il n'aimait que Bollywood à la base. Et il était parfait pour le rôle !
Quant à Gérard Depardieu, il a été simple à convaincre. Il se sent de tous les pays, de toutes les patries. Il a goûté à toutes les religions. Cette histoire l'a bouleversé. J'ai toujours dit qu'il est le plus grand acteur au monde. Désolé pour les autres mais c'est évident pour moi. Il y avait Raimu, et il y a lui. Quand on dit "Action !", il n'a pas besoin de nous. Ce qu'il fait est époustouflant. C'est tellement dingue ce qu'il dégage. Il n'y a presque que ses premières prises dans le film. Il était plus qu'en place et offrait des choses que je n'avais même pas prévues.