Estelle Meyer : "J'ai gardé les chaussures de RÊVES DE JEUNESSE" 

Dans "Rêves de Jeunesse" d'Alain Raoust, en salles le 31 juillet, Estelle Meyer incarne une jeune femme tempétueuse, passionnée, qui brûle la chandelle par les deux bouts. Elle y crève l'écran.

Estelle Meyer : "J'ai gardé les chaussures de RÊVES DE JEUNESSE" 
© Estelle Meyer / Shellac

Lorsqu'elle entre en scène dans Rêves de Jeunesse, l'ode aux jeunes possibles d'Alain Raoust, Estelle Meyer se distingue immédiatement. Par sa fougue, sa folie, sa gouaille. Aux antipodes de l'héroïne taiseuse (Salomé Richard), qui garde une déchetterie sous un cagnard de western, sa Jessica est enjouée malgré ses fragilités, prête à faire chanter la vie. Sortie du conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris et formée au chant lyrique, Estelle Meyer, sorte de sœur bohème de Camelia Jordana, a notamment été La Reine des Fées pour Guillaume Vincent au Théâtre de l'Odeon ou la princesse Europe dans les mises en scène du Birgit Ensemble au Festival In d'Avignon. Elle est également auteure-compositeur-interprète. Son premier livre-disque, Sous ma Robe, Mon Cœur, sortira à l'automne. Après quelques apparitions au cinéma, Rêves de Jeunesse la met enfin sur le devant du grand écran. Nous lui avons posé trois questions.  

Jessica déboule dans le film comme une fusée. Comment la percevez-vous ? Qui est-elle ?
Estelle Meyer : Au départ, elle est en tous cas l'exact opposé de Salomé : solaire, vulgaire, baroque, ardente, impatiente, brillante, paumée, populaire, immédiate, drôle, violente, mais aussi profondément généreuse. C'est un peu comme si le monde était trop fort pour elle. Les vagues l'atteignent alors elle se défend en hurlant, en riant, en chantant. Elle a une soif immense d'exister, d'être, d'en découdre, de s'en tirer, de se faire un nom sur la terre, d'où la télé-réalité à laquelle elle participe. Au fil du récit, elle va découvrir le fond qu'elle porte en elle, ses ressources, son appétit d'apprendre et de servir un but plus grand qu'elle. Elle se transforme jusqu'à cette dernière scène où elle se mue en une samouraï libre, canalisant son énergie, sa force. In fine, elle pourra, peut-être, faire avancer le monde, sa quête, leurs quêtes. Ce qui est beau dans Rêves de Jeunesse, c'est que tous les personnages effectuent un parcours initiatique. En se frottant aux autres, ils découvrent en eux une force qu'ils ne soupçonnaient pas. 

Cette héroïne est gouailleuse, vivante, vibrante. Quelles étaient les principales difficultés pour restituer cette énergie qui l'habite ?
Estelle Meyer : La plus grande difficulté pour ce personnage si puissant et haut en couleur, c'était d'être à la hauteur de son intensité, de son feu intérieur. Que tous les bords, les émotions contradictoires, les gouffres, les ruptures et les immenses rages qu'elle vit soient vrais et fassent écho en moi. J'ai eu besoin d'aller réveiller ma fougue d'adolescence, mes grandes colères et ma violence comme un moteur qui met puissamment en mouvement. Il y a aussi une hypersensibilité dévoilée. Pour l'atteindre, il fallait métaphoriquement enlever un peu de peau et laisser tout l'extérieur me traverser. Vous savez, je pense que, si on levait les curseurs au plus haut, on se rendrait compte que l'on se ressemble tous à de nombreux endroits. J'ai eu du mal à quitter Jessica. Sa liberté m'a fait beaucoup de bien, et m'a procuré une joie grande, vivante, tonique. J'ai gardé les chaussures du tournage et j'aime les mettre, j'ai l'impression qu'elles me donnent de sa force. 

Il y a une très belle séquence où vous chantez. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Et évoquer également votre rapport au chant et à la musique ?
Estelle Meyer : J'aime cette séquence. On l'a tournée de nuit. La veille, Alain Raoust m'a dit : "Dis-moi ce que tu voudrais chanter, ce que tu veux". Il me faisait une confiance totale. Le matin-même du tournage de ladite scène, je suis allée le voir, nous nous sommes assis, il y avait un petit vent… C'était émouvant car intime, cru et simple de chanter pour lui ces chants qui me sont si chers et précieux. Des choses qui m'accompagnent depuis l'enfance. Dans le film, je me prête plus précisément à un chant d'amour persan complètement déchirant : Miram Beram Kooh. (…) Quand Alain Raoust cherchait Jessica, il a assisté à un de mes concerts. Et, du coup, il a rajouté dans le scénario le fait que Jessica chante. C'est parfois plus facile pour moi de chanter, c'est plus directement lié à mon ventre et à ce qui me dépasse. J'aime cette idée de se passer complètement de mots et que les sons, les vibrations, la mélodie atteignent et consolent une partie très ancienne, enfouie, de chacun de nous et nous ouvre délicatement à une autre forme de compréhension.