ALICE T. : 3 bonnes raisons d'aller voir le film au cinéma !
Avec "Alice T.", en salles le 1er mai, le cinéaste Radu Muntean s'inscrit dans la belle vitalité du cinéma roumain à travers le portrait fougueux et touchant d'une adolescente enceinte, et en perdition. Un des meilleurs films de ce début d'année !
Il n'y a pas que Cristian Mungiu, Cristi Puiu ou Corneliu Porumboiu sur le haut du panier du cinéma roumain. Parmi eux figure également l'excellent Radu Muntean, déjà auteur des remarqués Mardi après Noël en 2010 et L'étage du dessous en 2015, tous deux présentés en sections parallèles au Festival de Cannes. Cette année, il prouve qu'il mérite la même attention que ses pairs avec Alice T., un portrait clinique et réaliste d'une adolescente adoptée qui tombe enceinte et voit ses soucis relationnels avec sa mère, déjà très vivaces, décupler au fil des jours. Le Journal des Femmes vous donne trois bonnes raisons de faire la connaissance de cette héroïne rétive et tempétueuse.
Un refus de la sensiblerie
Là où beaucoup de films sont asphyxiés par le pathos, Alice T. fait montre d'une sobriété totale dans l'évocation de thématiques sociétales et familiales profondes. Le point de départ ? Alice, adolescente adoptée, tombe enceinte. Face au désarroi et à la colère de sa mère, laquelle n'a jamais réussi à avoir d'enfant biologique, les crevasses de la mésentente s'accentuent au point de titiller la ligne rouge. Si Alice T. n'est pas plombant, c'est justement car le scénario congédie d'office toute forme de misérabilisme. Délesté de larmoiements inutiles (sans que cela ne fige et ne rende les personnages froids ou désincarnée, au contraire), ce qui se joue à l'écran n'en devient que plus éclatant, évident, brut. Très vite, on a le sentiment d'être témoin d'un véritable séisme familial au sein duquel chaque secousse nous fait perdre pied.
Une mise en scène précise
D'aucuns pourraient trouver sa réalisation austère, car toujours dans le refus de l'effet facile, du mouvement de caméra ostentatoire. Et pourtant, Radu Muntean filme avec la précision d'un maître, soignant ici chacun de ses cadres afin que les enjeux nous parviennent à une vitesse tellurique. Multipliant les prises jusqu'au moment de grâce, demandant à ses comédiens une rigueur de jeu de tous les instants, l'intéressé a su par ailleurs tirer profit de l'étroitesse de chambres, des lieux clos, des pièces d'appartement. Dans Alice T., tout se joue en effet dans le secret domestique, entre les quatre murs des foyers. Une manière d'aller à la moelle des sentiments, des situations et de faire ricocher l'intimité des personnages vers les rétines du spectateur. Et, en la matière, Muntean vise toujours juste et fort.
Une actrice géniale
Lauréate du prix d'interprétation féminine lors du dernier Festival de Locarno, Andra Guti, 19 ans, est la révélation de ce long-métrage. Choisie parmi plus de 800 jeunes filles auditionnées, elle a su apporter sa spontanéité et sa rage à une héroïne extrêmement difficile à appréhender, sur laquelle le public n'aura d'ailleurs pas (ou peu) de prise. Caméléon, fluctuante, capable d'un accès de colère comme d'un éclat de rire, Alice posait de vraies embûches à son interprète. Des difficultés qu'Andra Guti a éludées avec le panache d'une actrice expérimentée –un comble pour un premier rôle au cinéma. Sa façon de s'oublier dans le personnage, en complément d'une mise en scène réaliste, lui donne les apparats d'une figure kechichienne. Tour à tour irritante, touchante et déstabilisante, cette Alice ne vit clairement pas au pays des merveilles, bien qu'elle en soit une.