Robert De Niro : "Le mouvement MeToo est essentiel"

Robert De Niro a versé une larme quand Martin Scorcese lui a rendu hommage, lors du Festival International du Film de Marrakech. Le lendemain de cette soirée événement, la légende vivante du cinéma a évoqué avec nous cette amitié de longue date, le rapport à ses rôles, Netflix, Donald Trump et les dérives sexistes de Hollywood. Interview méli-mélo.

Robert De Niro : "Le mouvement MeToo est essentiel"
© Laurent VU/SIPA

Vous étiez très ému pendant l'hommage que Martin Scorcese vous a rendu à Marrakech... C'est intéressant de vous voir autrement que comme un gros dur !
Robert De Niro : Je suis très chanceux d'avoir fait toutes ces choses avec Marty, d'avoir cette amitié qui nous unit. J'étais aussi émotionnel quand j'étais jeune ! Mais en vieillissant, on devient plus sentimental, on réalise où l'on va et que ça pourrait être la dernière fois. C'est pour ça que je suis venu ici.

Votre processus pour entrer dans la peau de vos personnages a-t-il évolué au fil des années ?
Une chose a changé. Désormais, je cherche ce qu'il est absolument indispensable de faire, plutôt que de stresser pour savoir comment jouer... J'arrête de m'angoisser. Au lieu de réfléchir, j'agis. En ce sens, c'est moins de travail. J'arrive de manière plus directe aux éléments qui constituent un personnage.

Vous semblez plus occupé en ce moment en tant qu'acteur, qu'en tant que producteur ou réalisateur. Pourquoi ce choix ?
Jouer demande moins de temps que réaliser. J'aimerais tourner la suite de Raisons d'Etat. Je ne sais pas qui voudrait voir ça, mais j'ai une bonne idée. Quand je travaille sur un projet et que les gens avec qui j'imaginent le concrétiser ne peuvent pas, ça me bloque. Il y a des fois où l'on pourrait faire des ajustement, trouver un autre scénariste ou autre, mais ça ne m'intéresse pas vraiment. Je le ferai peut-être, si je trouve l'argent, ou que l'on me pousse en tant que producteur...

On parle beaucoup de la guerre entre Netflix et le cinéma. Quel est votre avis, alors que vous venez de tourner un film pour eux avec Martin Scorcese ?
Nous étions heureux d'avoir le financement pour The Irishman. Nous avons eu des soucis trouver des investisseurs... Quand Netflix est arrivé sur le projet, ça nous a soulagés. On n'avait plus le stress de savoir comment parvenir à faire le film. Marty avait certaines exigences, qui demandaient de l'argent. C'est ainsi que ça devait se faire, point. A propos de la manière dont il sera diffusé, je pense qu'il devrait être présenté au public de façon traditionnelle. Il faudrait en discuter, débattre, pour concilier tous les écrans.

Vous êtes dans le métier depuis plus de 40 ans. Quel regard posez-vous sur le mouvement MeToo et la libération de la parole ?
C'est important. Les gens m'ont demandé si j'étais au courant de ce qui se passait. Personnellement, je n'ai jamais été informé de ce genre de harcèlement ou de menaces. On en entend parler, on blague parfois dessus, on sait que ça arrive, mais ça ne m'est jamais remonté aux oreilles. Un casteur ne va pas m'expliquer ses méthodes pour engager une actrice. Si ça avait été le cas, je l'aurais stoppé. Je n'aurais jamais toléré ça. Le mouvement MeToo est essentiel parce qu'il nous permet de prendre conscience.

Vous dites que la politique nous sépare quand le cinéma nous unit…
Je ne connais pas les problèmes de chaque pays, mais ce qui se passe dans le mien à propos de l'immigration est dégoûtant. On doit considérer les gens qui essaient d'entrer pour de bonnes raisons. Aux Etats-Unis, Donald Trump n'a pas la sophistication nécessaire pour comprendre ce qui se passe. Je ne l'ai pas non plus, mais il n'a même pas l'intention de faire en sorte que ça fonctionne, de faciliter les choses. Cette situation est absurde.

Vu votre engagement, pourquoi ne pas faire plus de films politiques ?
Je n'ai pas d'assez bonnes offres et même si j'en avais, je ne suis pas sûr de ce que je ferais.

"You talkin' to me ? Did you fuck my wife ?..." Ca ne vous ennuie pas que certains fassent du business avec vos répliques cultes ?
Non, mais j'aimerais juste toucher une pièce, déposer un copyright (rires) !

Le Festival International du Film de Marrakech a eu lieu du 30 novembre au 10 décembre.