Alba Rohrwacher : "Je cherche mes limites"

Dans "Ma Fille", au cinéma le 27 juin, l'Italienne Alba Rohrwacher incarne une marginale qui n'a pas souhaité assumer son rôle de mère pour conserver sa liberté. Un rôle de femme affranchie des conventions, mais pas forcément heureuse. Rencontre.

Alba Rohrwacher : "Je cherche mes limites"
© Vivo Films / UFO Distribution

Avec sa beauté froide et son aura chaleureuse, Alba Rohrwacher aurait pu être la muse d'un peintre flamand au XVIIe siècle. Elle a préféré le cinéma italien du XXIème. Pour le deuxième film de Laura Bispuri, elle est Angelica, une jeune femme indépendante, loin de s'embarrasser avec des soucis matériels ou des sentiments puissants. C'est donc sans se poser trop de questions qu'elle a abandonné sa fille, Vittoria, il y a dix ans... Alors que les dettes s'empilent et que l'alcoolisme l'abîme, la marginale est rattrapée par son instinct maternel. L'amour de cette enfant élevée par une autre lui revient en pleine tête alors qu'elle se rapproche de sa progéniture. Déjà remarquée en mère torturée dans Hungry Hearts avec Adam Driver, l'Italienne explore une nouvelle facette de la maternité et affiche un talent brut dans Ma Fille. Interview.

Le Journal des Femmes : Qu'est-ce qui vous a plu dans Ma Fille ?
Alba Rohrwacher : Le fait de retravailler avec Laura (Bispuri, la réalisatrice, ndlr) sur un personnage si différent de celui de son premier film, Vierge sous serment. Angelica est une femme discrète, une âme perdue qui essaie de combler un grand vide intérieur.

Comme dans Hungry Hearts, vous incarnez une figure maternelle complexe…
Oui, ce sont deux névrosées, mais à l'opposé ! Dans Hungry Hearts, Mina se confronte aux autres pour déceler en eux la vérité qu'elle ne détient pas. Angelica fuit les gens, les regards… pour ne surtout pas qu'on la contredise et qu'on la mette face à ses erreurs.

Elle est profondément libre, elle se laisse porter par les sensations... Qu'est-ce qui a fait écho en vous chez elle ?
Je n'ai pas son côté autodestructeur, mais je tends comme elle à chercher mes limites. Seulement moi, je le fais dans mon travail.

Faites-vous attention à l'image des femmes dans les films pour lesquels vous vous engagez ?
Oui, depuis toujours. Je fais en sorte que les femmes ne soient pas en orbite autour des hommes dans mes films, mais aussi dans ceux que je regarde. Je n'ai pas attendu la levée du #metoo pour m'interroger sur la place des femmes dans le cinéma.

Quelle enfant étiez-vous et quel lien aviez-vous avec votre mère ?
J'étais une enfant rebelle, mais un lien profond m'unissait à ma mère. J'ai grandi à la campagne, à l'écart. La littérature a été mon premier pont vers d'autres horizons. Grâce à ma mère, j'ai découvert Virginia Woolf, qui a eu une grande influence sur moi. Les écrivaines et leurs personnages m'ont aidée à m'émanciper.

Comment en êtes-vous venue au cinéma ?
Après la littérature, le cinéma était notre deuxième porte de sortie. C'était un autre monde, très éloigné de celui dans lequel je vivais. Ca m'a toujours intéressée. Je me suis mise au théâtre, puis je suis partie à Rome faire une école de cinéma avant de décrocher mes premiers rôles.

Quel a été votre plus gros mensonge à vos parents ?
Je me souviens d'un jour où j'ai séché le dentiste pour aller m'amuser près du lac. Au loin, j'ai aperçu un incendie au niveau de ma maison. J'étais paniquée… à l'idée de voir ma vie partir en fumée, mais aussi à cause du moment où j'allais arriver sur place et où on allait découvrir que je n'étais pas là où j'aurais dû être. Heureusement, rien n'a fini en cendres et je ne me suis pas fait prendre.

Vous avez déjà tourné dans un grand nombre de films... Quel a été votre rôle le plus marquant ?
Je dirais celui du premier film avec Laura. J'y jouais une femme qui vit comme un homme, j'ai dû apprendre à parler albanais… C'était très éprouvant, mais j'ai découvert un monde que je ne connaissais pas.

Des regrets, des mauvais choix ?
Non… Je ne réfléchis pas comme ça. Ma carrière est basée sur les rencontres, les décisions que j'ai prises à certains moments. Le regret est un sentiment malsain, quand je sens qu'il arrive en moi, je détourne l'attention.

"Bande-Annonce Ma Fille"

Ma Fille, au cinéma le 27 juin.