Mariam Al Ferjani, la belle qui combat la meute

On a rencontré Mariam Al Ferjani, l'héroïne de "La Belle et la Meute", en salles ce mercredi 18 octobre. Un film coup de poing relatant le combat pour la justice d'une jeune femme victime d'un viol commis... par des policiers.

Mariam Al Ferjani, la belle qui combat la meute
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C'est dans le brouhaha d'un salon de thé que nous retrouvons Mariam Al Ferjani, visage poupon et impassaible concentré sur un article du Parisien qui ce jour-là, consacre sa Une et un dossier au scandale Harvey Weinstein, accusé de harcèlement et agressions sexuelles par une trentaine de femmes. "Pour elles, c'est une deuxième violence de devoir tout garder pour soi et de ne pas en parler", commente l'actrice. Ce que son personnage dans La Belle et la Meute approuverait : la Tunisienne incarne une jeune femme en quête de justice et de dignité, après avoir subi un viol par des policiers. Mais comment faire valoir ses droits lorsque les administrations publiques ne font pas leur devoir ? Un sujet épineux – tiré d'un véritable fait divers – traité avec brio dans le nouveau film de Kaouther Ben Hania. Rencontre avec son héroïne.

Le Journal des Femmes :  Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Mariam Al Ferjani : J'ai fait une faculté de médecine, puis une école de Cinéma en Italie, en me spécialisant dans la réalisation. Avant la Belle et la Meute, j'ai joué des personnages principaux dans des courts-métrages, mais jamais dans un long-métrage avec un rôle aussi lourd.

Comment passe-t-on de la médecine au 7e art ?
On ne passe pas vraiment de l'un à l'autre. La médecine s'apparente à la réalisation. On écoute et on voit des histoires tout le temps, comme au cinéma.

Qu'est-ce qui vous a donné envie de faire du cinéma ?
l y a plusieurs réalisateurs ou acteurs qui m'ont inspirée. J'adore la famille Cassavetes, Buster Keaton, Joao Cesar Monteiro, Pedro Almodóvar, Maurice Pialat, Youssef Chahine, Abbas Kiarostami, Forough Farrokhzad...

Pourquoi avoir accepté ce rôle ?
L'histoire m'a intéressée. J'ai ensuite lu le scénario et vu l'évolution du personnage, qui change de manière parfois imprévisible. J'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de matière sur laquelle travailler.

Qu'avez-vous appris de votre personnage ?
Qu'il faut insister, qu'il faut aller jusqu'au bout des choses.

Quel a été votre plus gros challenge ?
Jouer juste du début à la fin. Il y a tellement de choses auxquelles il faut faire attention, comme les mouvements lors des plans-séquences.

Ces plans-séquences étaient-ils difficiles à jouer ?
Forcément, ça l'est pour tout le monde. Quand il y a plusieurs personnages qui se meuvent en même temps, il faut que la chorégraphie soit très bien orchestrée. Ça demande beaucoup de répétitions en amont, c'est très important.

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Connaissiez-vous le travail de Kaouther Ben Hania (la réalisatrice, ndlr) avant de travailler avec elle ?
Oui, j'avais vu et particulièrement apprécié le Le Challat de Tunis.

La Belle et la Meute a été sélectionné à Cannes dans la catégorie "Un Certain Regard". Quelle a été votre réaction ?
J'étais très contente ! C'était ma toute première fois à Cannes et j'étais ravie d'y être. A la fin de la projection, le public a fait une standing ovation : c'est mon meilleur souvenir.

Avez-vous lu le livre Coupable d'avoir été violée de Meriem Ben Mohamed, dont le film est librement inspiré ?
J'avais eu connaissance du fait divers bien avant la parution du livre. Même si je vivais en Italie, je me rappelle qu'on en parlait partout dans les médias, sur les réseaux sociaux. Je me rappelle très bien de la rage ressentie à ce moment-là. J'avais lu des témoignages d'elle, que j'ai relu en travaillant sur le film.

Selon vous, comment se porte la condition féminine en Tunisie ?
J'aime beaucoup le fait que les Tunisiennes ne sont pas là à attendre les bras croisés que les choses arrivent. Elles sont très actives : elles essayent, elles dénoncent, elles bougent. Ça me donne de l'espoir. C'est vrai qu'il y a beaucoup de problèmes. C'est clair que le simple fait de marcher dans la rue peut parfois s'avérer fastidieux, mais en même temps on sort, on rit, on fait la fête. La situation est en train de s'améliorer, mais le chemin est très long, et pas qu'en Tunisie.

Vous revendiquez-vous féministe ?
Sans dire que j'appartiens à un groupe, je le suis. Selon moi, le féminisme c'est surtout l'amour des femmes et l'amour de l'être humain. Dans ce cas-là, on ne parle que de femmes parce que ce sont elles qui subissent l'injustice. Mais être féministe c'est aussi être philanthrope, c'est être beaucoup de choses et pas que vis-à-vis des femmes.

Quel devrait-on retenir de La Belle et la Meute ?
Qu'il y a de l'espoir. C'est un film difficile jusqu'au bout, dans lequel on est en apnée, mais quelque chose de bien arrive à la fin.

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