Rencontre avec Lisa Ohlin, réalisatrice de WALK WITH ME

INTERVIEW - A l'occasion de la sortie en salles de "Walk With Me", la cinéaste Lisa Ohlin nous raconte la genèse de cette romance moderne qui unit l'univers de la guerre à celui de la danse classique et délivre un message d'espoir universel.

Rencontre avec Lisa Ohlin, réalisatrice de WALK WITH ME
© 2017 Freeway.

Lisa Ohlin est une réalisatrice d'origine suédoise et américaine. D'abord intéressée par la mise en scène, le théâtre et la peinture, elle se passionne au fil des ans pour le cinéma. Après avoir travaillé pour la télévision et réalisé plusieurs longs-métrages, dont Simon and the Oaks (2011), elle nous présente aujourd'hui son 6e film, Walk With Me. Émue par la souffrance des soldats revenus du front, Lisa Ohlin souhaitait raconter leur histoire de la façon la plus authentique possible.

Le Journal des Femmes : Pourquoi avoir choisi de réaliser un film sur la guerre ? 
Lisa Ohlin : Contrairement aux Etats-Unis, par exemple, la Scandinavie n'est pas très familière avec le sujet. Beaucoup de jeunes veulent partir combattre sans se rendre compte de ce que cela signifie. Si de nombreux films traitent déjà de la guerre, c'est d'un point de vue plus politique. La perte de l'identité est très rarement évoquée. 

Comment vous est venu l'idée de mélanger les univers opposés de la danse et de la guerre ? 
A mes yeux, le monde du ballet et celui de la guerre sont assez similaires. Ils sont tous les deux restreints, intimes, basés sur la loyauté et demandent énormément d'engagement personnel. 

Le film est habité par des pulsions contradictoires : pulsion de mort/pulsion de vie, désir sexuel/ de détruire, amour/haine... ces oppositions étaient t-elles votre trame ? 
En quelque sorte. Toutes ces pulsions sont très présentes chez les jeunes qui ont une vraie envie de vivre, de laisser une trace sur le monde… et cela se ressent aussi beaucoup chez les vétérans, qui luttent pour se réintégrer à la société après en avoir été écartés.  

Étiez-vous familière avec l'idée de la danse comme moyen d'aider les soldats blessés? 
Oui, j'ai entendu parler d'un programme créé au Danemark. Les danseurs leur apprennent non seulement à marcher, mais aussi à apprécier leur corps malgré les blessures. 

Avez-vous rencontré des physiothérapeutes pour vous guider ? 
J'ai surtout rencontré les danseurs du programme et j'étais aussi très proche d'un soldat amputé des deux jambes. Il était à mes côtés lors de l'écriture du script et au moment du tournage car je souhaitais vraiment réaliser un film authentique, auquel ces hommes peuvent s'identifier, qu'ils se sentent compris après tout ce qu'ils ont vécu. 

Pouvez-vous nous en dire plus sur le processus de création ?
On a eu recours à beaucoup d'effets spéciaux notamment pour le corps de Thomas qui a été doublé par le soldat amputé, mais aussi pour le corps de Sofie car Cecilie Lassen avait arrêté la danse depuis un moment à la suite d'une blessure. 

Comment avez-vous choisi vos acteurs principaux ? 
Mikkel Boe Følsgaard m'a convaincue avec son audition, qui était vraiment réussie. Je devais juste m'assurer qu'il était prêt à s'entraîner physiquement pendant de longues heures. Quant à Cecilie Lassen, ancienne danseuse, elle était la seule des femmes auditionnées à être consciente de ce qu'est un ballet, physiquement et mentalement. Tous les deux ont su créer une réelle alchimie. 

Vous montrez le corps  abîmé par la guerre ou la pratique de la danse : comment avez-vous fixez vos limites ?
Je voulais en montrer suffisamment pour que les spectateurs deviennent habitués à la vision d'un corps mutilé, et ainsi apprennent à aimer la personne derrière celui-ci. Admirer l'homme sans rester concentré sur ses blessures.  

Diriez-vous de Sofie et Thomas que ce sont deux combattants ?
Complètement. Beaucoup ne savent pas à quel point les danseurs classiques travaillent dur. Les soldats pensent généralement que les danseurs n'ont rien à leur apprendre alors qu'ils sont habitués à surmonter la douleur quotidiennement.

Leurs modes de vies différent, mais surtout leurs personnalités, pourtant vos personnages tombent amoureux…
J'avais vraiment envie de montrer une femme forte et indépendante, qui tombe amoureuse malgré sa réticence. Sofie a toujours fait passer sa carrière avant tout, mais soudain elle rencontre un homme aussi ambitieux qu'elle et qui la comprend.

Vous avez l'habitude de créer des personnages en souffrance...
C'est lorsque nous traversons une crise que l'on se rend compte de qui l'on est et que l'on découvre une nouvelle facette de notre personnalité. J'aime l'idée qu'il est possible de surmonter sa peine afin d'en ressortir grandi.

Pour les personnages, il semble que l'amour est une faiblesse. Le pensez-vous ?
On associe facilement force avec indépendance, et il est vrai que tomber amoureux et s'ouvrir à l'autre rend vulnérable. Il existe une peur de s'engager émotionnellement, faire des compromis, mettre de côté sa carrière pour quelqu'un... 

Un dernier mot : Pourquoi nos lectrices devraient-elles aller voir Walk With Me ?
Parce qu'il est important de montrer à quel point les hommes sont affectés par la guerre. Je voulais délivrer un message d'espoir pour la jeunesse qui se bat quotidiennement pour trouver sa place dans la société, montrer qu'il est possible de s'en sortir, d'être fidèle à soi-même, malgré les épreuves difficiles que l'on doit endurer.