"Une Femme Fantastique" ne fait pas genre

CINEMA - Si aux super-héros franchisés Marvel (énième Spiderman qui sort également le 12 juillet), vous préférez les héroïnes, "Une Femme Fantastique", film autour du deuil et du genre, est fait pour vous.

"Une Femme Fantastique" ne fait pas genre
© Ad vitam

Le réalisateur de Gloria, Sebastián Lelio, s'empare une nouvelle fois du féminin, pour dresser le portrait sensible et empathique d'une femme privée d'un deuil. Sa Femme Fantastique, c'est Marina Vidal, femme transgenre qui fait face au décès de son compagnon plus âgé qu'elle et au rejet de sa belle-famille. Interdite de funérailles, chassée de l'appartement qu'elle occupait et déniée dans sa position de veuve -et surtout de femme (par sa belle-famille, par le corps médical et par la police), cette chanteuse en devenir va puiser dans l'amour qu'elle portait à son compagnon et dans sa dignité pour affronter la violence, verbale et physique.
Suspecte car elle a transgressé le tabou ultime du genre, Marina refuse d'être vue comme les autres la nomment : un monstre."Ce n'est pas un objectif stratégique mais je ne peux pas nier qu'il existe chez moi une fascination pour le féminin. Peut-être parce qu'il est synonyme de ce qui est menacé, marginalisé et laissé pour compte", commente le réalisateur.

"Je ne sais pas ce que je vois. Une chimère sans doute"

La façon dont Marina, interprétée par l'actrice transsexuelle Daniela Vega, sublimée par la caméra de Lelio, habite son nouveau corps  captive le spectateur. À l'écran pendant toute la durée de ce film sensuel et charnel, Marina s'empare, (dans une séquence où elle utilise son corps androgyne à ses propres fins), de l'insulte qui lui est envoyée au visage ; celle d'être une "chimère". Mieux, elle fait sienne cette définition. Sans jamais tomber dans l'auto-dénigrement et remettre en cause son genre, son personnage combat préjugés et violence avec un stoïcisme, une force tranquille et un charisme admirables. Mais en résulte peut-être une certaine froideur, tant le film, très léché, peut privilégier le style à l’émotion. Si Sebastián Lelio se défend d'un quelconque militantisme, arguant qu'il a d'abord hésité à mettre au centre de l'histoire un homme, une femme plus âgée ou une jeune fille avant de porter son choix sur une femme transsexuelle, il qualifie "d'aberration" et "d'anachronisme esthétique"  le fait de choisir une femme qui n'aurait pas été trans. Et c'est déjà du militantisme face aux cinéastes qui confient les rôles à des hommes "bankable" comme ce fut le cas avec Eddie Redmayne dans The Danish Girl ou Jared Leto dans Dallas Buyers Club

Cette fascination pour le féminin, la fluidité des rapports sexués et des images pop et enlevées (les scènes de boites de nuit où Marina est hantée par la silhouette fantomatique de son compagnon, se laisse aller dans les bras d'un nouvel homme et se mue en reine disco) évoquent une esthétique almodovardienne et ne sont pas rappeler l'un des plus beaux portraits de femme (trans) du cinéma : Laurence Alia, personnage de Laurence Anyways, fresque de Xavier Dolan.

Plutôt que d'y voir des emprunts ou des comparaisons, gageons que Sebastián Lelio développe sa propre grammaire et son propre style cinématographique. Ce qu'il fait déjà plutôt bien. 

Une Femme Fantastique de Sebastián Lelio, en salles le 12 juillet. Avec Daniela Vega et Francisco Reyes.