Je fantasme sur un autre mec que le mien, c'est grave ?

Parfois, on se surprend à fantasmer sur un collègue, un voisin ou un acteur et on se demande alors si nos rêveries ne seraient pas significatives d'un malaise dans notre couple. On fait le point avec Antoine Spath, psychologue sexologue, sur le pourquoi de notre imagination bouillonnante.

Je fantasme sur un autre mec que le mien, c'est grave ?
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Pourquoi ce sentiment de culpabilité ?
Garance, 32 ans, est en couple depuis sept ans. Au travail, elle a repéré un beau garçon qui nourrit ses fantasmes. Cela lui fait du bien en toute… culpabilité. "On dit souvent que les femmes doivent aimer pour avoir du désir. On a modelé la femme sur ce schéma, contrairement aux hommes chez qui le fantasme semble normal. C’est pour cela que les femmes culpabilisent. Elles se sentent contraintes d’obéir à certaines morales", introduit Antoine Spath, psychologue et sexologue, qui invite à s’en détacher.

"Si parfois on craint ses propres rêveries, c’est parce qu’il y a un risque transgressif", continue l'expert. Le passage à l’acte est effrayant. A peine pense-t-on à un autre qu’on pense "tromper". Garance le dit : "J’aurais préféré désirer un joueur de rugby, histoire d’être sûre de ne pas aller plus loin. Le fantasme inaccessible me paraît plus sain, là je culpabilise d’autant que mon collègue est à côté de moi tous les jours." Pourtant, qu’ils soient accessibles ou inaccessibles, les fantasmes font du bien, il est même essentiel d’en avoir. Si on les accepte sans en avoir peur, ils deviennent bénéfiques. Fantasmer est aussi normal que de se brosser les dents et heureusement qu’à chaque fois qu’on se brosse les dents, on ne nage pas en plein adultère.

L’importance des fantasmes
"Avoir des fantasmes sur quelqu’un d’autre que son partenaire est presque nécessaire, précise le psychologue et sexologue. On se ressource dans l’imaginaire." Grâce à nos envolées fictives, on se sent mieux. Dès lors que l’on assume nos tendres rêveries, qu’elles invitent Vincent Cassel ou Vincent Dubois (notre voisin), on éveille notre désir et on forge sa propre identité sexuelle. Avoir des fantasmes, ça ne veut pas dire les réaliser et les mettre sur le tapis. "Ils font partie de notre univers secret", ajoute le psychologue. Il ne nous reste qu’à s’en nourrir. On y pense, on rêve, on imagine, on vibre… Ils sont de vrais moteurs, ils donnent de l’énergie et stimulent notre envie de faire l’amour. Pourquoi s’en priver ? Mathilde, 28 ans, elle, a toujours réussi à scinder fantasme et "vie réelle". "Je m’accorde le droit de rêver d’un autre mec, ça me fait du bien. Je sais très bien que ces voyages intimes n’entraveront pas ma vie de couple. Il y a mes rêves et de l’autre côté, l’homme que je retrouve le soir avec qui je prends mon pieds et avec qui ça se passe bien."

Des fantasmes qui maintiennent l’équilibre du couple
Mathilde est bien dans son couple, c’est peut-être pour cela qu’elle ne culpabilise pas. Bien souvent, pour celles qui ne s’épanouissent plus dans leur relation, le fantasme leur semble révélateur d’un malaise. Or, dans ce cas-là, il n’est qu’une bouée de secours, presque un instinct de survie. "Les fantasmes agissent bien souvent comme des soupapes de sécurité. Quand on ressent une frustration avec son partenaire, on prend plaisir à se projeter dans un désir plus gratifiant. Les fantasmes peuvent être un facteur d’équilibre, note le psychologue. Les femmes osent dans leurs rêveries des scénarii érotiques qu’elles s’interdisent avec leur partenaire. Quand les fantasmes se basent sur une autre personne, on se sent plus libre, on peut développer son imagination car on ne se confronte pas à l’engagement lié au couple, aux habitudes du couple."
L’engagement réciproque peut parfois limiter l’univers érotique du couple. Il n’est pas facile de sortir d’un schéma établi et de s’offrir de nouvelles autorisations affectives et sexuelles. "Les couples restent souvent figés dans les premières découvertes sexuelles. Quand on porte toujours la même robe, on la trouve sympa, mais de moins en moins. On a besoin de renouveler. Dans le couple, c’est pareil, il faut qu’il y ait une nouvelle mode du comportement. Et quand on ne la trouve pas chez soi, on la cherche ailleurs. Les fantasmes ont cette fonction-là et c’est très sain", rassure Antoine Spath.

Fantasmer pendant l’acte sexuel
Fantasmer lors de la masturbation n’a rien d’inquiétant, il est même normal d’aller chercher des "appuis" pour prendre du plaisir. Certaines utilisent un sextoy, d’autres lancent un film porno… Chaque femme est libre de s’amuser à sa guise, avec ce qu’elle veut et qui elle veut.
"En revanche, s'imaginer avec un autre lors d’un rapport sexuel avec son partenaire peut devenir problématique. S’échapper de l’instant pour trouver une nouvelle excitation est plus inquiétant", relève Antoine Spath. A ce moment-là, le fantasme peut clairement être signe d’un souci. Faut-il en faire un drame pour autant ? Si on n’aime pas voir la réalité en face, elle a au moins le mérite de nous sauter dessus… et de nous pousser, qui sait, vers cette lubie qui prend désormais bien trop de place. Comme quoi, fantasmer n’est qu’utile.

Merci à Antoine Spath, psychologue et sexologue, auteur de Ne plus se laisser manipuler, c'est malin, aux éditions Leduc.s.

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