"Nous sommes testeurs de sextoys"

Dans le milieu, ils se font surnommer Miss et Mister. Leur passe-temps ? Tester des sextoys et fournir un avis objectif à leur communauté. Rencontre avec les créateurs de lovelypleasure.fr.

"Nous sommes testeurs de sextoys"
© serezniy / 123RF

Nous avons aujourd'hui 23 et 26 ans et nous sommes rencontrés il y a neuf ans (sur MSN, la belle époque…). Sexuellement, nous nous entendions très bien. Curieux, nous cherchions à pimenter notre relation. Alors, pour le plaisir, nous avons commencé à acheter des sextoys de temps à autre. C'est ainsi que nous nous sommes aperçu d'une chose : si grand nombre de produits et services sont notés sur le Web, peu d'avis complets et honnêtes sur les sextoys sont disponibles. Nous en trouvions trop peu. L'idée a germé, il y a quatre ans : pourquoi ne pas devenir testeurs de jouets pour adultes et lancer notre blog afin d'apporter notre regard à nous ? C'est ainsi que lovelypleasure.fr et le compte Instagram du même nom sont nés.

"Une passion"

Tester des sextoys est devenu une passion, mais nous n'en vivons pas. Nous travaillons tous les deux en parallèle. Gagner de l'argent en tant que testeurs est compliqué. Il faut plutôt le voir comme un complément de revenu. Néanmoins, beaucoup de marques rémunèrent les testeurs ou proposent des liens d'affiliations. Au départ, nous achetions nous-mêmes nos jouets. Désormais, notre notoriété attire les marques. C'est gratifiant, mais cela ne nous intéresse pas. Nous tenons à fournir des avis totalement objectifs et non altérés par une quelconque somme d'argent qui nous pousserait à vanter un produit. Nous racontons la vérité : ce que nous aimons et ce que nous n'aimons pas. Nous nous plaçons toujours du côté du consommateur. C'est notre ligne directrice.

"Il arrive fréquemment que la séance photo ou vidéo dérape"

Nous restons à l'affût des nouveautés. Il nous faut surveiller le marché. Pour autant, nous avons un  an de retard concernant certains produits. Nous aimerions idéalement publier un article par semaine mais cela demande beaucoup de travail. Nous prenons notre temps, hors de question de bâcler. D'abord, nous étudions le sextoy avant utilisation. Nous le faisons fonctionner dans le vide, nous analysons ses modes de vibration, nous le lavons pour tester sa résistance… Puis nous l'essayons. Généralement, Miss commence en se masturbant, puis nous poursuivons en couple, plusieurs fois. Vient ensuite l'heure des photos et des vidéos. Nous organisons une séance ultérieurement, d'une part pour ne pas couper nos rapports, d'autre part pour ne pas mélanger notre intimité et le blog. Cependant, il arrive fréquemment que la séance photo ou vidéo dérape. Mais ça nous regarde !

Nous recevons toute sorte de produits. Le dernier improbable ? Un ballon sauteur avec phallus intégré… Nous sommes aussi inondés de produits venus du Japon. Si les Japonais ne sont pas réputés comme étant très libres concernant la sexualité en couple, la masturbation est – à l'inverse – une pratique plutôt assumée. Leurs produits sont décalés par rapport aux produits européens. C'est lié à leur culture. C'est souvent très enfantin, un peu étrange. Récemment, nous avons reçu des fesses en silicone de 5 kilos. Un colis qui vous pète le dos. Il y a aussi un demi buste féminin ou encore une poupée gonflable avec un vagin… qui perd du sang pour un effet "première fois". On ne sait pas bien quand nous testerons, et puis il ne faudra pas se louper côté photo…

"Nous ne débriefons jamais en plein rapport"

Pendant le sexe, nous nous concentrons davantage sur notre plaisir que sur le sextoy. Nous nous abandonnons au sexe, à la relation, à la fusion et nous faisons le point après. S'il nous arrive d'échanger à propos des jouets pendant le sexe, c'est toujours sur le ton du jeu. Jamais de gros débriefing ou de brainstorming en plein rapport.

A l'inverse, si nous étions obnubilés par l'objet en lui-même, nous passerions à côté de nous. Or nous ne pouvons fournir un avis objectif et authentique si nous ne sommes pas à l'écoute de nos sensations. Néanmoins, lorsque le sextoy est plus technique – c'est le cas de certains stimulateurs du clitoris et du point G, pas toujours simples à placer - et demande plus d'adaptation, force est de reconnaître que notre rapport devient un peu plus mécanique.

"Que certains sextoys gâchent le rapport, ça arrive"

Nous n'utilisons pas de sextoy lors de chaque rapport sexuel. Nous ne sommes pas des machines. Parfois, nous n'avons pas envie d'un jouet. Il ne faut pas oublier que cela reste un accessoire. Nous partageons de très bons moments, avec ou sans. Nous ne nous sentons pas dépendants. Quand nous sommes tous les deux sans sextoy, le sextoy ne nous manque pas. A l'inverse, quand l'un de nous teste un jouet en solitaire, l'autre lui manque.

Il nous est arrivé de tester des sextoys "bof" qui gâchent le rapport. Mais rien de négatif, car au final nous en gardons un bon souvenir. C'est comme avoir un fou rire pendant un rapport, ça arrive, ça coupe sur l'instant, mais ça peut très bien repartir.

"Il y a trop peu de sextoys masculins sur le marché"

Nous testons davantage de sextoys pour femmes. Les hommes sont moins servis. Pour eux, le choix est plus rustre, plus sommaire. Autant dire que Mister reste sur sa faim, mais un de nos prochains tests est le masseur prostatique. Il y a beaucoup de préjugés concernant la pénétration anale chez les hommes. Cette pratique demeure taboue. Nous voulons parler librement de sexe et aider les gens à assumer leurs envies, leurs fantasmes. C'est important de découvrir de nouvelles choses, aussi de se découvrir soi-même. Si on n'aime pas, il suffit d'arrêter.

Il est important de rappeler qu'il ne faut jamais utiliser des sextoys parce que l'on est forcé par une personne ou bien influencé par son entourage ; c'est avant tout une question de vie privée, chacun doit décider.

"Les hommes ont peur que les sextoys les remplacent"

Nous recevons beaucoup de messages privés. Les internautes nous questionnent quant à l'utilisation de sextoys, notamment quand ils hésitent. Ce sont souvent des hommes. Parfois, ils ont envie d'offrir un jouet à leur copine, pour un usage en couple, mais ils ne savent pas lequel choisir. Nous en discutons avec eux. Nous avons remarqué que beaucoup craignent d'être remplacés par un jouet, d'où leurs interrogations. D'autres aimeraient évoquer le sujet avec leur partenaire, mais n'osent pas. Aussi, parfois, les gens pensent qu'utiliser des sextoys est le signe d'un couple qui va mal. Beaucoup d'idées reçues planent autour des jouets pour adultes. C'est dommage. A travers notre boulot d'amateur, nous espérons rétablir la "vérité" et démonter toutes ces idées reçues.

Il nous arrive aussi de recevoir des messages qui dépassent le sujet des sextoys. On nous demande des conseils. Récemment, un homme de trente ans, vierge, nous a écrit. Il voulait savoir comment perdre sa virginité. Le milieu libertin lui faisait de l'œil, il espérait y trouver son compte. Mister lui a répondu que c'était certainement un souci de timidité. Nous avons essayé de le soutenir et de le rassurer.

Enfin, il y a aussi les petits mots positifs. Certaines personnes nous remercient car grâce à nous, elles se dirigent vers des sextoys qui leur correspondent. Ce genre de témoignage donne sens à notre travail.