Si ma vie intime était parfaite...

Ma vie intime et moi, on aimerait être en parfaite harmonie. Juste ce qu’il faut de poils, des sous-vêtements magnifiques, un gynécologue ponctuel et un cycle impeccablement réglé. Sauf que dans la vraie vie, ça ne se passe pas toujours comme ça.

Si ma vie intime était parfaite...
© Fotolia

Quand mes règles débarquent
Dans une vie idéale
Je sais parfaitement l’heure à laquelle mes règles surviennent, je l’ai même noté dans mon agenda. J’ai donc sur moi les protections qu’il me faut, parce que je n’oublie jamais rien. J’ai aussi mon parapluie, au cas où. Mon chargeur de portable, au cas où. Et un billet pour Bali, au cas où. Je suis comme ça, je sais prévoir.

Dans la vraie vie
Mes règles sont d’humeur incertaine, peut-être un peu comme moi. Du coup, quand elles arrivent, je suis démunie. Je fouille mon sac discrètement sous mon bureau à la recherche d’une protection, je n’ai rien. Je demande à une collègue à voix basse si elle a quelque chose, elle n’a rien. Elle demande à quelqu’un d’autre qui demande à quelqu’un d’autre, ça finit même dans l’oreille de Paul, je suis sceptique. Pendant que la terre entière essaie de me dégoter une serviette, moi je compte ma monnaie pour descendre à la supérette où je me retrouve à acheter des modèles nuits en pièces jaunes parce qu’il n’y avait rien d’autre.

Quand je rencontre un mec
Dans une vie idéale
On se regarde du coin de l’œil dans un bar lounge. L’ambiance est tamisée et il me propose un verre. Je sais que le dernier se boira chez lui. Je suis parfaitement épilée, de la tête aux pieds. Je porte des sous-vêtements assortis, qui sentent bon la lessive. D’ailleurs je n’ai que ça dans ma petite commode achetée vintage dans un vide-grenier du sud Seine-et-Marne (je suis une fille à bons plans).

Dans la vraie vie
Il y a un mec que je trouve pas mal appuyé au comptoir, il boit des bières, c’est soir de match. Je tente une approche sans savoir que le vin rouge m’a teint les dents d’un léger violet. Quand on envisage de rentrer ensemble, je suis prise de panique, mes jambes piquent, je porte une culotte en coton qui n’a rien à voir avec mon soutien-gorge de sport et je prie pour que tout se passe dans le noir, sauf que tout se passe dans le jour. Je m’excuse deux minutes, file dans ma salle-de-bain, je cherche un rasoir partout et en trois minutes sous la douche, je m’ajuste. Quand je ressors, l’homme a disparu.

Quand j’oublie ma pilule
Dans une vie idéale
Je m’aperçois que j’ai oublié ma pilule, j’émets un son délicat (un petit oops), je compte quel est mon retard et je réalise que ça ne fait que deux heures. Je suis sauve, en même temps j’ai toujours été très ponctuelle voire en avance. Je ne loupe jamais aucun rendez-vous, je ne suis jamais victime de bouchons sur la route et mon métro n’est jamais en panne.

Dans la vraie vie
J’émets un son plutôt rustre, rythmé de grossièretés. J’essaie de compter le nombre d’heures de retard en déroulant mes doigts. Je m’y reprends à trois fois et je tombe sur douze. Douze heures de retard. Le retard insignifiant qui ne m’indique pas si je suis encore sauve ou si je cours un risque. Le temps que je réfléchisse, ça fait douze heures et cinq minutes, alors j’avale mon comprimé que je croque sans faire exprès. J’espère que ça marche quand même, la pilule en poudre.

Quand je vais chez l’esthéticienne
Dans la vie idéale
J’appelle le matin et j’ai rendez-vous l’après-midi. Cela fait pile trois semaines que je me suis épilée le maillot, il faut juste lui refaire une beauté. L’esthéticienne y va de quelques bandes de cire indolores et m’affirme que mes poils partent bien, c’est une chance. C’est vrai que je suis bien née.

Dans la vraie vie
Je dois prendre rendez-vous depuis un mois, même mes parties intimes ne se reconnaissent plus. Quand j’appelle, on m’indique qu’il y a deux semaines d’attente. Du coup je me lance toute seule à la maison, étendue sur mon tapis de salle-de-bain. Le pot de cire sorti du micro-ondes me brûle, j’attends dix minutes. Du coup, il est froid, je le remets à chauffer. Quand je peux enfin m’épiler, je me déboîte le cou et je réalise que je n’ai malheureusement pas la symétrie infuse.

Quand j’ai rendez-vous avec le gynéco
Dans une vie idéale
J’ai rendez-vous une fois par an et pour être à jour, je prends rendez-vous d’une année sur l’autre. Mon gynéco n’a pas de retard, oui mon gynéco est un homme, je ne vois pas le problème. Il réalise un petit frottis, même pas mal. Je ne sens rien, comme lors d’un détartrage.

Dans la vraie vie
Je réalise que je n’ai pas vu de gynéco depuis deux ans. Quand je m’y rends, je suis victime de quarante-cinq minutes de retard " plutôt normales " d’après la secrétaire. Quand c’est mon tour, je m’allonge en position gynécologique sur sa table, mal à l’aise. Au moment du frottis, je serre les dents et en sortant de là, je suis tellement crispée que je n’arrive plus à faire pipi.

Quand je sors de chez le gynéco
Dans une vie idéale
Je dois poster mon frottis au labo. Ça tombe bien, une Poste se trouve sur mon chemin. J’ai évidemment mon chéquier sur moi, pour glisser le petit chèque de règlement dans l’enveloppe. Deux minutes plus tard, la sécu m’a déjà remboursée. Le monde est bien fait.

Dans la vraie vie 
Je glisse mon frottis dans mon sac et cours au travail de peur d’être trop en retard. Deux jours plus tard, je découvre entre deux paquets de mouchoir l’enveloppe de mon examen que j’aurais déjà dû envoyer. Je me demande si ces trucs-là périment. J’appelle le labo, ils me disent que c’est encore bon. Je cours à la Poste. Il est 22h, c’est visiblement trop tard.