Plus fort que l'amour : le sentiment clé qui fait durer un couple, selon Boris Cyrulnik

"On ne peut pas rester amoureux toute sa vie" atteste le neuropsychiatre.

Plus fort que l'amour : le sentiment clé qui fait durer un couple, selon Boris Cyrulnik
© Mateus Souza / Pexels

Dans une société où l'on glorifie le coup de foudre, les papillons dans le ventre et les grands élans passionnés, les propos de Boris Cyrulnik font l'effet d'un contre‑pied radical. Et ça fait du bien. Si le neuropsychiatre ne nie pas l'émotion amoureuse des débuts, il rappelle qu'aucune émotion n'est durable. En clair, pour qu'un couple tienne, l'amour ne suffit pas. Il faut autre chose, une dynamique qui repose sur une forme de lien tissé au quotidien, un lien qui se bâtit pas à pas.

Boris Cyrulnik a passé sa vie à observer les comportements humains. Il a scruté les relations, depuis la naissance, pour comprendre comment elles marquent le cerveau. Et sa conclusion, partagée sur France Inter, est sans appel : "L'amour est une émotion. […] Ça ne veut pas dire que ça s'éteint, mais on ne peut pas rester amoureux toute sa vie, on ne peut pas être amoureux tout le temps." Tomber amoureux, poursuit-il, "c'est souvent reconnaître en l'autre une empreinte ancienne, inscrite très tôt dans notre mémoire". Il décrit :  "On tombe amoureux, elle est merveilleuse, je ne peux pas vivre sans elle […] j'ai un sentiment étonnant de familiarité pour elle". Cette familiarité est liée à des traces précoces dans notre cerveau. Mais si rien ne la relie ensuite, "cela ne peut pas durer".

Alors qu'est-ce qui fait qu'un couple dure si ce n'est pas le sentiment amoureux ? C'est là qu'apparaît ce que Boris Cyrulnik appelle la "structure interactive". Il ne suffit pas d'être amoureux, il faut aussi agir ensemble. Et pour agir ensemble, il faut être "attaché" l'un à l'autre. C'est ce sentiment de l'attachement qui est à la base de la longévité d'un couple, selon le neuropsychiatre. Ainsi l'enjeu du couple est de "faire évoluer l'émotion amoureuse en tissage d'un lien et ça c'est durable". "Si je ne suis pas attaché, je suis errant. En revanche, si je tisse jour après jour un lien d'attachement, ça me libère puisque le fait de me sentir soutenu me donne confiance en moi" décrit-il dans un  entretien accordé au philosophe Fabrice Midal. "C'est la vie quotidienne qui permet de tisser ce lien. Pour s'attacher à quelqu'un, il faut le voir, l'avoir tous les jours au petit‑déjeuner, même dans des conditions pas glorieuses, de façon à construire quelque chose ensemble."

Pour savoir si on est attaché à l'autre, c'est facile : "L'attachement fait que je me sens bien quand elle (la personne, NDLR) est là." Pour développer l'attachement, Boris Cyrulnik préconise des gestes simples : prendre un café, aller au cinéma, discuter, offrir un livre, un mot, un regard. Ces actions cimentent le lien et créent cet attachement. Un condensé d'intentions permettant à la fois de se sentir confiant, libre, mais surtout garantissant de transformer l'amour en une relation pérenne.