"J'ai vécu deux ans sous l'emprise d'un pervers narcissique et c'est lui qui m'a quittée"

Dès sa rencontre avec J., Charline tombe sous le charme. Les premières semaines sont idylliques. Mais un jour, une crise de jalousie survient. Il regrette. Elle culpabilise et pardonne. C'est le début d'une spirale infernale...

"J'ai vécu deux ans sous l'emprise d'un pervers narcissique et c'est lui qui m'a quittée"
© Prostock-studio - stock.adobe.co

J'avais 30 ans quand j'ai rentré J. lors d'un pot de boulot à l'hôpital. Il. est kiné comme moi et de retour depuis peu dans la région. On commence à discuter et le courant passe bien. C'est très fluide, presque un peu magique. Je me dis d'emblée qu'on ne rencontre pas tous les jours des personnes avec qui c'est aussi évident. Quelques jours plus tard, je reçois un mail. Il a trouvé mes coordonnées, facile dans le milieu. A partir de là démarre une longue phase de séduction, trois mois en tout. On couche ensemble mais on n'est pas vraiment ensemble. Si nous ne sommes pas un couple, c'est parce qu'il n'a pas oublié son ex, une histoire de 10 ans. Mais du jour au lendemain, il m'appelle, il a un déclic, je suis la femme de sa vie, c'est moi et personne d'autre. Les premières semaines sont idylliques. J. est tout simplement parfait. Il est extrêmement présent. On part en week-end, il réserve tout, s'occupe de tout. Je le présente à mes parents, ils sont séduits, c'est le gendre idéal. Pour moi, il répond à tous mes critères. Il est grand, responsable, plus âgé, installé, mature, à l'aise financièrement. Meilleur tableau.

"Après l'été, cette image parfaite de lui s'effrite"

Après l'été, cette image de lui s'effrite. Il n'est pas si parfait. Je commence à lui trouver des défauts mais je me dis que c'est normal, tout ne sera jamais parfait, ça fait partie du processus amoureux. Seulement, un jour, une première crise. Nous sommes dans un pub avec des amis, il ne décroche pas un mot, pas un sourire. Aux autres, si. A moi, non. Plusieurs fois, je lui demande discrètement ce qu'il se passe, pourquoi ce silence, mais rien n'y fait, il m'ignore. A minuit, il me raccompagne chez moi. Je ne dors pas de la nuit. Je surveille mon téléphone qui ne sonne pas. Il m'appelle le lendemain et s'excuse. On a croisé mon ex, il s'est senti jaloux, mais il regrette. Pendant trois mois, tout va très bien, jusqu'à ce jour où je signe un nouveau bail pour un cabinet. J'ai envie de fêter ça avec lui mais il est hyper distant. Il me dit que lui n'évoluera jamais dans son boulot. Il rapporte tout à lui, me gâche mon plaisir et moi, je culpabilise d''être heureuse. 

Après ça, les crises s'enchaînent. Un soir, il me refait le coup du silence. On s'endort enfin je ne dors pas, perturbée par son mutisme. Vers quatre heures du matin, il se réveille et se met à hurler que je suis conne, immature, une pauvre fille. Je panique, je pleure, je suis démunie. Lui se rendort tranquillement.

"A chaque fois qu'il me fait souffrir, il se met en mode veille pour que je ne puisse plus l'atteindre"

En fait, à chaque fois qu'il m'avait bien fait souffrir, il se mettait en mode veille pour que je ne puisse plus l'atteindre. Et au réveil, il partait sans rien dire. Quand je lui demandais pourquoi ces mots la veille, il me balançait que j'étais trop émotive. Il minimisait tout. Comme si j'étais folle. Je me sentais coincée dans une vie que je ne voulais pas mais je me promettais de faire des efforts pour que tout rentre dans l'ordre, pour retrouver nos débuts. Mais le quotidien est petit à petit devenu un enfer. Financièrement, je gagnais moins que lui, et pourtant, il attendait de moi que je paie tout. Il arrivait chez moi à 1h du matin, alors qu'on avait rendez-vous à 20h. Quand j'osais lui dire que j'étais déçue, que je n'appréciais pas ses retards, il me hurlait dessus. L'humiliation était constante, il me faisait me sentir nulle, inintéressante.

"Je finissais par croire que je n'étais pas digne d'être aimée"

Quand j'en parlais à des amis, j'entendais "pars, quitte-le", mais j'en étais incapable. Parce qu'à force, je finissais par croire que je n'étais pas digne d'être aimée, et que c'était une chance d'être aimée par lui. C'est comme ça que l'on devient dépendant affectif. On se sent seule dans son malheur et on attend de l'autre qu'il nous sauve alors qu'il est précisément celui qui nous met la tête sous l'eau.

Ses crises étaient toutes irrationnelles mais je lui trouvais des excuses pour tenir : une mère malade, un père violent, une enfance difficile... mais finalement, ce qui me faisait tenir, c'était ses phases gentilles. Car le reste du temps, il était gentil même s'il restait un peu froid, pas très attentif à moi.

"Ce qui me faisait tenir, c'était ses phases gentilles"

Au moindre mot sympa, j'y croyais. Mais c'était un piège. J'ai fini par comprendre que c'était de la manipulation. J'étais armée pour faire preuve de lucidité mais pas pour m'enfuir. C'est lui qui a fini par me quitter brutalement. C'était en pleine nuit. Il me réveille et me dit : "Je ne suis plus amoureux de toi". Il est parti comme ça. Je ne l'ai jamais revu. Après cet épisode de rupture, j'ai été incapable de dormir. Je ne mangeais plus. J'ai été voir mon médecin traitant, et je lui ai dit que j'étais ensorcelée et que j'avais besoin d'aide. Mon médecin m'a dirigée vers une psychologue et victimologue, une femme qui m'a tout expliqué. Au début je ne la croyais pas, je continuais de défendre J alors qu'il m'avait tout pris. Mes contacts professionnels, mon argent, mon âme, mon temps. C'était un prédateur. J'ai mis 6 mois à croire ma psy, et deux ans et demi à m'en remettre. Je vis toujours avec la peur que ça recommence. Dès que je rencontre un homme, j'ai la trouille. Au lieu de me demander si la personne me plait, je me demande si c'est un manipulateurJe tombe sur des hommes qui ne me conviennent pas toujours mais c'est ce que je crois mériter et c'est loin d'être le pire. Le pire, je l'ai connu.