"J'ai sprinté, franchi la ligne d'arrivée et je me suis mise à pleurer" : quatre coureuses amatrices racontent leur 1er marathon

En 2023, seulement 26 % des participant-e-s au marathon de Paris était des femmes. Un chiffre qui montre à quel point cette course de 42,195 km reste mythique pour de nombreuses coureuses amatrices. Chloé, Laura, Margaux et Pauline se sont un jour confrontées à cette distance. Pour le Journal des Femmes, elles ont raconté cette première fois inoubliable.

"J'ai sprinté, franchi la ligne d'arrivée et je me suis mise à pleurer" : quatre coureuses amatrices racontent leur 1er marathon
© Urman Lionel/ABACA

Courir un marathon, le challenge sportif d'une vie ? Quatre jeunes femmes ont relevé le défi. Après des mois d'entraînement, elles ont passé la ligne d'arrivée après 42,195 km d'effort. Elles nous racontent leur expérience.

Chloé, 29 ans, attachée de presse lifestyle, sport et bien-être

"Adolescente, je n'aimais pas particulièrement la course à pied. J'ai commencé à m'y mettre sérieusement pendant le confinement que j'ai passé en Bretagne. J'ai augmenté peu à peu les distances. En 2022, j'ai participé au semi-marathon de Paris. C'était ma toute première course officielle. La distance marathon ne m'attirait pas particulièrement, mais je suis inscrite dans une salle de sport à Paris, La Montgolfière, qui proposaient à ses membres de gagner une préparation complète pour l'édition 2023. Je me suis inscrite sans trop me poser de questions. Et j'ai été tirée au sort. Nous étions une quinzaine de futur-e-s marathonien-ne-s, de différents niveaux, et nous étions encadrés par quatre coachs. Nous avons commencé la préparation début janvier à base de trois entraînements par semaine : de l'endurance fondamentale, du fractionné et une sortie longue. Cela me prenait environ 6 ou 7 heures de mon temps. Ce n'était pas simple tous les jours. J'y allais parfois en traînant des pieds, mais je ressortais toujours fière de moi et je sentais que je progressais. Le stress a commencé à monter deux semaines avant le départ mais les coachs nous rassuraient : nous avions fait le boulot. Ils nous ont également aidé sur la partie mentale, l'alimentation et l'hydratation durant la course. J'avais pour objectif de le terminer en 4h. 

Chloé à l’arrivée du marathon de Paris © Photo personnelle

Le matin de la course, je me suis levée en pleine forme après une bonne nuit. J'ai adoré l'ambiance dans le métro parisien, rempli de coureur-euseès se rendant au même point que moi. Je n'ai pas vu passer les dix premiers kilomètres. Je passe au semi-marathon en 1h54. Nos coachs étaient là pour faire le point avec chacun-e d'entre nous. Je me sentais hyper bien mais ils ont insisté pour que je ralentisse un peu pour ne pas me griller.  Au 30ème et au 35ème kilomètres, des amies m'ont rejoint. Je commençais à trouver le temps long, à regarderma montre plus souvent et à traîner des pieds, donc ça m'a reboostée. Ces derniers kilomètres sont les plus durs. Je me souviens avoir vu le panneau annonçant qu'il restait 500m. Les larmes ont commencé à monter. Mais comme cela m'empêchait de bien respirer, j'ai vite arrêté (rires). J'ai sprinté et terminé en 3h51. Je ne m'attendais pas du tout à ce résultat. Passer cette ligne d'arrivée représentait beaucoup de chose pour moi : la preuve que j'étais capable, mais aussi la fin d'une période de ma vie compliquée. Une semaine après le début de ma prépa, je me suis séparée d'un garçon avec qui j'étais depuis trois ans. J'avais hésité à tout arrêter. Mais c'était mon challenge et j'ai eu ce courage de le mener à bout."

Laura durant le marathon de Paris 2018 © @foutrak

Laura, @foutrak, 38 ans, créatrice de contenus

"J'ai commencé à courir en 2015. Au départ, je voulais simplement perdre du poids, mais le sport a commencé à prendre une place importante dans ma vie. J'ai couru un 10km, un semi-marathon... La suite logique était d'aller me confronter au marathon. J'ai entamé une préparation en 2016, mais je me suis blessée trois semaines avant le départ. Même chose l'année suivante. Je commençais sérieusement à me dire que j'étais maudite. Puis en 2018, un ami m'a inscrit pour le marathon de Paris. Il m'a dit : "Tu vas faire une préparation différente, au plaisir et je te promets que tu vas le finir." Je suis restée régulière pendant trois mois, courant 42km chaque semaine. J'ai adoré cette période. Mais je manquais de confiance en moi. Je n'avais pas dit à mes abonné-e-s que j'allais prendre le départ, j'avais peur que mon corps se "casse". Je ne croyais tellement pas en moi que je ne voulais pas laisser les autres y croire. Tout le long de ma course, j'étais pétrie de peur. J'ai commencé à souffrir au 32ème kilomètre. Avec du recul, je sais que je n'avais pas assez mangé et bu. Je pensais m'alimenter avec les ravitaillements prévus par l'organisation, mais je n'aimais pas les gels présents sur les stands. J'ai commencé à marcher au 35ème kilomètre. Dans ma tête, c'était pourtant inconcevable pendant un marathon. J'avais été matrixée par tout ce que j'avais entendu ou vu sur les réseaux sociaux. Je n'avais aucune bienveillance envers moi-même. Mais j'ai fini par me remettre à courir pour en terminer au plus vite. À ce moment-là, je me suis dit que mon corps était formidable. Comment j'arrivais à courir alors que j'étais au bout du rouleau il y a cinq minutes ? J'ai ressenti un immense soulagement en voyant l'arche d'arrivée. C'est rare, en tant qu'adulte, d'avoir des premières fois. Je me suis mise à pleurer en me disant que j'étais marathonienne. Il est si beau ce mot. Je l'avais bouclé en 5h07. Je me souviens avoir écrit sur Instagram : "On m'avait dit que ce serait dur, mais on ne m'avait pas dit que ça serait aussi dur". Si j'avais un conseil à donner ? Interdit de baisser les bras avant la ligne d'arrivée. Et mangez assez ! "

Pauline à l’arrivée du marathon de Valence en 2021 © Photo personnelle

Pauline, 36 ans, éducatrice spécialisée

"J'ai commencé la course à pieds en 2014 après que mon médecin m'a alerté sur mon niveau de stress. Au début, je courais seule puis je me suis inscrite dans un groupe. J'ai fait un premier 10 km, un semi-marathon… Je trouvais ça fou, n'ayant jamais été une grande sportive. Puis certains membres du club ont participé au marathon de Valence. Les voir faire m'a donné envie d'essayer, moi qui adore voyager, même si je craignais que ce ne soit que de la souffrance durant 42 km. J'ai pris un dossard pour l'année suivante. Nous nous sommes préparé-e-s ensemble. Nous faisions trois ou quatre séances chaque semaine. Le rythme était intense et ça n'a pas toujours été facile de concilier cette préparation avec ma vie sociale (et de me lever le dimanche matin pour aller faire la sortie longue avec le groupe). Mais nous étions très soudés. J'ai aussi eu des problèmes de santé durant cette période : une crise de mastocytose, une maladie immunitaire, qui a bien failli m'empêcher de prendre le départ. Je m'étais finalement mis d'accord avec mon médecin pour m'arrêter si cela ne se passait pas bien. Mais au fond de moi, je voulais le terminer. J'aurais au moins gagné ça sur la maladie. 

Nous étions en 2021 et que le Covid était encore très présent, mais je n'oublierai jamais l'ambiance au départ, les encouragements tout le long du parcours… C'était fou. J'ai couru avec une autre membre du groupe. J'ai commencé à ressentir des douleurs au ventre à partir du 15ème kilomètre. Je m'arrêtais, je repartais à fond et je la rattrapais. J'ai fait ça tout le long de ma course, en prenant soin de rester bien hydratée. J'ai accéléré sur les cinq derniers kilomètres. Je sentais qu'il était temps que je termine. Je n'oublierai jamais la ligne d'arrivée. À Valence, c'est grandiose. J'avais l'impression d'être une star. Je termine en 4h20. Je me suis mise à pleurer derrière mon masque FFP2, qu'on m'avait directement mis sur le visage, si bien que les bénévoles de la Croix-Rouge sont venus me demander si je ne faisais pas une crise d'asthme (rires). J'ai rarement été aussi fière de moi. J'ai tout de suite eu envie de recommencer. Malgré les douleurs, je ne garde que des bons souvenirs de ce premier marathon. Notre coach nous avait conseillé de tenir un carnet de bord pendant notre préparation, il nous répétait qu'on aurait qu'un seul premier marathon, que le deuxième serait très différent quoi qu'il arrive. Et c'est vrai. C'est un conseil que je donnerai. Tout comme croire en soi. Le sport m'a beaucoup aidé sur ce point."

Margaux, @margauxlifestyle, 31 ans, créatrice de contenus et freelance dans la communication et le marketing digital

"J'ai commencé à courir après deux années de classe préparatoire. J'avais besoin de me défouler, d'être en extérieur. Ma mère s'y était mise aussi. Nous avons couru ensemble le semi-marathon de Prague, ville dans laquelle je faisais mes études. C'était ma première course officielle. Puis j'ai enchaîné l'année suivante avec le semi de Bordeaux, aux côtés de mon parrain. Le marathon de Paris avait eu lieu sept jours auparavant. Il me disait : "Ne lâche rien et je t'offre le dossard pour la course." Cela me laissait un an pour me préparer, même si je me demandais dans quoi je m'embarquais. J'ai couru en solo les six premiers mois, mais tout ne s'est pas bien passé. J'ai frôlé le surentraînement et je suis arrivée au 20 km de Paris, course que j'avais placé comme une étape sur ma route vers le marathon, très stressée. J'ai terminé en pleurs. J'ai alors décidé de prendre un coach et nous avons commencé à travailler ensemble début janvier. 

Margaux en 2017 à l'arrivée du marathon de Paris © @margauxlifestyle

Lors de ma préparation, je faisais trois séances de course et du renforcement musculaire en complément une ou deux fois dans la semaine. Le premier mois a été difficile. Nous avons retravaillé ma foulée et j'avais l'impression de ne plus savoir courir. Mais ça a été de mieux en mieux. J'adorais faire mes sorties longues avec mes amies le dimanche après-midi.

Comme ce marathon arrivait un peu tôt pour moi en terme de progressivité, nous nous étions fixé l'objectif avec mon coach d'aller jusqu'au 30ème kilomètre. Chaque kilomètre supplémentaire était du bonus. Il faisait 28 °C le jour du départ. Des ami-e-s se sont relayé-e-s à mes côtés durant toute la course. Mais moi qui suis habituellement bavarde, je n'ai pas dit un seul mot. J'étais comme sur un nuage. Entre le 37ème et le 40ème kilomètre, j'ai tout de même ressenti un "mini mur". Il faisait chaud, cela faisait 5 heures que je courais. Mais jamais je n'ai marché ou je me suis dit que je n'allais pas y arriver. Je regardais simplement la ligne verte au sol. Puis, j'ai senti un peu d'agitation autour de moi. J'ai levé les yeux et ma mère me faisait des signes, pointant du doigt le panneau indiquant le 42ème kilomètre. Car oui, ma montre avait rendu l'âme un peu plus tôt. J'ai sprinté, franchi la ligne d'arrivée en 5h42 et je me suis mise à pleurer. J'ai ressenti une immense fierté. Je m'étais donné les moyens d'arriver à terminer ce marathon. J'ai rapidement repris l'entraînement et dans les six mois qui ont suivi, j'ai battu mes records personnels sur 10 km et sur semi-marathon. Si j'avais un conseil à donner à quelqu'un qui s'apprête à prendre le départ de son premier marathon, ce serait de profiter de chaque seconde de cette expérience. Peu importe votre allure, ce qui compte, c'est la ligne d'arrivée."