Le témoignage bouleversant de Jeannette Bougrab, compagne de Charb

Jeannette Bougrab pleure " son amoureux ", ce " héros " qu'elle admirait. L'ancienne secrétaire d'Etat de Nicolas Sarkozy, partageait sa vie depuis trois ans avec Stéphane Charbonnier, Charb, directeur de la publication de Charlie-Hebdo.

Comme elle l'a confié à Paris-Match, c'est Richard Malka, l'avocat historique de l'hebdomadaire qui les avait présentés. Ils avaient, en apparence, peu de terres communes. "C'est vrai qu'on était différents. Lui, communiste. Moi, militante UMP ".

Celle qui est aujourd'hui Maître des requêtes au Conseil d'Etat, qui fût à la tête de la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'Egalité, femme brillante, déterminée, est apparue, brisée, bouleversante mais combative, au lendemain de la folie terroriste sur l'antenne de BFM-TV.

Le ciment qui les unissait, lui, Charb, qui s'est longtemps félicité de vivre sans attaches, sans femme, sans enfants, et elle, engagée à droite, c'est une certaine idée de la République et de la laïcité. " J'ai perdu l'être aimé. J'ai perdu une partie de moi. J'étais avec un héros d'un bord différent, il me disait que j'étais une communiste qui s'ignorait ".

Ce mercredi, dès la nouvelle de l'attentat, elle cherche à le joindre par SMS, n'y parvient pas, puis elle se rend sur les lieux dans le 11ème arrondissement, et apprend là sa mort. En état de choc, elle est brièvement hospitalisée.

Mais jeudi soir, interrogée par BFM-TV, elle a partagé plus que sa douleur. Sa sidération,  sa révolte. Que cela puisse arriver en France : " Aujourd'hui, c'est la guerre qui est déclarée, je ne suis pas sûre que les dispositifs législatifs qui sont à notre disposition soient suffisants. (...)J'aimerais juste aujourd'hui comprendre ce qu'il se passe en France. Quand on prend un crayon, on peut vous tuer, c'est ça aujourd'hui la France. "

Fille de harkis, élevée par une mère que l'on avait mariée de force à 13 ans dans une Algérie traditionnelle et rurale, Jeannette Bougrab a conjugué nombre de parcours, y compris celui de documentariste, en produisant un film sur les filles interdites d'école.

Elle est allée au Yemen, à la frontière afghane, a passé 17 jours au Pakistan : "Il ne m 'est rien arrivé... "

De Charb, qui tenait la barre à Charlie-Hebdo, elle dit encore : "C'était un moine-soldat, qui travaillait tout le temps, qui ne prenait jamais de vacances ". Char, celui qui était entré dans sa vie et celle de sa petite fille, adoptée en 2011 au Laos, celui qu'elle voudrait voir aujourd'hui entrer au Panthéon.   Et qu'on ne lui parle pas des anonymes qui dans le monde entier se sont levés pour témoigner de leur indignation, en imaginant que cela puisse être une forme de " victoire " face au terrorisme. " Non, non, non, absolument pas, ce n'est pas une victoire, c'est une défaite(...) Ils ont arraché l 'être cher qui m'accompagnait dans la vie ". 

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Jeannette Bougrab, compagne de Charb © WITT/SIPA