"Et sinon, je fais de la politique" : Priscilla Cassez nous explique son Tumblr

Le Tumblr "Et sinon, je fais de la politique" fait le buzz. Samedi 8 mars, journée de la femme, le JDF vous en parlait déjà. Entretien avec Priscilla Cassez, la co-fondatrice du blog.

Pourquoi avoir créé ce Tumblr ?
Embarquée en tant que responsable communication d'EELV (Europe Ecologie Les Verts), c'est une idée que je caressais depuis très longtemps. Il ne se passait pas grand-chose pour le 8 mars et c'était l'occasion de rassembler des copines élues. En discutant, on s'est rendu compte que ces femmes avaient déjà été victimes de propos choquants. Avec Karima Delli, députée européenne et fondatrice du Tumblr, j'ai donc réalisé, conçu et donné de l'ampleur à ce blog. 

Comment ça s'est passé ?
Le Tumblr a été fait très rapidement et comptait déjà une quinzaine de photos à sa création. On a monté ça dans la nuit du mercredi  5 au jeudi 6 mars et vendredi soir, ça buzzait. En une soirée, on avait déjà  500 abonnements et en trois jours 900 ! J'ose à peine ouvrir ma boite mail !

Comment expliquez-vous ce buzz ? Qu'est-ce que cela signifie selon vous ?
À vrai dire, je ne sais pas vraiment si je dois m'en réjouir. Les phrases mises en lignes sont toutes pires les unes que les autres. Toute cette couverture médiatique, c'est impressionnant, mais il faut du coup se demander s'il n'y avait pas une attente. On attend de voir quelles proportions cela va prendre.

Vous avez reçu des messages de remerciements ? Ou peut-être des insultes ?
On a bien sûr reçu énormément de messages de félicitations et de remerciements. Pour l'instant, pas vraiment de commentaires négatifs. J'ai même reçu un message d'un homme qui me disait "Heureusement que vous avez posté ça en ligne et que je n'en suis pas témoin, car sinon, ce gars-là, je lui casserais la gueule". On se dit que si même des hommes sont choqués, on est sur la bonne voie. Certaines femmes nous ont aussi dit "Enfin quelque chose pour évacuer cela". C'est un peu un outil de revanche.

Votre blog se limite à poster des photos d'élues, c'est assez restrictif. Pensez-vous élargir le Tumblr à d'autres corps de métiers ?
Il y a déjà tellement à faire avec les femmes engagées, associatives et politiques... C'est un gros travail. Néanmoins, nous avons été contactées par une jeune femme, Djette, qui se disait souffrir énormément du sexisme dans ce milieu-là. Le sexisme, ce n'est pas qu'en politique. Je fais ce que je peux, mais ce n'est pas pour autant que l'on va négliger le reste.

Où commence le combat contre le sexisme ?
À la maternelle. C'est une question d'éducation. Mère de deux filles et belle mère de deux petits garçons, je peux vous dire que c'est un travail qui s'effectue dès le plus jeune âge. Ce sont ces petites phrases, ces petits mots qui influent sur l'état d'esprit dès l'enfance et peuvent faire des ravages.

Sur l'une des photos, on peut par exemple voir Karima Delli porter l'inscription "Votre discours était très technique pour une femme".  Ça part d'un compliment ?
Justement, c'est tout l'effet pervers. Certaines phrases sont tellement habilement tournées que l'on ne sait même pas distinguer un compliment déguisé d'une vacherie.

karima delli
Karima Delli, Députée européenne et co-fondatrice du Tumblr © Tumblr "Et sinon, je fais de la politique"

À l'approche des Municipales, pensez-vous pouvoir changer quelque chose ?
À moins de deux semaines, les listes sont verrouillées. Ce n'est pas encore l'idéal, mais il y a déjà eu quelques progrès en matière de parité, même si on ne l'a pas encore atteinte. On demandera encore aux femmes quelles sont leurs compétences, chose qu'on ne demande pas à un homme. Par ailleurs, ces élections sont locales, donc c'est d'autant plus complexe en ce qu'il s'agit d'une question de terrain. Les choses peuvent varier d'une commune à une autre.

Quels conseils donneriez-vous aux femmes qui reçoivent de telles remarques ?
Qu'elles le disent tout haut. Sur le Tumblr, on peut voir toutes ces photos de femmes élues qui reçoivent des remarques qui sont pires les unes que les autres. Il n'y a plus d'échelle de gravité. Il faut le dire, même si on n'ose pas. Il faut que les hommes qui ont dit ces choses aient honte.