À la Mi-Carême défilent les reines

Ce 18 mars, vous avez peut-être défilé au Carnaval des Femmes qui clôt la saison d'hiver, à Paris, à Nantes, dans certains villages de France métropolitaine, mais aussi aux Antilles, notamment en Guadeloupe, et à Fatima, aux Îles-de-la-Madeleine. Musique !

La bringue des Lavandières

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Blanchisseuses © Erica Guilane-Nachez - Fotolia.com

Écosseuses, marchandes d'oranges ou harengères, les femmes sont depuis toujours l'élément le plus joyeux, actif et dynamique du Carnaval de Paris. Dès le XVIIe siècle la Mi-Carême, célébrée 21 jours après Mardi Gras, se présente comme une immense fête féminine et populaire, dont les premières héroïnes sont les blanchisseuses, un corporation laborieuse, composée de personnes de condition très modeste, mais joyeuses et énergiques.

Benjamin Gastineau écrit en 1855: "Ce sont des des femmes qui prennent le temps de vivre, s'amusent entre elles, chantent, dansent, boivent, festoient, se costument, élisent des reines, y ajoutent des rois et défilent".

A partir de 1891, le président de la chambre syndicale des maîtres de lavoirs prend l'initiative de fédérer les cortèges des employées parisiens. Il souhaite sans doute calmer la pression des ouvrières qui veulent plus de droits. A cette époque, la Fête des Blanchisseuses est le seul moment où les Françaises "choisissent leurs représentantes". Les femmes n'acquerront le droit de vote qu'en 1945.

Un jour de congé où les travailleuses sont mises à l'honneur

Ce jour-là, comme l'écrit "Le Constitutionnel" en 1846, les blanchisseuses de Paris, mais aussi celles de banlieue (Boulogne, Clichy, Montrouge) que l'on voit arriver par toutes les barrières avoisinant la Seine, vêtues de blanc, "sont voiturées dans les charrettes de leurs patrons, pour sacrer la plus belle d'entre elles. L'heureuse élue, soutenue par son écuyer se rend dans le bateau-lavoir, où des ménétriers l'attendent. C'était elle qui ouvre le bal. La danse dure jusqu'à cinq heures du soir; la reine monte alors dans un carrosse, et toute l'assemblée suit à pied, jusqu'à une guinguette pour s'y réjouir jusqu'au petit matin".

La caravane du peuple passe, la noblesse aboie

"Il n'est rien de si bassement brutal, de si odieux pour les honnêtes Parisiens. Les boulevards sont envahis par une cohue grossière où dominent les gens mal élevés qui s'excitent à l'insolence les uns les autres. On se presse, on s'écrase, on est bousculé, injurié par des farceurs sans esprit. La canaille, ce jour-là, prend sa revanche et les repris de justice ont droit à la première place ; il leur arrive d'aveugler à coup de confettis les juges qui, la veille, ont réprimé leurs méfaits. Qu'une honnête femme ne se hasarde pas à protester, elle sera injuriée d'abord, poursuivie de lazzis et frappée si elle insiste (...) Il faut croire qu'il en est qui aiment ces spectacles, qui affectionnent ces désordres, puisque cinq cent mille personnes se pressent sur les larges trottoirs pour voir passer le légendaire cortège de chars ; une jeune fille hissée sur une roulotte théâtrale, revêtue d'un costume de chanteuse d'opérette, envoie des baisers à la foule qui se pâme, qui bat des mains et crie bravo ! C'est bête à pleurer...", témoigne, en 1907, le précieux correspondant du journal l'Indépendance Belge, dans sa chronique hebdomadaire "La Vie de Paris".

Heureuse smala

Oubliés, comme effacés de la mémoire collective, Le Carnaval de Paris et le Carnaval des Femmes sont reparus en 1993 grâce à l'initiative de Basile Pachkoff. Depuis 2009, Le cortège du Carnaval des Femmes est organisé au Châtelet par l'association Coeurs Soeurs... pour le plus grand bonheur des dames !


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