Voile sur l'affaire de la crèche Baby Loup

Trois ans après les faits, les positions restent les mêmes : la salariée qui gardait son voile durant ses heures de travail plaide la tolérance, la crèche qui l'employait brandit la laïcité.

 

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Femme voilée au téléphone. © Gina Sanders

La crèche de Chanteloup-les-Vignes, dans les Yvelines, revient sur le devant de la scène. Le cas de la jeune femme qui avait en vain contesté son licenciement après avoir refusé d'ôter son jilbeb a été examiné lundi par la cour d'appel de Versailles.

Une licenciement "licite"

Evoquant le "respect du principe de laïcité mais aussi la vulnérabilité des enfants", le parquet a demandé à la cour de confirmer le verdict du conseil des prud'hommes de Mantes-la-Jolie, qui avait débouté l'ancienne employée de toutes ses demandes pour "atteinte aux libertés fondamentales".

"Ce jugement est correctement motivé et adapté à la situation", a déclaré l'avocat général, Jacques Cholet.

Me Michel Henry, défenseur de la salariée, a rétorqué : "Dans ce dossier, emblématique, il ne s'agit pas d'un problème religieux mais d'un problème culturel envers cette première génération d'intégration. Il faut tenir compte du contexte local d'un quartier défavorisé où vit une population avec une mosaïque d'origines (...) Quand Mme A. porte un voile dans ce contexte, elle ne provoque aucune émotion particulière, elle se fond dans le paysage", a-t-il plaidé. "La laïcité n'est pas l'absence d'expression de ses convictions, c'est la tolérance", a-t-il conclu.

Du côté de Baby Loup, on dit "espérer que cette affaire se termine et aille dans le sens des principes qui régissent le règlement intérieur, à savoir la neutralité confessionnelle".

Une structure unique

La crèche, dont la philosophe Elisabeth Badinter est la marraine, a été fondée en 1991 par Natalia Baleato, une sage-femme, réfugiée politique, ayant fui le Chili, puis l'Argentine. Située dans le quartier populaire de la Noé, l'établissement Baby Loup est le seul, en France, à ouvrir vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, permettant ainsi à de jeunes mamans, célibattantes et banlieusardes, de travailler.

Fatima Afif, qui avait quitté l'école en cinquième, y a débuté comme assistante maternelle avec un Contrat emploi solidarité avant de décrocher le diplôme d'éducatrice de jeunes enfants de niveau Bac + 2.

L'exemple type d'un parcours émancipateur...

Jusqu'à ce qu'en décembre 2008, de retour d'un congé parental long de cinq ans, elle fasse part à la directrice de sa volonté de porter un foulard-tunique couvrant intégralement le corps à l'exception de l'ovale du visage.

Refus catégorique de sa hiérarchie. Rapidement, la situation s'envenime et après une "vive altercation", Fatima Atif est remerciée pour faute grave et insubordination. Dénonçant une "sanction abusive", elle avait alors réclamé plus de 120.000 euros de dommages et intérêts.

La décision de la cour d'appel, qui pourrait faire jurisprudence dans tout le secteur privé, sera "dévoilée" le 27 octobre.