Pierrick, 53 ans, médecin en région parisienne

Les yeux plus gros que le ventre

"C'était en 1975. Elève à Nogent-sur-Marne, je venais de passer 8 ans en Algérie avec mes parents, enseignants. Le contraste était saisissant. Je n'avais qu'une idée en tête : voler de mes propres ailes. Cette indépendance que je convoitais, je la touchais du doigt (si je puis-dire) chaque week-end, en travaillant dans un des premiers fast-food, sur les Champs-Elysées. Le mois de juin est arrivé très vite. Je n'avais pas eu le temps de bosser mes cours. Résultat : j'ai rempilé. L'occasion de me concentrer sur ma scolarité, dites-vous ? Pas du tout. J'ai continué à confectionner des hamburgers, et j'ai aussi fait le service dans une guinguette. La leçon ne m'a pas servi. C'est les mains dans les poches que je me suis présenté aux épreuves pour la seconde fois. J'ai eu le Bac au rattrapage. Lorsque j'ai annoncé à ma famille que j'avais décroché le précieux sésame à l'oral, mon père m'a dit : "Tu aurais pu faire mieux". Cette phrase m'a hanté pendant des années... Si mon rêve d'émancipation ne s'est pas réalisé aussi vite que je l'aurais souhaité, j'ai réussi médecine du premier coup. Une revanche, en somme..."