Des femmes, stérilisées de force en Afrique du Sud
Entre 2005 et 2012, près de cinquante femmes auraient été stérilisées de force dans des hôpitaux d'Afrique du Sud. Elles étaient toutes noires, et presque toutes atteintes du Sida. Une rencontre est organisée avec le ministère de la Santé sud-africain, sans grande espérance...
En Afrique du sud, plusieurs dizaines de femmes atteintes du VIH ont subi de force une stérilisation par des professionnels de santé. C'est le résultat d'une enquête lancée en 2015 par deux organisations de défense des droits des femmes et la Commission pour l'égalité des sexes en Afrique du Sud. Elles seraient 48 à avoir subi des stérilisations forcées entre 2002 et 2015. selon les témoignages récoltés par l'organisme sud-africain.
Les femmes sur le point d'accoucher, menacées par le personnel soignant.
La Commission pour l'égalité, aussi connue sous l'acronyme CGR, a dénoncé dans son rapport le "traitement cruel, barbare ou inhumain et dégradant" infligé à ces femmes, toutes noires. au moment de donner naissance. Toutes les procédures se sont déroulées par césarienne, ce qui a facilité les interventions chirurgicales de stérilisation. Toutes ont signalé avoir été "contraintes ou forcées de signer des formulaires de consentement permettant par divers moyens à l'hôpital de les stériliser", alors qu'elles étaient dans des situations de "douleur extrême", autrement dit en plein accouchement. Pour certaines, le personnel médical aurait menacé de ne pas fournir les soins si elles n'acceptaient pas de signer les document.
Dans la plupart des cas recensés, les médecins ont expliqué à ces femmes que l'opération était nécessaire, "parce que vous êtes séropositive, parce que vous avez la tuberculose, parce qu'on pense que vous avez trop d'enfants... et regardez-vous, vous êtes pauvre, on ne peut pas vous laisser continuer", cite en exemple Tamara Mathebula, à la tête de la CGR.
"J'ai le sentiment de ne pas être entière"
Une des victimes, Bongekile Msibi, n'était même pas atteinte du Sida. Elle a appris que son utérus lui avait été enlevé en 2005, à l'hôpital Chris Hani Baragwanath, où elle a accouché à dix-sept ans. Lorsqu'elle a rencontré l'obstétricien concerné, ce dernier lui a affirmé que la stérilisation allait lui sauver la vie, mais Bongekile Msibi n'y a pas cru.
Les personnels de santé "ont profité de la situation, ils se prenaient pour Dieu" a-t-elle déclaré dans un entretien accordé à l'AFP. Elle a ajouté que les autorités "manquent d'empathie (...) Elles se comportent comme si elles venaient d'enlever un ongle et qu'il allait repousser." Pour être sûre que les responsables ne restent pas impunis, la mère de 32 a écrit aux autorités sanitaires et à des responsables politiques : "Je ne veux pas simplement m'asseoir et accepter de ne pas voir d'utérus (...) J'ai ce sentiment de ne pas être entière", a-t-elle conclu.
Après la publication du rapport de la CGE, le ministre de la Santé a accepté de rencontrer les plaignantes, une maigre réponse. Beaucoup de femmes stérilisées de force sont tombées dans la dépression après avoir découvert qu'elles ne pourraient plus tomber enceinte, et certaines ont été abandonnées par leur conjoint. Bongekile Msibi s'est séparée de son compagnon, qui espérait avoir d'autres enfants.