Femmes bannies de certains quartiers : France 2 filme l'impensable

EGALITE – Il existe aujourd'hui des lieux en France où la mixité et la gent féminine sont indésirables. France 2 a enquêté sur ce sujet de société tabou pour son journal de 20 heures. Edifiant.

Femmes bannies de certains quartiers : France 2 filme l'impensable
© loganban - 123RF

La France, pays de liberté, d'égalité et de fraternité... vraiment ? Pas pour les femmes de certains quartiers, à en croire un reportage diffusé dans le Journal de 20h sur France 2 mercredi 7 décembre 2016 sur des lieux publics où les femmes ne sont pas les bienvenues. Durant un peu plus de 5 minutes, les journalistes de la chaîne ont filmé des banlieues de grandes villes où les hommes font la loi. Les rues y sont presque vides de présence féminine et les victimes de cette mise à l'écart témoignent de leur exclusion quotidienne. 

Le sujet donne la parole à Nadia Remadna et Aziza Sayah, à Sevran en Seine-Saint-Denis. Ces deux militantes de La brigade des mères, – une association qui lutte pour l'égalité des sexes, la laïcité et agit contre la montée du radicalisme religieux – pénètrent notamment dans un bistrot du quartier exclusivement peuplé d'hommes. Elles se heurtent immédiatement à un accueil froid et une attitude globale de rejet, ponctué de commentaires comme "dans ce café, il n'y a pas de mixité […] On est à Sevran, on n'est pas à Paris. T'es dans le 93 ici ! C'est des mentalités différentes, c'est comme au bled !" Ambiance...

Même constat en banlieue lyonnaise, où l'on peut entendre une femme témoigner de sa volonté de ne pas se faire remarquer dans un quartier dominé par la gent masculine. Selon elle, "on met des vêtements qui sont sombres, des pantalons, pas de jupes, pas de maquillage (…) on essaie de s'effacer (…) parce qu'on a peur".

Un rejet lié à la culture, à la tradition et à la religion

L'auteure de cette enquête très commentée s'appelle Caroline Sinz et travaille au service société de France 2. Pour le site de France TV infoelle explique que dans ces quartiers, le rejet de la figure féminine "est plus lié à la culture, à la tradition et à la religion". Pourtant, pas question de stigmatiser un culte ou des lieux en particulier : "Mon reportage est filmé dans des banlieues, mais on pourrait aussi parler de certaines campagnes en France." Loin de vouloir attiser la haine ou risquer les amalgames, Caroline Sinz affirme qu'elle a souhaité éviter la caricature et qu'elle n'a pas voulu "pointer du doigt" mais "poser les choses". 

Car le bannissement des femmes dans certains endroits de France est bel et bien une réalité, déjà dénoncée par la secrétaire d'Etat aux Droits des femmes Pascale Boistard en janvier 2016 dans le journal Marianne : "Il y a sur notre territoire des zones où les femmes ne sont pas acceptées, où elles ne sont pas respectées [...] cantonnées à certains espaces (le foyer, la sortie d'école…) et quasiment absentes d'autres, comme les lieux sportifs, ou les lieux de convivialité." Là encore, ce sont les morales religieuses poussées à l'extrême qui sont désignées comme principales coupables. L'occasion pour Pascale Boistard de revenir sur le caractère fondamental de la laïcité

Des marches pour réinvestir l'espace public

La secrétaire d'Etat aux droits des femmes évoque également dans cette interview les plans établis pour que les femmes ne soient plus jugées indésirables dans certains lieux : "Nous avons mis en place, déjà, dans 12 villes, des marches participatives de femmes pour qu'elles se réapproprient l'espace". Le sujet de France 2 illustre d'ailleurs ces démarches en banlieue lyonnaise. 

Le hic ? De nombreuses femmes n'osent pas réagir face à ce phénomène de rejet. Comme l'explique Caroline Sinz, "pour ne pas subir des pressions ou des menaces, elles se taisent ou s'autocensurent". A l'image de Nadia Remadna et Aziza Sayah dans le reportage, qui préfèrent couper court à leur interview après qu'une voiture se soit ostensiblement arrêtée à côté d'elles. Le réinvestissement de l'espace public par la gent féminine est donc une lutte qui mérite de gagner du terrain.