50 prêtres gays brisent le silence et réclament la fin de la "chasse aux sorcières" dans l'Église !

Dans une lettre ouverte, relayée fin novembre par le journal "Domani", cinquante prêtres gays dénoncent la stigmatisation de l'homosexualité dans l'Église. Ils réclament un changement des mentalités mais pas que. Explications.

50 prêtres gays brisent le silence et réclament la fin de la "chasse aux sorcières" dans l'Église !
© GALAZKA/SIPA

C'est une lettre ouverte qui n'est pas passée inaperçue au Vatican : cinquante prêtres homosexuels italiens ont signé ensemble un texte dénonçant l'homophobie au sein de l'Église, où "le silence apparaît comme le seul moyen de survie". Intitulé De tout mon cœur, ce texte a été présenté en septembre dernier à Bologne, lors d'un cours adressé aux agents pastoraux, avant d'être relayé le 30 novembre dernier par le journal Domani. Les prêtres pointent notamment du doigt l'homophobie inculquée lors de leur formation, basée sur des documents officiels et des instructions émises sans support scientifique, et réclament la fin de la "chasse aux sorcières".

Que disent ces prêtres homosexuels ?

"Nous ne pouvons pas parler ouvertement de notre orientation homosexuelle avec notre famille, nos amis (...) encore moins avec d'autres prêtres ou des laïcs engagés. (...) Nous vivons un douloureux déchirement entre la manière dont nous nous découvrons, créés par Dieu, et ce que les autres attendent de nous à la place", témoignent-ils, évoquant une tentation du suicide chez certains d'entre eux.

La santé mentale des religieux italiens en péril ?

Selon le journal Domani, une enquête sur la santé mentale des prêtres doit impérativement être menée en Italie. En France, l'initiative a été prise en 2020 par la Conférence des évêques de France, après le septième suicide d'un prêtre en quatre ans. Sur 2656 réponses envoyées par des prêtres de moins de 75 ans, il ressort que 17,6 % des prêtres disent ressentir des symptômes dépressifs, un chiffre plus de trois fois supérieur aux hommes de la population générale. 40% d'entre eux ne se sentent pas gratifiés, entrent souvent en conflit avec les hiérarchies ou ont une charge de travail qui provoque un syndrome de burn-out. En outre, 2 prêtres sur 5 abusent de l'alcool et 8 % en sont dépendants.

Un changement de mentalité réclamé depuis la base

Pour les curés signataires de la lettre ouverte, le changement de mentalité dans l'Église doit s'opérer dès la formation des religieux, au séminaire. La Ratio nationalis institutionis sacerdotalis, document qui réglemente l'entrée au sacerdoce et qui a été approuvé en 2005 par Benoît XVI, indique en effet encore que les actes homosexuels "ne peuvent en aucun cas être approuvés", et que, de ce fait, l'Église, "tout en respectant profondément les personnes en question, ne peut admettre au séminaire et aux Saints Ordres ceux qui pratiquent l'homosexualité, ont des tendances homosexuelles profondément enracinées ou soutiennent la culture dite gay". Pour entrer dans les ordres, le Vatican estime que si attirance pour le même sexe il y a, celle-ci doit être surmontée "au moins trois ans" avant l'ordination. "Il serait gravement malhonnête pour un candidat de cacher son homosexualité pour être ordonné malgré tout", estiment les auteurs du document. 

Vers un changement de grande ampleur ?

Si en Italie, où la politique d'extrême-droite de la nouvelle Première ministre Giorgia Meloni s'appuie largement sur la religion catholique, l'enjeu de l'acceptation des prêtres homosexuels va au-delà de l'Église, ce combat reste néanmoins planétaire. Et petit à petit, les langues se délient... En janvier dernier, 125 prêtres allemands ont fait leur coming-out pour dénoncer la politique "discriminatoire" de l'Église, dont ils s'estiment victimes. Ni "l'orientation sexuelle ou l'identité de genre", ni "l'engagement dans une relation ou un mariage non hétérosexuel" ne doivent être "un obstacle à l'embauche ou un motif de licenciement", ont-ils estimé sur le site dédié à leurs revendications, #OutInChurch.

En 2019 aux États-Unis, une vingtaine de prêtres homosexuels, s'estimant eux aussi stigmatisés, s'étaient confiés au New York Times. L'un d'entre eux rapportait ainsi que lors de sa formation en 1982, les prêtres avaient demandé aux garçons de classer les trois options suivantes par ordre de préférence : être brûlé à 90 %, paraplégique ou gay. Tous avaient choisi les deux premières options. En découvrant son homosexualité quelques années plus tard, il avait failli se suicider. Deux ans plus tôt, le père Gregory Greiten, prêtre de l'État du Wisconsin, a dévoilé son homosexualité dans une tribune et devant ses paroissiens. Il était soutenu par son archevêque.