Toussaint et Mort numérique : que faire de nos défunts sur Facebook et les réseaux sociaux ?

"C'est l'anniversaire de Marie. Souhaitez-lui son anniversaire". Voilà en substance le message reçu par la centaine d'amis Facebook de cette jeune femme, décédée il y a déjà un an. Une piqûre de rappel douloureuse, dont les proches de la défunte se seraient bien passé en ce jour si particulier. A la Toussaint, une question revient : comment gérer l'identité numérique de ceux qui nous ont quittés ?

Toussaint et Mort numérique : que faire de nos défunts sur Facebook et les réseaux sociaux ?
© Benoit Daoust

Trois utilisateurs Facebook meurent toutes les trois minutes dans le monde. Un rythme macabre qui provoque l'amoncellement de comptes de personnes décédées sur internet. Pire : selon une étude de l'Oxford Internet Institute, il y aura plus de profils de morts que de vivants sur Facebook d'ici à 2070. Un problème épineux – souvent dérangeant – auquel de nombreuses voix tentent de répondre.
Espace de commémoration, suppression des comptes sociaux… Mais que devient notre identité numérique après notre décès ? Comment gérer les pages de ceux qui nous ont quittés ? Voilà des questions que l'on se pose à l'heure de se rendre dans les cimetières (et alors que le coronavirus fait des ravages).

La mort numérique, un concept nouveau

A commencer par celle de la loi. En France, le concept de mort numérique s'est frayé un chemin dans le droit français à partir de 2016. Depuis cette date, il appartient à tout un chacun de déterminer, de son vivant, le devenir de son identité numérique post-mortem.

Concrètement, l'article 85 de la loi pour une République numérique indique désormais que "toute personne peut définir des directives relatives à la conservation, à l'effacement et à la communication de ses données à caractère personnel après son décès". A charge ensuite à un "tiers de confiance" désigné ou à ses héritiers de faire appliquer ses directives. Le problème ? Certains s'éteignent avant même d'avoir songé à en laisser. Dans ce cas de figure, c'est à ses héritiers qu'incombe la lourde tâche de la gestion de son identité numérique.

Côté plateformes, elles n'ont pas attendu que les lois françaises se mettent à jour pour donner de la voix sur le sujet. Depuis 2015, Facebook propose à ses utilisateurs de désigner à l'avance leur contact légataire.

Si seuls les parents directs du défunt peuvent demander la suppression de son compte, le contact légataire peut le transformer en "compte de commémoration". Au programme, un espace numérique dédié à la mémoire de l'être aimé où les notifications intempestives, comme les rappels d'anniversaires ou de souvenirs, n'ont pas leur place.

Et sa petite sœur, Instagram, vient de lui emboîter le pas ! Une fonctionnalité commémorative dont le développement a été accéléré en raison de la pandémie mondiale de Covid-19. Seule différence avec Facebook ? Personne n'a la main sur le compte commémoratif.

De leur côté Google, YouTube, Twitter, LinkedIn et Snapchat proposent des fonctionnalités similaires – quoique parfois moins complètes. Espaces commémoratifs inexistants pour les deux premiers, contacts légataires absents pour les trois derniers… Tous cependant permettent à la famille du défunt d'exiger la suppression d'un profil. À noter que les utilisateurs de Google peuvent demander à ce que leur compte soit supprimé automatiquement après une période d'inactivité définie à l'avance.

De nouveaux services dédiés

Toujours est-il que dans ces cas de figure, c'est souvent aux proches de gérer. Après l'enterrement physique, c'est donc à l'enterrement numérique qu'il faut penser. Une étape souvent difficile à surmonter.

Fort de cette constatation, de nouveaux services s'organisent pour conquérir le marché balbutiant du "deuil numérique". Parmi eux, on peut citer la société iProtego qui a récemment développé son offre dédiée.

Leur idée ? Permettre à la famille du disparu de contrôler l'identité internet et les données personnelles du défunt en effectuant à leur place toutes les démarches. "Ainsi iProtego préserve les familles de démarches complexes en assurant la clôture des comptes sociaux et des boîtes mails tout en protégeant le nom du défunt et éviter des sollicitations numériques", détaille l'entreprise.

Et si le disparu a pris le soin de les contacter avant sa mort, l'entreprise est également capable de faire appliquer ses dernières volontés 2.0 !

Un business en plein essor dans lequel s'est également engouffré la start-up AdVitam. Depuis quelque temps, cette société de pompes funèbres s'occupe de gérer à la place des familles les espaces de commémoration numériques des proches décédés.

Immortalité numérique

Si certains tentent de faire passer les défunts à la postérité numérique, d'autres ambitionnent pourtant de se servir de leurs données afin de leur offrir un second souffle virtuel. C'est le cas de Replika, une application mobile lancée en 2016 capable de créer votre double numérique. Son objectif ? Garantir votre immortalité digitale en vous posant, de votre vivant, un panel de questions sur votre vie, votre travail ou encore vos passions afin de permettre à vos proches de converser avec votre vous virtuel après votre départ.

Le site Eterni.me, actuellement en phase de tests, propose quant à lui le même type de services mais se base dans un premier temps sur les données que vous aurez diffusées sur le web tout au long de votre vie.

Outre les questions éthiques que cela pose, cela nous rappelle qu'entre identité numérique et éternité numérique il n'y a qu'un pas qu'on a à présent le choix de faire ou pas.