Qui est Samantha A., la fausse médecin sans diplôme qui a trompé son monde ?

Pendant des mois, cette femme de 36 ans a dupé son mari, sa fille, ses proches, mais aussi, au péril de leur vie, ses patients du Centre de santé de Montceau-les-Mines, en Saône-et-Loire… Une escroquerie dangereuse pour laquelle cette fausse médecin mise en examen se retrouve en prison. Mais qui est donc cette mère de famille ? Qu'est-ce qui l'a poussée à se lancer dans cette supercherie ?

Qui est Samantha A., la fausse médecin sans diplôme qui a trompé son monde ?
© dolgachov / 123RF

Elle a reçu des patients, leur a prescrit des médicaments, a émis des diagnostics, et pourtant… Elle n'était pas médecin. Samantha A., âgée de 36 ans, a fait croire aux habitants de Montceau-les-Mines, en Saône-et-Loire, qu'elle exerçait en tant que médecin généraliste dans le centre de santé Filieris. Désormais, elle est mise en examen pour "faux et usage de faux en écriture publique", "exercice illégal de la médecine", "blessures involontaires et mise en danger de la vie d'autrui". Elle  a été incarcérée au au quartier des femmes de la Maison d'Arrêt de Dijon et encourt une peine de cinq ans de prison.
La trentenaire, mère d'une fille de 12 ans selon Le Parisien, a été interrogée par le directeur général de Filieris et a admis n'avoir aucun diplôme de médecine. Elle aurait de nouveau avoué lors de sa garde à vue, selon France 3.

Un parcours brillant… et fabriqué de toute pièce

Pendant 4 mois, les habitants de cette ville de Bourgogne-Franche-Comté n'y ont vu que du feu. Après avoir répondu à une petite annonce pour remplacer un médecin généraliste, elle s'est installée au centre de santé Filieris à Montceau-les-Mines. Étant familière avec le jargon médical grâce à une (véritable) formation d'aide-soignante, elle n'a soulevé aucun soupçon. 

Elle a présenté un faux diplôme grâce au site fauxdiplome.org (payé 250 euros), et a donc pu s'inscrire à l'ordre des médecins. "Elle avait produit de magnifiques diplômes de la Sorbonne", a expliqué le président du Conseil départemental de l'Ordre des médecins à l'AFP. Elle a même assuré avoir effectué des périodes d'internat dans les hôpitaux de Bondy et de Bobigny, à Avicenne.

Elle n'en était pas à son premier coup…

C'est le centre de santé de Montceau-les-Mines qui a découvert la supercherie en réalisant que la jeune femme avait été repérée par l'Agence nationale de santé publique en 2019. À l'époque, elle avait tenté de se faire passer pour une infirmière en se faisant inscrire à l'ordre des infirmiers, qui avait, lui, découvert l'escroquerie à temps.

Le 17 septembre, elle a d'ailleurs été jugée pour cet "exercice illégal du métier d'infirmière libérale" et a écopé de quatre mois de prison avec sursis. 

Une fausse médecin et des problèmes de santé mentale ?

Son avocat, Me Alain Guignard, a déclaré à Franceinfo que la jeune femme souffrait de problèmes de santé mentale qui altéraient son jugement. "Elle entend des voix l'exhortant à exercer cette profession pour venir en aide aux gens (...) Elle a des problèmes psychiatriques depuis de nombreuses années. Elle est schizophrène", explique-t-il au Parisien. Elle aurait fait plusieurs séjours à l'hôpital psychiatrique de Sevrey, selon Le Journal de Saône-et-Loire

Elle aurait même dupé sa propre famille : "Tout le monde, dans son entourage, croyait qu'elle avait décroché ce diplôme de médecine. Ni son père, ni sa sœur, ni même son propre mari ne savaient qu'elle n'était en réalité jamais allée à la fac".

Son époux est encore choqué face aux faits qui sont reprochés à Samantha A. 

Son avocat insiste : les intentions de cette fausse médecin n'étaient pas malveillantes. "C'est une femme très gentille qui a voulu aider, surtout pendant cette période de Covid, et qui se sentait investie par cette mission médicale qui lui a toujours plu", a-t-il confié au Journal de Saône-et-Loire

Un patient de la fausse médecin, dans le coma et "au fond du gouffre"

Malheureusement, Jean-Marc Gauthier, l'un des patients de Samantha A. a été placé en coma artificiel, pour un œdème aigu du poumon, à cause d'un mauvais diagnostic. Il est désormais entre la vie et la mort. L'homme âgé de 67 ans, avait consulté pour un gonflement anormal de ses chevilles et mollets. La fausse médecin avait donc décidé de lui supprimer son médicament contre l'hypertension… ce qui a aggravé la situation. 

L'épouse du sexagénaire, Régine Gauthier, est furieuse contre la jeune femme et s'est indignée auprès de France 3 : "Je ne lui pardonnerai jamais ! Je ne souhaite qu'une chose. S'il y a un procès, je voudrais me trouver en face d'elle. Je voudrais lui dire ce que j'ai à lui dire pour me soulager un peu. En espérant que mon mari se tire de ce mauvais pas, parce qu'il est vraiment au fond du gouffre".

Une patiente a évité le pire

Sandrine Gauthier, sa fille, avait également consulté chez Samantha A. Elle a frôlé la mort après avoir été mal diagnostiquée par l'usurpatrice.

Elle s'est indignée auprès du Parisien : "Elle ne m'a pas auscultée. Elle a simplement pris ma tension et posé son stéthoscope par-dessus mes vêtements. Elle m'a dit que je faisais une crise d'angoisse et m'a prescrit un antidépresseur. Alors qu'en réalité, je faisais un infarctus". Et de préciser : "Je m'en sors bien. Ce qui n'est pas le cas de mon papa".


Après sa mise en examen, les familles de deux des anciens patients de Samantha A., dont celle de Jean-Marc Gauthier, ont porté plainte contre l'ordre des médecins de Saône-et-Loire. Ils soupçonnent une "négligence" de leur part.

Comment la supercherie a-t-elle pu fonctionner ? 

Mais comment cette fausse médecin a-t-elle pu passer entre les mailles du filet ? Gérard Montagnon, président de l'ordre des médecins de Saône-et-Loire, avait expliqué lors d'une conférence de presse : "Elle a téléphoné au mois d'avril pour demander son inscription. Comme on était alors en pleine période de confinement, toutes les formalités ont été effectuées par mail et par téléphone, car on n'avait pas le droit de recevoir les postulants". 

Et de préciser : "À la vue de son dossier, rien n'a attiré notre attention. Quand je l'ai eue au téléphone, elle m'a dit qu'elle n'avait pas travaillé depuis trois ans, car elle avait élevé sa fille. Elle a indiqué qu'elle avait signé un contrat avec le centre de santé Filieris. On ne les interroge pas sur leurs connaissances médicales, car cela est fait par l'université et a été validé par un diplôme".

Toutefois, pour Me Claude-Antoine Vermorel, avocat des familles qui portent plainte, les justifications de l'ordre des médecins ne sont pas convaincantes : "Il suffit de consulter sur BU Santé Paris Descartes les listes des thèses de médecine en France. En un simple clic on peut voir si une personne a fait sa thèse, condition sine qua non pour exercer la médecine".

L'information judiciaire, d'ores et déjà ouverte, doit faire la lumière sur le nombre de victimes éventuelles et des dommages effectués par cette fausse médecin.