Frotteurs du métro : une appli pour les montrer du doigt

Signal d'alerte. Les Japonais ont mis au point une application mobile permettant aux femmes d'éloigner les "tchikan", prédateurs sexuels, dans les transports. Appelée "Digi Police", elle a été téléchargée plus de 200 000 fois.

Frotteurs du métro : une appli pour les montrer du doigt
© Fabio Formaggio

Pour éviter les agressions et attouchements dans les transports publics, les Japonaises qui, comme nous ne sont pas à l'abri de ce fléau, peuvent désormais compter sur la voix de Digi Police, une application lancée par les autorités et originellement conçue pour faire fuir les voleurs dans les foyers de personnes âgées et vulnérables. L'idée est simple mais il fallait y penser ! Pour éloigner un agresseur, l'utilisatrice n'a qu'à déclencher l'application qui va dire "stop" de manière à dissuader l'homme et attirer l'attention générale vers lui. Le message d'alerte suivant "Il y a un agresseur. Aidez-moi" apparaît également sur l'écran, pour prévenir les usagers à côté de la victime, sans qu'elles aient à parler. En effet, il est mal vu de communiquer dans le métro japonais... 

Une application téléchargée 237 000 fois 

Doit-on se réjouir ou s'émouvoir du nombre explosif de téléchargement de cette application ? "Un chiffre inhabituellement élevé" selon Keiko Toyamine, responsable du département de police qui ajoute que "le nombre de téléchargement augmente d'environ 10 000 par mois". Au Japon, les agresseurs risquent jusqu'à 500 000 yens d'amende (4 000 euros) et six mois de prison. Si menace ou violence il y a, la peine peut grimper jusqu'à 10 ans de prison.
Pourtant, les frotteurs sont nombreux sur les lignes des grandes villes nippones, à tel point que certaines compagnies ferroviaires ont décidé de privatiser des wagons pour les femmes durant les heures de pointe dotés de caméras de surveillances. Mais au Pays du Soleil Levant, la technologie évolue plus vite que les mentalités. 

Des agressions publiques incomprises par la société 

Si en France nous avons la chance de pouvoir nous exprimer librement sur les frotteurs du métro, au Japon, pays de la retenue poussée à l'extrême, se plaindre ou même aborder un sujet aussi tabou que le sexe ou toute chose s'y rapportant (même la contraception est taboue !) est complexe. "On a honteUne jeune fille qui s'exprime publiquement sur une affaire de ce genre est humiliée et salie aux yeux de la société japonaise : on dit qu'elle est perdue, qu'elle ne trouvera jamais de mari" , explique Kumi Sasaki, victime de tchikan (frotteurs en japonais) alors qu'elle n'est que collégienne et auteure, avec Emmanuel Arnaud, de Tchikan, un livre choc où elle témoigne (Ed. Thierry Marchaisse). En espérant que cette application réussisse là où les hommes échouent. 

A quoi ressemble un tchikan

S'il est difficile de connaître, en France, le profil-type de l'agresseur notoire qui sévit dans les wagons, au Japon, on sait à quoi il ressemble à peu près."Le profil du tchikan est le cadre, marié avec des enfants, instruit et ayant fait des études universitaires. Il est souvent le père idéal, le mari attentionné, le parfait employé. Dans le train, il se transforme", explique aux Inrockuptibles le docteur Akiyoshi Saito, qui vient en aide à ces hommes dans sa clinique tokyoïte et auteur de Les raisons pour lesquelles les hommes deviennent des tchikan. En 2017, on recensait près de 900 agressions et cas d'harcèlement dans les transports dans la capitale japonaise.