Kristen Stewart : "Il n'y a aucune égalité des chances aux Etats-Unis"

Ce week-end, Kristen Stewart enchante le Festival du Cinéma Américain de Deauville où elle reçoit un Talent Award et présente le biopic "Seberg" de Benedict Andrews. Elle y incarne la comédienne Jean Seberg, laquelle marqua l'Histoire par son combat farouche aux côtés des Black Panthers.

Kristen Stewart : "Il n'y a aucune égalité des chances aux Etats-Unis"
© Jacques BENAROCH/SIPA

Une demi-heure après l'inauguration d'une cabine à son nom, sur les mythiques planches deauvillaises, on retrouve Kristen Stewart plus détendue, à son hôtel, loin des cris des fans et des sessions d'autographes. La poignée de main est franche et déterminée, le sourire poli et le débit de parole extrêmement soutenu. Quand elle pose ses yeux envoûtants sur vous, le sentiment d'être transpercé vous saisit soudain. Il y a dans son regard un mélange de force tranquille et de fragilité. Kristen Stewart a beau avoir fait le tour du monde avec la saga Twilight, qui lui a octroyé un statut de superstar, elle reste, à 29 ans toujours à fleur de peau. Toujours passionnée. Toujours intense. Presque timide, aussi.  

Kristen Stewart dans "Seberg". © Memento Films International

"Je m'identifie à Jean Seberg comme actrice et personne", lâche-t-elle sans l'ombre d'une hésitation. Dans Seberg de Benedict Andrews, elle incarne avec passion et émotion celle que le monde du cinéma connaît pour ses prestations dans Sainte-Jeanne d'Otto Preminger ou A Bout de Souffle de Jean-Luc Godard.

"Si vous demandez aux gens ce qu'ils savent d'elle, ils parleront du film de Godard. Mais ils ignoreront que le FBI a récupéré illégalement des informations la concernant pour saboter sa carrière et sa vie personnelle. Et qu'elle s'est tuée à 40 ans car elle ne pouvait pas vivre sa vérité dans son pays. C'est fou d'apprendre cette histoire que maintenant", regrette-t-elle.

Retour en arrière. Née le 13 novembre 1938 à Marshalltown dans l'Iowa, Jean Seberg, qui fut notamment l'épouse de Romain Gary, se distingua en s'associant à la lutte des Black Panthers pour combattre le racisme endémique aux Etats-Unis. C'est sur cette partie spécifique de sa vie qu'est centré ce biopic et sur la surveillance par le FBI dont elle fut victime.

Kristen Stewart, vers des rôles toujours plus nourrissants

"Elle a toujours soutenu les outsiders et était extrêmement attachée à l'idée de justice et d'égalité", témoigne Stewart. "Ce film évoque son engagement pour un groupe de personnes opprimées. Elle n'a jamais essayé d'en tirer profit ou de revendiquer son activisme. Ce n'était pas du show-of mais ça participait d'une volonté sincère. Et ils ont gagné face à elle : c'est le plus triste dans l'histoire. Je voulais retranscrire sa vision et ses convictions comme elle le méritait. J'aurais adoré la connaître. Elle avait l'air d'être quelqu'un de bien." Au milieu du film, Jean Seberg fait remarquer à un personnage que les Etats-Unis vont mal, que la nation fait croire à son peuple qu'il y a une égalité des chances.

Un constat auquel la comédienne, toujours encline à dénoncer les travers de Trump -on se souvient de son "Fuck" balancé à la télévision-, souscrit également en 2019. "La notion selon laquelle 'Si on veut, on peut' aux Etats-Unis est superbe mais elle est fausse. Il faut être très idéaliste pour penser que c'est vrai. Il n'y a aucune égalité des chances. Les gens vont vous dire 'Evidemment que je ne suis pas raciste. Je ne déteste pas les Noirs.' Mais de là à ce qu'ils reconnaissent qu'il y a des problèmes structurels à revoir en profondeur, c'est autre chose.

Kristen Stewart dans "Seberg". © Memento Films International

Déterminée, sans langue de bois, talentueuse : Kristen Stewart détonne autant qu'elle fascine. Symbole générationnel, icône de mode : les fans l'aiment follement.

Sa recette ? Une sincérité chevillée au corps. "Je ne veux pas de fake dans mon jeu. Si quelque chose ne marche pas, il ne faut pas forcer. Dorénavant, et l'âge aidant, je ne veux m'associer qu'à des expériences nourrissantes en bossant avec des gens avec lesquels je suis connectée". Parmi eux, elle ne peut que louer les bienfaits d'Olivier Assayas, celui qui l'a définitivement propulsée vers un cinéma au sein duquel elle semble s'épanouir. En attestent ses prestations magnifiques dans Sils Maria (pour lequel elle fut césarisée) et Personal Shopper. "Il est tellement intelligent", lance-t-elle. "Il n'y a pas de barrière de langage entre nous. Si on surligne les choses, ça devient trop conscient. Olivier déteste le surlignage. J'ai toujours sentie que j'étais comprise et accompagnée en travaillant avec lui et ce, dans une forme de communication qui, souvent, ne requiert aucun mot.

On sent d'ailleurs un attachement entre Kristen et la France. Elle aurait d'ailleurs pu tourner avec Leos Carax, qui a récemment fait appel à elle et dont elle adore Les Amants du Pont Neuf. Seul hic ? "Je chante extrêmement mal. J'ai du décliner et ça a été une décision trop difficile !". Le son de la voix grimpe avec l'aveu, ses mains recouvrent son visage. Et d'ajouter : "Ce que j'aime en France, c'est qu'il est normal d'adouber le cinéma, de le prendre sérieusement. Ce qui peut paraitre prétentieux ou limite ésotérique aux US. Ici, les conversations nous permettent d'être fous de cinéma comme on voudrait l'être."

Qu'elle soit rassurée : la France sera toujours au rendez-vous avec elle pour papoter sur le septième art. Car oui, la France aime Kristen. Deauville aussi. "C'est drôle d'être célébrée ici. C'est précieux de saluer l'effort de quelqu'un." Notre petit doigt nous dit que le monde, dans son entièreté, n'a pas fini de l'applaudir.