Noémie Lvovsky : "Le contact humain, l'échange… me manquent énormément !"

"Si Tu Vois Ma Mère", sur Arte le 10 avril à 20h55, est une comédie subtile, réjouissante et décalée... sur le deuil. Touchante et envahissante, Noémie Lvovsky est Monique, une défunte loufoque qui se refuse à disparaître de la vie de son fils... Rencontre en confinement.

Noémie Lvovsky : "Le contact humain, l'échange… me manquent énormément !"
© Noémie Lvovsky par Ivan Mathie / ARTE

Monique décède brutalement, frappée par une crise cardiaque, alors qu'elle s'apprêtait à refaire sa vie au Japon. Peu de temps après, son rejeton chéri, Max, ophtalmologue, la voit apparaître drapée dans un kimono. Affolé mais heureux, il décide de profiter au maximum de cette mère fantasmée, quitte à s'isoler de ses proches... Conversation confinée, mais passionnante avec celle qui met sa poésie et son talent au service de cette surprenante mère juive, Noémie Lvovsky.

Comme avez-vous abordé le personnage de Monique ?
Monique n'est pas une personne. Je n'incarne pas, je suis une projection de l'esprit de Max. J'ai travaillé ce rôle en imaginant ce qu'il pouvait y avoir dans la tête de son fils: à la fois des névroses, des fantasmes, des rêves et des cauchemars.

"Humour, émotion et psychanalyse": ces trois notions ont-elles déterminé votre présence dans cette fiction ?
Le fantôme comique et encombrant d'une mère décédée est un point de départ très drôle et émouvant. Il y a de la tristesse, puisqu'il y a de la perte, mais ce sont la joie, l'énergie, l'excès voire le burlesque qui l'emportent. De plus, la psychanalyse m'est très familière. Elle m'intéresse depuis longtemps et fait partie de ma vie. 

Quel rapport entretenez-vous avec votre image lorsque vous jouez ?
J'adore jouer la comédie. Revêtir un costume, être à la fois moi et quelqu'un d'autre, avoir un texte à prononcer. Mais ce que j'aime par dessus tout, c'est entrer dans la tête et dans le monde d'un metteur en scène et les interpréter avec ce que je suis.

© Noémie Lvovsky par Ivan Mathie / ARTE

Dans Si Tu Vois Ma Mère, Monique représente la mère nourricière. Considérez-vous que l'alimentation est fondatrice de la relation mère-enfant ?
Ce qui a été fondateur avec mon fils, c'est la parole. Très vite est venu le toucher, puis la nourriture et tout ce qu'il peut y avoir de sensuel, sensoriel, charnel…

La relation mère-fils est-elle forcément toxique ?
Je dirais plutôt que c'est une relation obligée, naturelle, qu'elle soit merveilleuse ou atroce. Rien n'est plus étrange, en y songeant, que de venir du corps d'une femme ou d'accoucher d'un petit être. A la naissance de mon fils, j'ai été très anxieuse du pouvoir que j'avais sur lui. Pour accepter ce vertige d'emprise sur l'autre, vivre sereinement la maternité, j'ai dû transformer ce pouvoir en responsabilité envers lui.

Cette filiation est-elle le socle des névroses ?
Elle peut l'être, mais il y a également l'école, les rencontres, tout ce que l'on peut voir ou faire, tout ce à quoi on peut participer pendant l'enfance. Pour ma part, j'ai des souvenirs très forts de moi petite dans une épicerie…

Se chercher, se trouver… : la question de l'identité est abordée. Est-elle résolue pour vous ?
Je ne me pose jamais la question: "Qui suis-je ?". Je n'ai pas envie de le savoir ni même de l'imaginer. J'ai toujours voulu être actrice ET réalisatrice. A la télé, au cinéma, devant ou derrière la caméra, on plonge dans des situations, on change d'espace-temps, on tisse des liens que l'on ne nouerait pas en restant soi dans la vraie vie. Nous ne sommes pas des êtres finis. Je ne crois pas en un devenir, un destin, un chemin de vie. Je me construis au fil des réalisations et de mes expériences d'actrice. 

Qu'est-ce qui a le plus changé chez vous depuis vos débuts ?
J'ai toujours le même enthousiasme. Chaque jour, une conscience renouvelée de la chance de pouvoir faire des films. Je suis émerveillée, je m'amuse beaucoup. Ce n'est pas pour rien que cela s'appelle jouer. Dans ce métier, on doit sans cesse faire ses preuves. C'est à la fois angoissant et stimulant. Impossible de s'installer, de se reposer. Tout peut s'arrêter demain…

Justement, en pleine période de confinement, quel rapport entretenez-vous avec l'ennui, l'inactivité, l'enfermement ?
Je lis beaucoup, je regarde des films. Je supporte de "ne rien faire". Je peux passer des journées entières sans travailler. J'envisage beaucoup mieux la solitude qu'il y a 20 ans, je me sens très bien seule. En revanche, ce qui n'est pas agréable, c'est l'inquiétude pour mes amis, mes proches, ma famille. Je ne suis pas sur les réseaux sociaux car je suis inapte à la technologie. Je dois avouer que le contact humain, l'échange… me manquent énormément !

Si Tu Vois Ma Mère, de Nathanaël Guedj, avec Félix Moati, Sara Giraudeau et Noémie Lvovsky, vendredi 10 avril à 20h55 sur Arte et jusqu'au 9 mai sur arte.tv