Benoît Magimel : "Je fais avec moi-même, c'est déjà compliqué"

Dans "La Fille de Brest", en DVD le 29 mars, Benoît Magimel incarne un chercheur qui aide Irène Frachon dans sa croisade contre le Mediator. Après "La Tête Haute", le comédien retrouve la réalisatrice Emmanuelle Bercot... pour le meilleur, exclusivement.

Benoît Magimel : "Je fais avec moi-même, c'est déjà compliqué"
© Briquet-Hahn/ABACA

La première collaboration entre Emmanuelle Bercot et Benoît Magimel s'était révélée des plus fructueuses. Pour son rôle d'éducateur dans La Tête Haute, le comédien a reçu le César du Meilleur acteur dans un second rôle au mois de février. Ses retrouvailles avec la réalisatrice pourraient lui valoir, si ce n'est un nouveau trophée, au moins une nouvelle nomination. Dans La Fille de Brest, en DVD le 29 mars, il incarne le professeur Le Bihan, soutien de la première heure d'Irène Frachon dans son combat contre le Mediator et le laboratoire Servier. Un rôle fort pour un film important. Rencontre.    

Le Journal des Femmes : Vous souvenez-vous de ce que vous avez ressenti quand le scandale du Mediator a éclaté ?
Benoît Magimel :
C'est très flou, très vague. Tout le monde avait l'impression d'une tragédie, que les labos pharmaceutiques et les puissants de ce monde s'en étaient sortis et avaient un mépris pour la nature humaine, mais sans plus de détails. Je ne savais même pas quel type de maladie ça pouvait provoquer.

Qu'est-ce qui vous a plu dans le scénario du film ?
J'avais surtout le désir de retravailler avec Emmanuelle Bercot. Le personnage m'intéressait par sa bonhomie, sa douceur, sa bonté. Il y a un côté film de genre dans ce qu'elle fait. Je savais que ça allait être un film au sens large du terme; un film nécessaire, important, pour éveiller les consciences. Elle fait un cinéma authentique, réaliste, extrêmement bien documenté. C'est important d'en faire un objet de divertissement parce que les gens ne se déplacent pas pour ce genre de thème si c'est pour aller voir un documentaire. Ils préfèrent rester chez eux.

Emmanuelle Bercot vous a-t-elle dirigé de la même manière sur ce film et sur La Tête Haute ?
Oui. Elle vit vraiment chacun de ses personnages de l'intérieur. Elle les habite, elle les joue, elle en prend possession. Elle les connaît intimement. En tant qu'acteur, on ne sait pas tout le temps dans quelle direction aller, mais un metteur en scène le sait toujours.

Avez-vous des points communs avec votre personnage ?   
Emmanuelle Bercot connait bien ses acteurs et elle sait toujours trouver des résonances personnelles. On peut tous se retrouver dans cet homme. Ce n'est pas un héros, ce n'est pas un courageux et en même temps ce n'est pas un lâche. C'est un type bien, un type simple, qui sacrifie beaucoup. C'est le personnage qui subit le plus, mais il n'en garde aucune amertume. C'est en ça qu'il est attachant et surprenant. J'ai aimé sa bonté d'âme, ce côté bon gars qui est révélé par Irène Frachon. Elle le réveille de sa vie un peu simple et monotone.

Dans le film, votre personnage est pris en étau entre ses convictions et la pression des labos. Vous êtes-vous déjà senti personnellement dans cette situation ?  
Non. Lui, c'est vraiment quelqu'un qui risque de tout perdre. Ces gens, leur sacrifice, m'impressionnent beaucoup. C'est un don de soi. Je ne suis pas un porte-drapeau. Je fais avec moi-même, c'est déjà compliqué. Il faut aider à sa hauteur.

Comment avez-vous préparé le rôle ? Etiez-vous déjà familier de l'univers médical ?
Pas du tout. On avait une très bonne partition, c'est très bien écrit et on était bien dirigé. C'est souvent suffisant. Mon personnage est un chercheur. Le plus difficile était de s'approprier le langage médical et les termes techniques, très singuliers et propres à un univers. 

© Haut et Court - Jean Claude Lother

Avez-vous lu le livre d'Irène Frachon pour préparer le rôle ou depuis le tournage ?
Non, parce que j'avais envie de me concentrer sur le film. C'est comme ça que je fonctionne. J'ai d'abord cette partition là et je ne veux pas en sortir. C'est le regard d'un metteur en scène qui va me donner tous ces éléments. Tout ce qu'Emmanuelle Bercot a voulu injecter dans l'histoire et dans ce personnage sont dans le scénario.

Pourriez-vous, comme Irène Frachon, mener un combat face à une industrie ?
 Je ne pense pas que j'aurais ce courage-là. Je n'ai pas rencontré quelqu'un qui pourrait me convaincre de mener un combat personnel. Peut-être que ça viendra. C'est le genre de chose qui vous tombe dessus. C'est comme vivre une guerre. Si l'injustice vous paraît trop grande et vous empêche de vivre, si cette vérité devient nécessaire et absolue, si ça vous coûte de passer à côté, vous y aller forcément. Aujourd'hui, tout le monde gueule. De là à prendre le micro pour donner son avis, je ne crois pas que je serai capable de le faire...

Faites-vous toujours confiance à l'industrie pharmaceutique aujourd'hui ?          
Je ne lui ai jamais fait confiance. Ces lobbys, ces puissants... tout ça est un énorme business, il ne faut pas l'oublier. C'est une histoire d'argent. Le débat sur la santé est bourré de contradictions. Depuis des décennies, on retire et on remet sur le marché des médicaments contestés. Ils sont autorisés pendant des années et tout d'un coup, retirés. Quand on est père comme moi, on s'aperçoit que chaque année, on vous enlève un médicament. Un coup le sirop n'est plus bon, finalement il est bon. On ne sait pas du tout ce qu'on met dans ces médicaments. Il faut arrêter de croire tout ce qu'on nous raconte et trouver une alternative à l'allopathie. Heureusement aujourd'hui, il y a d'autres médecines proposées. Ce film est important pour rappeler au public une histoire vraie à travers un film de cinéma. 

Dans quoi vous épanouissez-vous le plus en tant que comédien : des personnages fictifs ou des personnages réels ? 
Ce qui me plaît, c'est de collaborer avec des metteurs en scène de talent avec qui je peux explorer de nouvelles possibilités. Ce qu'Emmanuelle Bercot m'offre avec un personnage comme ça, je ne l'avais jamais fait. Très peu de gens m'auraient confié ce type de personnage. On essaie d'éviter les cases, mais on ne cesse de vous y enfermer. Un acteur n'est qu'un interprète. Le parcours de vie des acteurs est toujours mis au service des personnages qu'ils jouent. Il faut être dans la vie, être connecté avec le reste du monde. C'est la qualité du réalisateur et de son histoire qui feront la qualité de notre interprétation et de notre travail. Tout seul, on ne peut pas faire grand-chose. 

Y-a-t-il un rôle qui vous rêveriez d'incarner ?
Je ne sais jamais répondre à ce genre de question parce que je ne réfléchis pas comme ça, y compris pour les metteurs en scène. Les choses sont écrites. Ce que je dois faire, je le fais. Si ce n'est pas le cas, c'est que ce n'était pas pour moi. Je laisse la vie décider. Parfois, il y a du hasard. Parfois, non. Parfois, il y a des rôles qui doivent rencontrer votre chemin. Certaines choses se font avec l'instinct, d'autres avec la réflexion. Plus les années passent et moins je crois au hasard. Je crois beaucoup aux sensibilités.

Découvrez ci-dessous la bande-annonce de La Fille de Brest, en DVD le 29 mars : 

"Bande Annonce - La fille de Brest"