Née par GPA, Valentina, 19 ans, se bat pour sa famille

Valentina ne se sent pas l'âme d'une pasionaria. Si elle a décidé de s'exprimer, c'est pour dénoncer les idées reçues autour de la GPA et affirmer que ses parents ne sont pas les femmes qui ont permis sa naissance mais Sylvie et Dominique... tout simplement !

Née par GPA, Valentina, 19 ans, se bat pour sa famille
© Michalon

Valentina est une jeune femme de 18 ans presque comme les autres. Après avoir brillamment obtenu son baccalauréat comme sa sœur jumelle Fiorella, Valentina a intégré une école londonienne soutenue par ses parents qu'elle chérit plus que tout. Sauf qu'au regard de la loi française, Sylvie et Dominique Mennesson ne sont pas ses parents car comme sa sœur Fiorella Valentina est née aux Etats-Unis par GPA en 2000.
Depuis 19 ans, cette famille unie se bat pour être reconnue comme telle par la justice de son pays.
"J'ai un passeport français depuis deux ans mais même pour cela il a fallu faire intervenir une avocate. C'est au niveau de la filiation que cela coince. Malgré une condamnation par la CEDH (Cour Européenne des Droits de l'Homme) il y a quelques années, nous n'avons toujours pas de parents reconnus dans les registres français ! Il y a une procédure en cours et la CEDH vient de rappeler à la France qu'elle doit reconnaître la filiation envers les deux parents. C'est la quinzième procédure, et j'espère que cela va aboutir maintenant car c'est injuste et usant pour nous de ne pas reconnaître notre famille ! ", souligne Valentina qui a décidé de s'exprimer dans Moi Valentina, née par GPA (Ed. Michalon).

Conditions drastiques pour porter l'enfant d'une autre

"Ce n'est pas la première fois que je prends la parole, je me suis toujours exprimée concernant la Gestation Pour Autrui quand j'en ai eu l'occasion. Même si ce sont mes parents qui ont fait la démarche et crée l'association C.L.A.R.A, j'estime que j'ai ma propre opinion et mes propres idées à transmettre. En tant qu'enfant née par GPA, j'estime avoir d'autres choses à apporter. De plus, je ne supporte pas que des personnes qui n'ont jamais vu une seule GPA de leur vie se permettent de dirent des horreurs sur la vie des personnes nées par GPA. J'ai voulu rétablir la vérité", confie la jeune femme.
Une vérité qui est à la fois simple et compliquée. C'est l'histoire d'un couple, celui formé par Dominique et Sylvie, qui n'a pas pu avoir d'enfant car Sylvie souffre du syndrome MRKH (caractérisé par des organes inversés et une absence d'utérus). Voulant former une famille, ils ont décidé de ne pas se tourner vers l'adoption car ils voulaient ne rien rater du processus qui allaient permettre de donner naissance à Valentina et Fiorella.
Dotés d'un grand courage, Sylvie et Dominique ont donc décidé de faire appel à la GPA en acceptant la proposition d'Isabelle, une amie de Sylvie, de faire don de ses ovocytes et en rencontrant Mary, celle que Valentina appelle sa gestatrice. 
Valentina rappelle d'ailleurs à cet égard dans son livre que ce ne sont pas les parents qui choisissent les gestatrices mais l'inverse aux Etats-Unis. Ces gestatrices doivent aussi répondre à un certain nombre d'exigences pour pouvoir porter le bébé d'autrui : elles doivent avoir entre 21 et 40 ans, avoir déjà connues des grossesses, n'ont pas le droit de fumer, doivent être en bonne santé, ne pas avoir de casier judiciaire et doivent avoir reçu l'avis favorable de leur gynécologue. Ces femmes doivent aussi passer une série d'examens, effectuer une évaluation physique approfondie, un test de criminalité pour le FBI et un test psychologique pour s'assurer qu'elles ont bien compris que leur rôle est de porter un bébé qui n'est pas le leur.

Autant d'examens que Mary a passé avec succès contre une rétribution que Valentina estime normale. "Certes ce n'est pas un métier, mais étant donné qu'une grossesse prend beaucoup de temps et d'énergie, ces femmes doivent recevoir une compensation ", écrit Valentina dans son livre qui ne supporte pas que ces femmes soient qualifiées de "mères porteuses".

Valentina, Fiorella et leurs parents Sylvie et Dominique © Mennesson

"Ma mère c'est celle qui m'a élevée, nourrie, aimée, cajolée"

"Le terme "mère porteuse" est dénué de sens selon moi. Cette expression commence par "mère" ce qui ne me convient pas dans le sens où cette femme n'est pas ma mère, cette femme m'a simplement portée. Ma mère c'est celle qui m'a élevée, nourrie, aimée, cajolée. On pourrait parler d'une "femme porteuse" à la limite, mais moi je préfère utiliser le terme "gestatrice". C'est une femme qui aide un couple infertile à fonder une famille en portant un bébé pour autrui, pas plus pas moins ", souligne la jeune femme qui a des liens privilégiés certes avec la donneuse d'ovocytes et sa gestatrice mais qu'elles ne considèrent pas du tout comme ses secondes mamans.

"Mary vit actuellement aux Etats-Unis et c'est un peu difficile de se voir à cause de la distance. Néanmoins, avec mes parents et ma sœur, on fait tout pour la retrouver elle ainsi que sa famille lorsqu'on part en vacances pendant l'été. Ma sœur et moi, nous sommes plus proches de ses enfants avec qui nous partageons de nombreux souvenirs. Quant à Mary, nous la considérons plutôt comme une amie de nos parents envers qui nous sommes très reconnaissantes. Nous voyons Isabelle beaucoup plus souvent. Elle habite à Paris depuis peu et vient souvent lorsque ma mère organise des dîners à la maison. Tout comme Mary, je la considère comme une amie de ma mère, envers qui je suis tout aussi reconnaissante. Ce ne sont ni mes mères, ni des membres de ma famille, ce sont des personnes qui m'ont aidée à naître, qui ont aidé mes parents à fonder notre famille", précise Valentina.

"J'aimerais qu'un jour la GPA soit légalisée en France mais pas à tout prix"

Dotée d'une grande force de caractère et d'une curiosité insatiable, Valentina s'est beaucoup renseignée concernant la GPA depuis des années et si les propos tenus par les représentants de La Manif pour Tous ont bouleversé sa sœur Fiorella ils ont surtout agacés sa sœur jumelle.

"J'ai été choquée par l'absurdité et la virulence de leurs propos. Cela ne m'a pas vraiment atteinte dans le sens où je sais très bien ce qu'il en est, je sais que tout ce qu'ils disent est à des lieux de la vérité alors cela ne peut pas m'atteindre. Leur façon d'assimiler des gestatrices à des prostituées, des enfants nées par GPA à des produits vendus ne me rendent pas triste, mais cela me choque. Cela prouve aussi surtout qu'ils n'y connaissent rien !", assène Valentina qui se bat avant tout comme ses parents pour que soient reconnus les enfants nés par GPA. 
"Dans l'idéal, j'aimerais qu'un jour la GPA soit légalisée en France.  Mais pas à tout prix, il faudra du temps pour qu'il soit possible d'aborder la GPA en France, de manière éthique et dans un cadre juridique opérationnel et protecteur. Quant à l'élargissement de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, je ne me sens pas réellement concernée, mais je ne vois pas pourquoi le leur interdire. A mon sens, la parenté est un droit pour tous et peu importe le sexe de notre conjoint, ou même la présence d'un conjoint ", ajoute Valentina qui rappelle plusieurs fois dans son livre qu'elle ressemble beaucoup à sa mère Sylvie. 

Une famille unie © Mennesson

"Le lien génétique importe peu dans une relation parent-enfant. Ce n'est pas cela qui définit nos liens, je pense aux enfants nés par GPA comme aux enfants adoptés, aux enfants nés à la suite d'un don de gamètes. Je dis souvent en plaisantant que je n'ai pas hérité des traits sportifs d'Isabelle (celle qui a donné ses ovocytes) car la seule fois où j'ai envie de courir c'est pour faire les soldes ! Plus sérieusement, je me sens très proche de ma mère sur de nombreux points et cela n'a rien à voir avec la biologie mais avec l'amour qu'elle me donne depuis ma naissance ".

© Michalon