Walter, 36 ans, a choisi la vasectomie [TEMOIGNAGE]
Peu d'hommes franchissent le pas. Mais Walter, 36 ans, l'a fait. Père de deux enfants, il vient de subir une vasectomie, une opération pour se faire stériliser définitivement. Dans la balance, une famille qu'il ne souhaite pas agrandir et une compagne qui ne supporte plus la pilule. Il raconte l'opération et explique son choix.
Cinquante ans après l'arrivée de la pilule contraceptive destinée aux femmes sur le marché français, la pilule masculine fait aujourd'hui l'objet d'essais concluants réalisés aux Etats-Unis. Enfin une contraception pour les hommes ? Nous n'en sommes qu'aux balbutiements mais tous les espoirs sont permis. D'ici une grosse poignée d'années, des comprimés pour messieurs pourraient réduire le taux de deux hormones impliquées dans la production des spermatozoïdes. Une avancée significative qui s'inscrit en plein débat sur la charge contraceptive. Non, la contraception ne concerne pas seulement les femmes. Les hommes aussi doivent s'impliquer, et pourquoi pas en se protégeant eux-mêmes ? En attendant la pilule de l'égalité femme-homme, certains hommes n'hésitent pas à subir une vasectomie, une opération pour se faire stériliser définitivement. Elle consiste à sectionner et ligaturer les canaux déférents, les deux tuyaux qui transportent les spermatozoïdes des testicules jusqu'à la prostate. En France, en 2017, seuls 3000 hommes ont choisi cette option. Néanmoins, on assiste à une augmentation puisqu'ils étaient deux fois moins en 2009. Autant dire que nous sommes encore loin des chiffres recensés en Nouvelle-Zélande ou au Royaume-Uni : 15 à 20% des hommes auraient sauté le pas.
Walter est français. Et il en est. Il s'est fait opérer en décembre 2018. Il a tout de suite accepté de témoigner. Selon lui, il est important de faire entendre cette méthode. Confidences.
"Ma femme m'a demandé de bien réfléchir : et si demain, je rencontrais quelqu'un d'autre ?"
Je vais avoir 36 ans, ma femme aussi. Je bosse à la SNCF comme conducteur de train, et ma compagne est agent de location de véhicules. Nous sommes mariés et nous avons deux enfants, de 3 et 7 ans. Nous n'en voulons plus. Alors l'année dernière, j'ai pris la décision de me faire opérer d'une vasectomie. Je ne savais pas que c'était possible, du moins aussi accessible. Disons que comme beaucoup de personnes, j'en avais entendu parler, mais très vaguement, sans imaginer qu'il me suffisait d'un rendez-vous chez un urologue pour franchir le pas de la stérilisation masculine. En France, ça reste très confidentiel. Seuls 0,8% des hommes sont "vasectomisés". C'est la lecture d'un article qui m'a encouragé dans cette direction. Il était riche en informations, j'ai appris beaucoup de choses et je me suis dit : pourquoi pas moi ?
J'ai donc pris rendez-vous chez un urologue pour obtenir des renseignements, fin 2018. Ma femme était surprise. Nous n'envisageons pas de nous séparer mais elle m'a demandé de bien réfléchir : à l'avenir, je pourrais rencontrer une autre femme, vouloir refonder une famille. Mais comme je lui expliquais, je ne veux plus d'enfants et j'en suis certain. C'est à la fois une décision prise en couple, puisque nous n'envisageons pas de petit troisième, mais aussi une décision personnelle, de moi à moi.
"La contraception n'est pas une affaire de femmes, mais une affaire de couple"
Ma femme m'a soutenue. D'autant qu'elle a du mal à supporter sa pilule, qu'elle prend depuis 20 ans, à cause de certains effets secondaires, comme une libido plus capricieuse. En plus, il y a quelques mois, sa pilule a été retirée du marché, on lui en a prescrit une autre. Elle le vivait d'autant plus mal. Sans parler du caractère contraignant de la pilule. Et parce qu'elle fume, elle prenait une pilule micro-dosée. Bien sûr, j'encourageais ma femme à stopper le tabac, mais pour moi, pour nous, le fond du problème n'était pas (que) là. Une pilule combinée n'aurait peut-être pas été plus simple à vivre. Elle n'a jamais testé le stérilet, elle n'est pas attirée par cette méthode. Et je ne peux pas lui en vouloir ou la pousser. Ce n'est pas parce qu'il existe un certain nombre de solutions contraceptives pour les femmes que la mienne doit absolument tout essayer ou faire l'effort d'essayer.
Ma décision, naturellement, prend en partie racine dans le rapport négatif que ma compagne entretient avec sa contraception. On en parlait souvent, je cherchais à la soutenir, je voulais la soulager. Et finalement, la meilleure façon de le faire, c'était de m'impliquer autrement.
Aux yeux des autres, on passe pour un couple moderne. Enfin un homme qui se préoccupe de la contraception et qui entend que ce n'est pas une affaire de femmes mais une affaire de couple. Dans les pays anglo-saxons, la vasectomie est très répandue, aussi dans les pays asiatiques. C'est courant, c'est normal. En France, ça étonne encore. Mais je crois qu'une prise de conscience est en train d'émerger. Les hommes ont davantage envie de prendre en charge leur contraception. On peut vouloir prendre sa responsabilité au sein du couple, mais aussi ne pas vouloir se retrouver avec un enfant dans le dos. Nous devons assumer aussi. Un enfant, ça se fait à deux.
"Je pense qu'on a besoin de ça, d'hommes qui partagent leur expérience, qui banalisent le sujet, petit à petit"
Ma mère a été légèrement abasourdie quand je lui ai annoncé. Bon, elle est un peu vieux jeu, elle est née en 46, elle ne comprenait pas. Pourquoi tu fais ça ? Et si tu veux d'autres enfants ? Je vois bien que ce n'est pas réellement entré dans les mœurs, chez nous. Ma sœur, quant à elle, a accueilli mon choix le plus naturellement du monde, comme si je venais de lui raconter que j'envisageais d'organiser un barbecue samedi ou de retaper ma salle-de-bain : très bien, fais comme tu veux, il n'y a aucun risque ! Elle est médecin, j'imagine que ça aide.
Après l'opération, j'en ai parlé sur mon compte Twitter. J'avais envie de délier la parole sur le sujet. Je pense qu'on a besoin de ça, d'hommes qui partagent leur expérience, qui banalisent le sujet, petit à petit. Beaucoup de mes collègues à la SNCF - je suis conducteur de train - m'ont posé des questions suite à mes publications. Mon initiative les rassurait. Ils découvraient que c'était possible, et puis ils étaient sous doute ravis de pouvoir échanger avec une personne concernée dans leur entourage. Faut dire que leurs questions étaient intimes.
"Les hommes ont peur que leur érection ne soit plus la même après l'opération"
De ce que j'ai pu observer, les hommes ont peur que leur érection ne soit plus la même après l'opération. Aussi l'éjaculation. Ce sont les principales craintes. La vasectomie, dans les esprits, touche à la virilité, à la fonction procréative. Ensuite vient la douleur : est-ce que ça fait mal ?
Je me suis également posé ces questions. Mais j'étais confiant, et justement, je me disais que je ne pourrai plus faire d'enfants mais que cela n'atteindrait en rien mes capacités sexuelles et mes sensations. Ce sont deux choses différentes. Sans même que je le questionne, mon urologue m'a rassuré.
On sait simplement que lors de l'éjaculation, la quantité de sperme est un peu plus maigre. Il y a 3 à 7% de moins seulement. Il ne faut pas oublier que le sperme n'est constitué que d'une infirme partie de spermatozoïdes, donc quand ces derniers décampent, le sperme reste tout de même conséquent. La différence est à peine notable !
"Sexuellement, c'est presque que mieux qu'avant"
L'opération s'est déroulée sous anesthésie locale. J'ai préféré. Ça n'a duré que 21 minutes. C'était en ambulatoire. Je suis sorti quelques heures plus tard à peine, et j'ai repris le travail dès le lendemain de l'opération.
Niveau douleur, je dirais que c'est comme si j'avais pris un gros coup de pied dans les parties pendant deux ou trois jours. Puis ça passe. Pendant 15 jours, les rapports sont proscrits. Mais le délai dépend de l'opération, de ce qu'en dit l'urologue. Moi, j'ai respecté la consigne que l'on m'a donnée.
Je n'ai pas eu peur de refaire l'amour ou d'avoir mal. Je ne ressentais plus aucune douleur après deux semaines, et je ne suis pas du genre à me poser trop de questions. Nous avons pris notre temps, c'était un peu comme se redécouvrir aussi. Il y a un avant et après vasectomie. Nous avons dû attendre les résultats du spermogramme, pour vérifier l'absence de spermatozoïdes dans le sperme, afin que ma compagne puisse abandonner la pilule.
Aujourd'hui, sexuellement, c'est presque que mieux qu'avant, car ma femme est beaucoup plus détendue au lit. Elle a davantage de désir et elle n'a plus cette peur silencieuse de tomber enceinte au mauvais moment. Globalement, elle se sent mieux du fait de ne plus prendre la pilule. Elle est plus légère, mieux dans sa peau, et ça se répercute sur notre vie sexuelle.