Elles font bouger le vin à Bordeaux : on y était...

La Cité du Vin de Bordeaux a organisé une soirée en l'honneur des femmes qui ont su faire leur place dans le cercle très fermé de la viticulture et de l'œnologie. Au programme: projection du documentaire "Les Héritières", qui montre les visages féminins et modernes de la Bourgogne, rencontre avec quatre femmes qui ont percé dans les métiers du vin, et cocktail networking. Dans ce milieu singulier, de nombreux progrès restent à faire.

Elles font bouger le vin à Bordeaux : on y était...
© @LaCitéduVin

Le monde professionnel est globalement marqué par le sexisme, les inégalités et les stéréotypes. Les métiers du vin sont loin d'être épargnés par ce phénomène. Au contraire, dans l'art de la viticulture et de l’œnologie, le machisme domine largement. À l'occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes, le 8 mars 2019, La Cité du Vin a proposé pour la première fois Elles font bouger le vin,  un événement où la place des femmes vigneronnes est décortiquée et mise en valeur. Après la projection du documentaire Les Héritières, réalisé par Vincent Hérissé, un débat a eu lieu avec quatre invitées d'exception qui ont pu répondre aux diverses problématiques soulevées dans le film.

©  Sara Miramon / XTU architects

Caroline Meesemaecker est directrice de Wine Services. Elle travaillait par le passé dans l'industrie pharmaceutique, mais a choisi de vivre de sa passion. Jocelyne Perard est la fondatrice de la Chaire Unesco Culture et traditions du vin et travaille à l'Université de BourgogneVirginie Routis, quant à elle, n'est autre que la caviste et sommelière de la Présidence de la République depuis presque 12 ans. Enfin, Vitalie Taittinger est la directrice marketing de la maison de champagne Taittinger et l'héritière du groupe.
Leurs témoignages et réflexions autour de la place des femmes dans le monde du vin montrent que l'égalité n'est pas une évidence dans ce corps de métier mais que tout espoir n'est pas perdu... 

Les femmes doivent se battre beaucoup plus que les hommes 

Un premier constat émerge et fait l'unanimité auprès des intervenantes : les femmes doivent davantage "faire leurs preuves" dans les professions liées au vin. Il faut parvenir à être crédible et résister à la pression, comme en témoigne le documentaire. Vitalie Taittinger elle, a dû faire du "forcing" auprès de son père pour travailler dans ce milieu. "Il faut beaucoup plus de détermination quand on est une femme" explique t-elle en riant. Jocelyne Perard rappelle que cette réalité ne date pas du siècle dernier. "Jusqu'à l'invention du SMIC, les vigneronnes percevaient moins de la moitié d'un salaire d'homme", ajoute l’historienne. La sommelière Virginie Routis nous raconte la première fois où elle a organisé un repas à l'Elysée. Une expérience compliquée, puisqu'elle ne travaillait qu'avec des hommes : "Personne ne m'écoutait". Elle a dû redoubler d'autorité, au risque de ne pas se faire que des amis... 

Le Vin : avant tout une histoire de dynastie 

Le vigneronnage est un métier de transmission. Le cercle familial est très important dans l'univers de l'exploitation viticole : c'est une richesse. Pourtant, les femmes sont rarement prédestinées à prendre le flambeau. Les pères sont peu nombreux à croire leur fille capable de travailler dans ce milieu compliqué. Le premier obstacle est celui de la force physique, indispensable dans les vignes et dans les caves. Ensuite, avoir une femme à la tête d'une exploitation ou d'une maison de Vin est un changement radical. Jocelyne Perard explique que "les hommes étaient persuadés que les femmes étaient inférieures et que, de tout temps, les vignerons écartaient la fille de l'héritage". Un cercle vicieux qui relève plus d'une vieille habitude que d'une prise de décision consciencieuse et réfléchie. Un monde à part. 

Un vin féminin, ça a quel goût ? 

Le vin lui-même aurait un goût différent lorsqu'il est fait par une femme. Non-sens ou réalité ? En tout cas, c'est une croyance célèbre dans la société du vin. Caroline Meesemaecker partage cet avis et pense que tout est "une question de sensibilité" dans le travail des arômes du vin. Virginie Routis confirme : "Il y a un apport féminin qui donne une élégance et une légèreté dans le vin". Pour certaines, cela reste un vaste mythe. La fondatrice de Culture et traditions du vin rappelle que "le vin est avant tout un marqueur de la culture et de l'histoire" et non une démonstration du genre féminin ou masculin. Le débat reste ouvert et des progrès restent à faire.