LA VIE TRÉPIDANTE DE BRIGITTE TORNADE, irrésistible portrait de maman

Une petite fille arrive sur la scène, à pas menus, se sert des céréales et s'amuse avec la machine à café. Son frère et sa sœur se réveillent à leur tour, impatients d'appuyer, eux aussi, sur les boutons. La querelle éclate. Forcément, ils vont réveiller le bébé Léonard, dernier-né d'une famille où le silence est aussi rare qu'une oasis plantée dans un désert. Les cris fusent, le salon est jonché d'objets sur lesquels tout le monde trébuche. Le mari, lui, est pressé. Comme toujours. Il doit aller au boulot, tournant tous les matins le dos aux contrariétés de son épouse : Brigitte Tornade. Femme au bord de la crise de nerf. Dans le rouge. En "burn-out maternel ", dira-t-on plus tard dans la pièce. Car oui, même dans son burn-out, la pauvre Brigitte est ramenée systématiquement à son rôle de mère. Et ce n'est pas comme si elle ne bossait pas, de surcroît pour deux gus immatures qui ne l'assignent qu'à des tâches peu épanouissantes.

Comme son titre l'indique, la vie de Brigitte Tornade –elle aurait très bien pu s'appeler Ouragan, Typhon ou Tsunami– est trépidante. Elle s'apparente à une espèce de course de fond, inlassable, sans hydratation ni ligne d'arrivée. Les pensées se bousculent dès lors au portillon de son ras-le-bol. Il y a, cahin caha, des interrogations sur l'éducation de ses mômes (méthode Françoise Dolto ou rigorisme militarisé ?), des envies nouvelles, comme celle de tromper son mari (pourquoi pas avec ce joggeur transpirant ?), faire du sport, raffermir ce corps en flétrissure, et tutti quanti.

La pièce oscille ainsi entre moments de vie au salon, jalonnés de disputes conjugales et de remontrances en direction de la marmaille, d'instants de boulot ou de césures au parc ou au café. Existence à la fois mouvementée et banale. Triviale. Et c'est justement dans cette universelle banalité que Brigitte touche, émeut et active à fond nos zygomatiques.

Des Brigitte partout

Sous ses traits, l'excellente Eléonore Joncquez –également à la mise en scène– insuffle une dose énergétique digne d'une prise nocturne d'un Guronsan. Elle crie, elle murmure, elle court, elle danse. Pendant 90 minutes, elle compose le yin et le yang d'un show savamment mené, qui replace graduellement la femme dans une nouvelle place, loin des injonctions normatives.

Autour d'elle, trois comédiens adultes (Vincent Joncquez, Clara Guipont et Julien Cigana) changent régulièrement de rôles avec fluidité et l'accompagnent, avec tendresse et pétulance, dans son chemin vers l'épanouissement moral et physique. Saluons aussi la présence des enfants, épatants –ils sont 3 chaque soir en alternance. Ce joyeux ensemble bénéficie d'une scénographie fort réussie, qui participe du sentiment d'identification à cette smalah. Laquelle, in fine, nous tend un miroir où se reflètent nos propres obliquités.   

Notez par ailleurs qu'à l'origine, La Vie Trépidante de Brigitte Tornade a d'abord été une fiction radiophonique de 50 épisodes, écrits par Camille Kohler –ici aussi à la plume– pour France Culture. C'était en 2012 dans le cadre de l'émission La Vie Moderne. A l'époque, les auditeurs se sont véritablement passionnés pour cette héroïne attachante, à travers laquelle ils se sont très vite reconnus.

Rythmé par le chahut et les cris, par la voix de David Bowie –avec une utilisation bienvenue et aérienne de son tube Absolute Beginners–, porté par une mise en scène très inventive, Brigitte Tornade s'offre à vous comme une parenthèse divertissante et réjouissante où les rires et les sourires devraient vous faire oublier, pendant quelque temps, votre train-train. Ou pourquoi pas, vous le faire aimer. Il n'y a qu'un moyen de le savoir : filez découvrir la pièce !

LA VIE TRÉPIDANTE DE BRIGITTE TORNADE
Depuis le 18 septembre au Théâtre Tristan Bernard (75008)
Du mardi au vendredi à 21h, le samedi à 16h et 21h