Raphael : "Dans Anticyclone, la voix est au centre de tout"

Voilà bientôt 20 ans que Raphael règne sur le paysage musical français avec sa voix de velours et ses jolis textes. Ce vendredi, l'artiste sort "Anticyclone", son nouvel opus réalisé par Gaëtan Roussel. Confidences d'un artiste accompli.

Raphael : "Dans Anticyclone, la voix est au centre de tout"
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"Je pense qu'Anticyclone ne s'adresse pas à tout le monde mais beaucoup de gens peuvent l'aimer". Il faut dire que dans ce nouvel opus, Raphael met la voix et les textes au centre de tout. Réalisé par Gaëtan Roussel, choisi pour sa bonté et son expertise, ce nouveau disque contient 11 titres aux mélodies structurées et élégantes. Après s'être essayé avec brio à la littérature - Raphael a reçu en mai dernier, le prix Goncourt de la nouvelle pour son ouvrage Retourner à la mer -, l'artiste revient à ses premiers amours et repart même en tournée - il se produira notamment le 10 octobre au Casino de Paris -. Avec Anticyclone, Raphael prouve une nouvelle fois qu'il brille sur le paysage musical français. Nous l'avons rencontré quelques semaines avant la sortie de ce nouvel opus.

Journal des Femmes : Deux années se sont écoulées depuis votre dernier album Somnambule. Qu'avez-vous fait pendant ce temps ?
Raphael : J'étais en tournée jusqu'à l'été dernier puis j'ai beaucoup voyagé en Inde, en Asie du Sud-Est. J'ai joué au Vietnam, au Laos, en Thaïlande et en Malaisie mais j'ai aussi voyagé en famille. C'est important de ne pas rester dans la monotonie. C'est une réelle excitation d'aller dans un endroit qu'on ne connaît pas, découvrir une autre culture, une autre météo, une autre géographie. On fabrique des souvenirs avec les gens qu'on aime et c'est merveilleux.

Ces voyages sont d'ailleurs présents dans l'album, dans Retourner à la mer et Fièvres d'Asie notamment. Vous ont-ils inspirés ?
Je ne voyage pas pour m'inspirer. Il arrive que ce soit pour le travail, d'autres fois, c'est juste par envie d'évasion et découverte d'autre chose. La volonté de retrouver cette humanité que l'on ne voit plus au quotidien dans l'endroit où l'on vit, qui nous apparaît quand on se retrouve ailleurs et qui est magnifique.

Quand avez-vous commencé à réfléchir à l'album ?
J'essaie de me souvenir… Je crois que j'ai toujours un nouveau disque en tête. J'ai écrit une chanson, puis une deuxième, puis je suis parti en voyage. L'Italie a été importante pour moi. C'est là où j'ai écrit l'essentiel du disque. J'avais un corpus cohérent qui racontait une histoire.

Vous l'avez enregistré en une semaine seulement.
Je fais toujours ça. Ça me correspond de faire les choses rapidement. Il ne faut pas trop réfléchir et enregistrer sans artifices.

Vous avez fait appel à Gaëtan Roussel pour réaliser l'album. Pourquoi lui ? 
Il est très doué et a une vraie bonté. Au-delà de ça, c'est un immense producteur, j'aime les disques qu'il a fait et les chansons qu'il a écrit. Il sait ce qu'est une bonne chanson et comment ne pas se perdre dans le détail. Ce qui compte avec lui, c'est la chanson et la voix. Et ça me correspond plutôt bien.

Comment s'est passée cette collaboration ?
J'avais déjà enregistré des maquettes sur mon dictaphone. On est partis de ça. On a joué en studio avec les musiciens et, quand on rencontrait des difficultés, on essayait de les résoudre. D'habitude, on ne sait pas trop comment procéder. Ce qui est extraordinaire avec lui, c'est qu'il me disait de partir me balader pendant une heure et, à mon retour, il avait trouvé des solutions.

"C'est important que la voix soit au centre de tout"

Vous avez déclaré dans une interview "vouloir faire un disque de chanteur". Expliquez-moi ce que c'est.
C'est un disque où la voix est au centre des chansons. Ce n'est pas un disque produit… La voix est au centre de tout.

Ce n'était pas le cas dans vos précédents disques ?
Peut-être moins. Avant, elle était plus camouflée par de l'orchestration, des voix d'enfants, ce côté un peu plus rock, avec plus de bordel. On n'entendait moins les paroles et la voix. Les mélodies étaient belles, mais le chant était moins assumé. J'aime beaucoup, mais c'était trop.

Sur la pochette de l'album, vous semblez contrer les éléments. Pouvez-vous m'en parler ?
C'est la vision du photographe que j'ai trouvée belle, ce trompe-l'œil. On ne sait pas s'il s'agit d'un mur ou du ciel... Il y a un côté danse contemporaine et un autre plus pragmatique. Je pense que l'image va diviser, mais ça montre qu'elle est assez forte.

Pourquoi ce nom, Anticyclone ?
C'est l'idée que la météo extérieure n'est pas importante. Ce qui compte, ce sont les hautes pressions à soi-même. C'est assez évident mais c'est important de le rappeler.

On ressent des influences de Gainsbourg ou Dutronc dans ce disque, dans les textes et le phrasé. Vous êtes d'accord avec ça ?
J'adore les deux. Il y a sûrement des similitudes… mais c'est inconscient. Je pense que le duo avec Mélanie est très Gainsbourien, Je fume ressemble davantage à Dutronc… Il y a sûrement une influence mais ça n'étais pas intentionnel.

Justement dans La question est why, vous chantez avec votre femme, Mélanie Thierry. Comment s'est passée cette collaboration ?
C'est une chanson assez intime et je ne me voyais pas la chanter avec quelqu'un d'autre… C'est comme pour les voyages, ça nous fait de beaux souvenirs. Elle raconte le monde dans lequel on vit, ces conversations qui sont en permanence interrompues et multiples. Mélanie stressait un peu à l'idée de se rendre en studio. On l'a donc enregistré un matin à la maison, en quelques minutes. Gaëtan a trouvé ça super.

Dans Paris est une fête, vous abordez la question de l'âge et de la maturité. Vieillir vous effraie-t-il ?
A vrai dire, je m'en fiche un peu. Ce n'est pas agréable mais en même temps, je me sens bien. Je suis plus heureux et plus zen qu'avant. Je profite davantage aussi… La chanson parle de cette chose mystérieuse qui fait que le temps passe vite et que tout va à une vitesse folle. J'essaie de profiter du moment présent. Parfois ça marche, parfois non.

© NC

Vous avez remporté en mai 2017, le Prix Goncourt de la nouvelle pour Retourner à la mer, votre premier recueil de nouvelles. Envie de vous reconvertir ?
Une reconversion non, mais une nouvelle corde à mon arc plutôt. J'ai développé une culture du livre depuis tout petit. Aucune journée ne passe sans que j'aie un livre dans ma poche. Je me sens bien avec les écrivains, j'aime leur parler, j'adore écrire. C'est un grand honneur d'avoir reçu ce Goncourt. C'est formidable et presque inimaginable pour moi !

Allez-vous en publier un second ?
Je travaille déjà sur le prochain, oui.

L'une des chansons de l'album porte le nom de l'ouvrage. Une façon de lier les deux ?
La chanson parle d'autre chose, d'une maison dans laquelle on entend une vie antérieure... J'ai juste emprunté le titre car j'aime la sonorité de cette phrase.

Vous repartez en tournée dès le mois d'octobre. Que ressentez-vous sur scène ? 
C'est extraordinaire de faire de la musique avec des amis et chanter pour des gens… Je vais monter sur scène et faire ce que j'aime. Ça fait du bien et il n'y a rien de mieux. Malgré les années, j'ai encore le trac. C'est important le trac, on s'ennuierait sans lui. Le trac mobilise des choses, on en a besoin. Ce n'est pas vraiment de la peur mais une émotion très forte qui nous paralyse un moment avant de nous libérer.

Vous allez bientôt fêter vos 20 ans de carrière. Quel regard portez-vous sur le chemin parcouru ?
J'espère avoir rendu de bons services à la chanson française. J'ai eu des succès, des bides aussi, mais je pense avoir fait les choses assez honnêtement. Le plus difficile, c'est de réussir à se renouveler. Là par exemple, je ne sais pas s'il y aura un prochain album, et si c'est le cas, je ne sais pas ce qu'il contiendra. Je prends toujours autant de plaisir à faire ce que je fais, voire plus qu'avant. Avant, je cherchais à prouver quelque chose, sur scène et en studio. Je me perdais… j'essayais d'obtenir un son plutôt que de me focaliser sur le propos. 

Un souvenir, une phrase qui vous a marqué ?
On m'a dit tellement de choses gentilles et touchantes au fil du temps... Une fois, j'étais dans un train et une dame m'a demandé de quelle famille j'étais. Je n'ai pas tout de suite compris mais en réalité, elle pensait que je venais d'une famille de gitans depuis Caravane. J'en étais assez fier ! J'aime beaucoup cette chanson d'ailleurs.

Anticyclone, album de Raphael, dans les bacs ce 22 septembre 2017 © Columbia

La dernière fois que vous avez été dans le brouillard ?
Ce matin. Je me suis couché tard et levé tôt pour emmener les enfants à l'école.

Votre dernier coup de foudre musical ?
J'aime beaucoup Clara Luciani. Au quotidien, je n'écoute pas tant de musique que ça. Du jazz, David Bowie…

Votre dernier éclair de lucidité ?
En 1997 (rires). Je n'en ai pas eu depuis.

La dernière tempête que vous avez dû contrer ?
Quand il y a une tempête, on se met en fuite et on la laisse passer, on ne la contre pas. En ce moment, il y a des obstacles qui se dressent devant moi mais je pense que les contrer est une erreur. 

Vous arrive-t-il d'être dans la lune ?
Au sens propre comme au sens figuré, oui. J'adore l'astronomie, regarder les planètes… il n'y a rien de plus beau au monde. Sinon, je suis un peu dans la lune au quotidien oui.