Calogero : "Si je ne fais pas de musique, je m'assèche"

Calogero présente son nouvel album, "Liberté Chérie". Le chanteur s'est confié le temps d'une rencontre sur sa passion pour la musique, ses souvenirs, sa vision de la liberté. Entretien.

Calogero : "Si je ne fais pas de musique, je m'assèche"
© Laurent Seroussi

Calogero sort son septième album, Liberté Chérie et prépare une tournée pour mars 2018. Dans ce nouvel opus, le chanteur continue de nous surprendre. Il parvient à allier à merveille énergie et calme, passé et futur, simplicité et complexité. Rencontre avec un artiste qui nous fait vibrer.

Avez-vous une chanson préférée sur votre nouvel album ?

J'aime beaucoup "On se sait par coeur". La musique me plaît, elle donne la pêche, elle est vivante. J'ai aussi un coup de cœur pour "Julie". C'est la célibataire d'aujourd'hui, elle n'est pas forcément malheureuse, elle est indépendante. Elle est comme beaucoup de filles, mais plus romantique, plus mélancolique. Quand elle rencontre un garçon, elle profite de son célibat. Je dis dans la chanson : "Bien sûr quelques fois elle en a des histoires d'un soir", mais même si le mec lui plait, il peut potentiellement être le futur époux. Sauf que les garçons ne sont pas tous des princes charmants. Malgré tout, elle est bien dans son célibat.

Dans "Je joue de la musique" vous dites ; "Je respire musique, je réfléchis musique, je pleure en musique". Elle est votre échappatoire ?

"Si je ne fais pas de musique, je suis comme une plante que l'on arrose pas"

Complètement. Si on m'avait enlevé la musique, la vie aurait été plus difficile. Une famille qui vous dit : "Arrête maintenant, sois sérieux", cela existe. Pour quelqu'un qui a ça dans le sang et qui a un rapport fusionnel avec son instrument, cela peut le détruire intérieurement, à petit feu, surtout lorsque l'on est jeune. Si je ne fais pas de musique, c'est exactement comme une plante que l'on arrose pas, je m'assèche.

Le clip de "Je joue de la musique" est en noir et blanc, alors que la chanson a plutôt des sonorités colorées. Pourquoi ce choix ?

C'était un parti pris, complètement à l'inverse de la chanson, qui est enjouée. Plutôt que de faire un clip évident, super coloré, j'ai fait exprès de faire une vidéo située dans un hangar avec quatre de mes musiciens, à jouer de la musique avec mes potes. Le décalage était voulu.

Dans les titres "1987", "Fondamental" et "Ma maison", vous évoquez des souvenirs. Êtes-vous nostalgique ?

Pas nécessairement, je suis dans l'avenir et le présent. Il y a juste dans la chanson "1987", dans laquelle je parle de cette époque où j'ai monté mon premier groupe. Mais ce n'est pas non plus un album nostalgique. "Fondamental" parle de pleins de choses essentielles qu'on a connues dans le passé. Des émissions de télé, des joies, l'équipe de France qui gagne la Coupe du Monde 1998 où la France était en état de grâce, des comiques, qui nous ont fait rire, rêver... Toutes ces choses là qui font qui vous êtes aujourd'hui. Si on s’appuie sur ses propres références, on bâtit l'avenir.

En 1987, vous aviez 16 ans. C'était l'âge idéal pour vous ?

"J'étais le dernier de la classe"

Pas vraiment, j'étais en échec scolaire à ce moment-là, et je jouais avec mon premier groupe, les Charts. Il fallait que je prouve à tout le monde que j'allais réussir, parce que mes profs disaient à mes parents : "Il n'y arrivera jamais". J'ai quand même été dernier de la classe. Donc si cela peut donner de l'espoir à ceux qui sont dans ce cas. 

Vous dites dans la chanson : "Tu auras ton 1987"...

Pour moi, c'était 1987, mais pour mes filles, ça sera 2007 ou 2010. Moi, c'était Sabrina, pour elle, cela sera Selena Gomez… Ce sont des évènements forts, des années marquantes. 

Sur la pochette de votre album, vous êtes recouvert d'encre noire, guitare à la main. Qu'est-ce que cela signifie ?

Il n'y a pas forcément de signification. C'est une photo esthétique que je trouve très belle. C'est une attitude.

On a l'impression que l'encre noire représente l'écriture, et la guitare, la musique. Et que c'est ça, la liberté.

L'album s'appelle Liberté Chérie et on a l'impression que je sors d'un mur, je n'ai pas une arme à la main, j'ai ma guitare. C'est ma manière de me battre dans la vie, c'est ma musique. Chacun son interprétation, mais je trouve la vôtre très belle.

Qu'est ce que c'est la liberté pour vous ?

On ne s'en rend même plus compte parce que l'on est dans une société où c'est comme l'eau qui coule du robinet. Comme le dit la chanson, la liberté, c'est des amoureux qui s'embrassent dans la rue, quel que soit leur âge, leur sexe. Ce n'est pas simplement le fait de dire : "Je suis libre". C'est grave, la liberté. On l'a ici et il faut la préserver. Et Liberté Chérie, je ne l'entends pas comme un slogan, mais plutôt comme je le dis à mes filles. C'est-à-dire : "Travaille à l'école, apprends, cultive-toi, parce que plus tard, tu auras le choix." Si on réussit ses études et que l'on cultive sa passion, on peut en vivre, on est moins tributaires des autres. Nous avons tous un gros potentiel en nous, il suffit juste de l'alimenter. La liberté, c'est avoir le choix.

Et si vos enfants vous annonçaient qu'elles souhaitaient travailler dans la musique ?

"Jeune, j'ai enchaîné les petits boulots"

Je serais content, mais un peu inquiet, car c'est un métier difficile. Aujourd'hui encore plus, mais tellement exaltant. J'ai commencé très jeune et j'ai beaucoup travaillé, c'est ce que je dis à mes enfants. Je viens d'un milieu ouvrier, j'ai bossé sur les chantiers, j'ai été baby-sitter... J'ai même fais des petits boulots pendant que j'étais un peu connu avec les Charts, mon ancien groupe. Je travaillais au Monoprix de la rue de Rennes, au rayon boucherie le matin, pâtisserie l'après-midi. Tant que la musique ne me permettait pas d'avoir des revenus fixes, j'avais envie de bosser à côté, cela ne me faisait pas peur. J'ai été confronté à des patrons, mais j'ai travaillé et cultivé ma passion pour la musique, pour pouvoir être indépendant plus tard.

Vous avez enregistré votre album dans les studios d'Abbey Road, qu'est-ce que cela représente pour vous ?

C'est extraordinaire. Les Beatles y ont fait tous leurs albums, toute leur carrière. Lorsque nous n'enregistrions pas, j'y allais quand même avec ma guitare et je jouais… Je restais dans la salle et je les imaginais tous les quatre ici.

Ils vous ont inspiré dans votre musique ?

Énormément. Ils ne sont pas de ma génération, mais je les ai découvert comme on tombe sur une boîte de trésor dans un grenier. Je trouvais ça dingue, cela m'a ouvert l'esprit à la culture, à la peinture, au artpop…

C'est ce qui vous a donné envie de vous lancer dans la musique ?

Depeche Mode m'a donné envie de faire de la musique. C'était mon groupe référent de l'époque. J'avais envie d'être comme eux, de leur ressembler.  

Dans une interview au Parisien, vous dites : "Je suis très solitaire dans la vie. Il m'arrive très souvent d'aller au restaurant tout seul. Certains peuvent trouver ça glauque mais, moi, j'adore."

Je ne mange pas seul si souvent que ça, mais lorsque cela m'arrive, j'apprécie. J'ai quand même quatre enfants, une ex-femme que j'adore, ma femme que j'adore… J'ai une famille recomposée. Quand j'ai du temps pour moi, c'est rare, mais il m'arrive d'aller au restaurant ou au comptoir, j'aime bien, je bouquine...

C'est dans la solitude que vous trouvez l'inspiration ?

Non, je crée partout : en sortant de chez moi, en vacances dans une chambre d'hôtel, dans la rue, je peux avoir une idée qui me vient comme ça, d'un coup.

Y-a-t-il une chanson que vous jouez lorsque vous êtes triste ou de bonne humeur ?

Pas forcément. Lorsque je suis l'un ou l'autre, je fais de la musique. Mon kiff, c'est de faire une chanson, quelque chose qui n'existe pas. Je puise mon inspiration dans ces émotions.

Une chanson qui vous a marqué ?

"J'aime ce qui est décalé"

"Ashes to ashes" de David Bowie. Elle est entre pleins d'époques, à la fois entre le début des années 80, la fin des années 70. Cette chanson est étrange, dingue. Elle regroupe pleins de choses que j'aime. J'aime ce qui est décalé mais j'ai aussi des goûts très populaires, j'apprécie les chansons que les gens chantent. J'écoute Michel Delpech mais aussi des groupes actuels.

Il paraît que vous collaborez avec Jenifer en ce moment.

Absolument pas, cette rumeur est fausse. J'aime bien les collaborations, mais je n'en fais pas souvent. J'ai collaboré avec Julien Clerc, mais c'est lui qui a composé tout l'album, j'ai juste fais les arrangements. En revanche, j'ai composé pour Florent Pagny sur l'album Vieillir avec Toi.

Composer pour d'autres artistes, est-ce une forme d'humilité ?

Pas forcément, c'est de la pure création, le plaisir de se retrouver en studio et créer de nouvelles chansons, même si je n'en suis pas l'interprète. Je suis un passionné de musique, mais c'est un domaine large. La musique, c'est chanter les chansons, être en studio, être sur scène. Ma partie préférée, c'est acheter un nouvel instrument et passer du temps sur dessus, à le découvrir. J'ai plein de casquettes.

Vous composez vos chansons, mais vous ne les écrivez pas, pourquoi ?

Je me considère comme un compositeur. Je m'exprime mieux avec ma musique. J'ai co-écrit sur l'album précédent le titre Fidèle et sur le nouveau la chanson "Je joue de la musique". Il m'arrive de temps en temps d'avoir une idée, alors je la développe avec un auteur, mais je suis définitivement un compositeur. On dit que j'ai écrit certaines chansons, comme "C'est de l'or" de Jenifer, mais ce n'est pas le cas, je l'ai seulement composée et non pas écrite.

Qu'est-ce qui vous plait dans la scène ?

Lorsque l'on a la chance d'avoir un public, de faire des salles, c'est extraordinaire, les gens sont là devant vous. Ils chantent les refrains à tue-tête. C'est fabuleux, cela vous transporte. Voir que des gens sont émus sur mes chansons, c'est la plus belle des récompenses.

Avez-vous des projets à part votre album et une tournée en 2018 ?

J'en ai, mais je ne les dévoile pas, pour garder la surprise (rires).