D.I.V.A., les cantatrices qui réveillent l'opéra

INTERVIEW - Cinq femmes se sont lancées dans l'aventure D.I.V.A., avec pour but de redonner vie à l'opéra. A l'occasion de la sortie de leur premier album, on a rencontré Flore Philis et Marie Menand, les membres fondateurs du groupe.

D.I.V.A., les cantatrices qui réveillent l'opéra
© Louis Décamps/ Mercury Music Records

Après Vivaldi, Mozart et Beethoven, la musique classique semblait avoir laissé place à de nouveaux talents, modernes et surprenants. Dans l'ombre, elle se réinvente et se construit une nouvelle place. Avec D.I.V.A., la musique classique est loin d'avoir joué sa dernière note. Par amour profond pour lui, ces cinq chanteuses lyriques aux tenues extravagantes ont pris l'opéra par la main et l'ont entraîné avec elles jusqu'au XIXe siècle ; où l'on croyait qu'il n'avait plus rien à offrir. Pour l'amener au grand public, elles sont venues de Paris, d'Ecosse ou encore des Etats-Unis pour créer un projet pouvant s'adapter à tous. En s'appropriant les classiques du genre, D.I.V.A. permet fait renaître l'opéra de ses cendres, de manière électrique et étonnante.
Flore Philis et Marie Menand sont les membres fondateurs de D.I.V.A. C'est dans les locaux de Mercury Music Records et sans leurs tenues extravagantes que les deux artistes se sont confiées à nous sur la genèse de leur groupe, leurs influences et leurs projets d'avenir. Rencontre.

Pourquoi avoir choisi "D.I.V.A." comme nom de groupe ?

Flore : On a "diva" au singulier, D.I.V.A., mais aussi la vraie diva qui représente l'opéra dans le monde entier. Chaque membre représente une facette d'une même diva. Il y a l'énervée, qui déteste l'opéra, la snob extrêmement élitiste, la prude naïve…

Marie : Il y a l'enfantine, celle qui est déconnectée du monde réel puis la diva ultime qui se met devant tout le monde et qui veut qu'on ne regarde qu'elle. Une vraie diva !

Flore : En tant que D.I.V.A., on voulait que notre public interprète notre nom comme il le souhaitait.

Marie : On a déjà eu de très belles interprétations comme les Dindes Inconséquentes, Vicieuses et Aigries ! (rires) Chacun peut l'illustrer comme il le veut.

"On voulait que notre public interprète notre nom comme il le souhaitait"

Pourquoi avoir choisi de l'interpréter dans un format de 10 minutes ?

Flore : Notre but était de créer un spectacle, qui fait une heure et demie. On voulait en sortir le public. Dans sa version intégrale, il y a 6 opéras et c'était une manière condensée de donner envie au public d'aller voir ces productions dans des versions plus longues.

Marie : On a pensé à des versions plus courtes de 3 à 4 minutes pour de la promo, comme pour notre clip, Carmen. Ça n'avait jamais été fait, auparavant. La plupart des opéras sont réduits à un format de cinquante minutes, mais rarement à moins. C'était un challenge que l'on a bien réussi, finalement.

Pourquoi votre premier clip ne dure-t-il que 4 minutes ?

Flore : Tous nos opéras ont pris deux formats ; celui de 10 minutes et celui de 4 minutes.

Marie : On les a écrits de manière très différente en incarnant de divers personnages. Dans le format de 4 minutes, on a fait en sorte d'être toutes mises en avant. C'est la différence entre ces deux formats.

Pourquoi avoir opté pour un style vestimentaire si particulier ? Etait-ce un choix ?

Flore : Notre metteuse en scène Manon Savary a hérité du stock de costumes de son père, Jérôme Savary, créateur du Magic Circus. En ouvrant toutes ces malles remplies de costumes, on était aussi émerveillées que des enfants. Pour nous, l'image de D.I.V.A. devait être créée comme ça ; comme si l'on avait pioché des vêtements et déclaré que nous étions de vraies divas. Manon (Savary) et notre photographe, Louis Décamps, nous ont aidées à créer cette image totalement folle et décalée.

Vous interprétez tous les rôles, masculins comme féminins. Pourquoi ?

Flore : On a un petit côté féministe. A une certaine époque, les femmes n'avaient pas le droit de monter sur scène et les hommes jouaient les rôles féminins. L'inverse n'avait jamais été fait. Les opéras ayant été très bien écrits, la transposition à la voix de femme ne dérange pas. On s'est rendu compte que la voix d'homme ne nous manque pas.

Une image "folle et décalée"

Qu'est-ce-qui vous plaît dans l'opéra ?

Flore : On connaît très bien ce métier donc la musique et les voix nous touchent plus particulièrement. Les metteurs en scène ont une certaine liberté pour moderniser l'opéra ; certaines mises en scène sont très intéressantes. Les puristes peuvent crier au scandale, mais c'est une autre manière ingénieuse de sortir du côté baroque que l'on attribue généralement à ce genre de musique.

Marie : La grandiloquence des rôles est aussi impressionnante. Les incarner, c'est jouissif parce que l'on peut se permettre d'aller jusqu'au bout des gestes.

Peut-il encore plaire aujourd'hui ?

Marie : Oui et c'est pour ça que l'on a fait ce projet. C'est une musique qui n'a pas été dépoussiérée et qui est restée dans son essence. On a plutôt tenté de changer les autres codes autour.

Flore : C'est une musique qui ne vieillit pas et qui n'est pas générationnelle. Elle peut plaire aux enfants qui ne connaissent pourtant pas la musique classique. C'est impressionnant de voir un chanteur d'opéra avoir une telle puissance de voix sans micro. L'opéra est infini, même s'il a une réputation d'avoir un public très vieillissant.

Marie : Les conservatoires n'ont jamais été aussi sollicités ! La jeune génération est toujours là, même si elle ne se déplace pas à l'opéra. Toutes les générations s'intéressent encore à la musique classique.

"On a un petit côté féministe"

 

Vous connaissiez-vous toutes avant cette aventure ?

Marie : Non. Flore et moi nous sommes rencontrées il y a trois ans. On a fait des auditions pour notre équipe et accueilli une soixantaine de filles. Ensuite, on a choisi celles qui allaient nous accompagner. Il s'avère que l'on avait déjà fait une production avec Jazmin. Flore avait fait ses études avec Audrey à la Maîtrise de Paris et avec Grace, à Trinity, en Angleterre. Les cinq filles ne se connaissaient pas entre elles.

Depuis combien de temps travaillez-vous ensemble ?

Flore : Marie et moi travaillons ensemble depuis un an et demi. D.I.V.A. existe depuis le mois de mai. On a constitué l'équipe pour la préparation du disque.

Marie : Il y avait d'abord une première équipe et au fil du temps, on s'est rendu compte que ça ne fonctionnait pas. Gérer plusieurs personnes n'est pas toujours évident et pour nous, c'était très important d'être "diva" sur scène et pas dans la vie. Il nous fallait une bienveillance commune et de la communication. On est très contente avec cette équipe : on ne change plus !

Quelles sont vos influences musicales ?

Flore : En musique classique, on est influencées par beaucoup de maîtres, de grands chanteurs et de metteurs en scène. On apprécie les artistes qui se sont construits d'eux-mêmes et qui ont apporté un univers différent. On adore Stromae, mais aussi Jain, qui fait un carton en ce moment. Le style de leur musique est très différent.

Marie : On aime quand il y a des histoires derrière chaque chose. Ces artistes-là portent bien ça en eux.

"C'était très important d'être "diva" sur scène mais pas dans la vie"

Quelles sont vos inspirations ?

Flore : Notre spectacle est inspiré d'un mélange chargé. Entre cabaret, music-hall et cirque, on a aussi un peu de Tim Burton. Quelqu'un nous a même parlé de Pedro Almodovar et Ingmar Bergman.

Marie : C'est une sorte de pot-pourri. Plein d'inspirations différentes se retrouvent. 

Flore : On n'y avait pas pensé en construisant ce projet, c'est le public qui l'a fait pour nous. Chacun projette quelque chose de différent.

Espérez-vous pouvoir collaborer avec un(e) ou des artistes en particulier ?

Flore : Stromae, Jain et Lady Gaga (rires) ! On n'est pas fermées aux collaborations, mais il faut que ça se discute. Les gens avec des univers aussi décalés que les nôtres nous parlent énormément. Pour un projet comme celui-ci, il ne faudrait pas que l'on collabore avec des gens trop classiques.

Marie : Il faut que ce soit fait de manière intelligente ! On a eu la chance de travailler avec Make Up Forever, qui a fait notre maquillage sur scène. Ils ont retravaillé tout notre maquillage et nous ont aussi fourni de nouveaux costumes. Des choses étonnantes nous ont été proposées.

Vous avez déjà revisité Carmen, La Flûte ou encore La Traviata : quel autre opéra souhaitez-vous reprendre ?

Flore : Le Barbier de Séville, Rigoletto

Marie : Un Cosi Fan Tutte ou Les Noces de Figaro

Flore : On voudrait rester dans des opéras très connus pour continuer à l'apporter à un public qui s'y connaît moins. L'avantage de notre projet, c'est qu'il est déclinable à l'infini. On peut faire un disque de la musique ancienne à la musique contemporaine.

Comment appréhendez-vous le public, maintenant que votre premier album est sorti ?

Marie : On a hâte ! Il y a plein de bons retours, notamment sur Facebook.

Flore : La presse généraliste, mais aussi le monde de la musique classique sont très bienveillants envers nous. On veut être près du public, même si c'est agréable d'avoir un disque dans les bacs.

Après la sortie de votre premier album, quels sont vos projets ?

Flore : Partir en tournée. Comme l'opéra est en langue originale, on peut faire le tour du monde. Enfin, si le monde entier veut bien de nous. On veut se consacrer à ça et même réfléchir au deuxième disque, qui est déjà prévu.

Où vous voyez-vous dans cinq ans ?

Flore : On aura fait l'ouverture du Superbowl avec Lady Gaga, Stromae et Jain (rires). Dans cinq ans, on espère que le projet tournera, que l'on sera toujours heureuses de monter sur scène avec ce projet et que tout le monde l'aimera encore.

Pour acheter ou écouter l'album des D.I.V.A., c'est par ici.

Regardez leur premier clip, Carmen :