AZURO, EN CORPS, FREAKS OUT... nos coups de cœur ciné du 30 mars

Tout est question d'équilibre. La preuve avec les sorties cinéma de la semaine : AZURO, une adaptation de Duras torride comme une nuit d'été, EN CORPS ou le retour de Klapisch sur le devant de la scène, LE MONDE D'HIER avec une Léa Drucker bluffante en cheffe d'Etat, ARISTOCRATS, portrait de la bourgeoisie tokoïte, et FREAKS OUT, conte fantastique ancré dans la Seconde Guerre mondiale.

AZURO, EN CORPS, FREAKS OUT... nos coups de cœur ciné du 30 mars
© Valérie Donzelli et Nuno Lopes dans "Azuro" - Patrice Terraz/Paname Distribution

Azuro, de Matthieu Rozé

© Paname Distribution

Un coup de soleil, un coup d'amour, un coup de je t'aime. Azuro laisse une trace brûlante et délicieuse, comme si les paroles de Richard Cocciante étaient écrites pour décrire le ressenti après avoir vu cette merveille signée Matthieu Rozé. Pour son premier film, le réalisateur donne aux mots de Marguerite Duras couleur et intensité en projetant ses Petits Chevaux de Tarquinia sur la toile. Le film raconte les vacances de Sara, Pierre, leur enfant, Margaux, Gina et Vadim au bord de la Méditerranée, dans un village anonyme bercé par les repas au soleil, les bals musette, les parties de pétanque et les apéros au Campari. L'homme, un magnifique Nuno Lopes jaillissant de l'eau, provoque l'émoi chez Sara et un chaos silencieux dans le groupe. Le long-métrage explose les sentiments, met à la mal l'amour et les secrets, pour donner du sel à l'amitié. L'image est fiévreuse, teintée de rouge passion et de bleu azur. Les regards sont appuyés, voluptueux comme les corps pris au vif sur le sable. Valérie Donzelli affiche son talent dans la retenue, Florence Loiret Caille nous expose son rayonnement vivace. La musique de Kid Francescoli finit de nous embarquer dans ce somptueux voyage estival. C'est beau, sensuel, romantique, profond et rare.

Avec Valérie Donzelli, Florence Loiret Caille, Nunos Lopes, Yannick Choirat, Thomas Scimeca, Maya Sansa… (1h45)

En Corps, de Cédric Klapisch

© StudioCanal

Des corps graciles qui virevoltent, un ballet époustouflant, une vie épanouie faite de réussite professionnelle et d'un amour réciproque. Et crac. La rupture. Physique et amoureuse. Elise a 26 ans et doit repenser sa vie de danseuse classique suite à une blessure en pleine représentation. La grandiose scène d'ouverture d'En Corps offre une douce introduction au travail de Cédric Klapisch sur le mouvement. L'humain est au cœur de son film, qui se veut trait d'union entre le corps et l'esprit. Si la cheville lâche, n'est-ce pas là le signe d'un mal qui ronge l'âme ? Après Ce qui nous lie et Deux moi, le réalisateur poursuit son auscultation de ses thématiques fétiches : la destinée, la remise en question, le début de l'âge adulte, le deuil, les rencontres, les relations. Le cinéaste traite ses personnages avec toujours autant d'égards et parvient à élaborer une chorégraphie subtile pour donner de l'épaisseur même au plus petit des rôles. Sa troupe d'acteurs est attachante, drôle, légère et profonde quand il le faut, jamais à contre-temps. Denis Podalydès y est touchant en père faussement détaché, Pio Marmaï et François Civil jouent à merveille la carte de l'humour, Muriel Robin émeut en sage épicurienne. Quant à la révélation Marion Barbeau, la grâce et la justesse semblent la définir. Avec En Corps, Klapisch présente un ballet de bonnes idées, rythmé par l'appel de la gaieté et beaucoup d'esprit.

Avec Marion Barbeau, Pio Marmaï, Muriel Robin, François Civil, Denis Podalydès… (2h)

Le Monde d'Hier, de Diastème

© Pyramide Distribution

Léa Drucker a les épaules pour tout jouer. En présidente de la République inquiète, la comédienne est époustouflante. Alors qu'elle prévoit de se retirer de la vie politique à l'issue de son mandat, Elisabeth de Raincy comprend, à 3 jours du premier tour pour sa succession, que l'extrême droite va remporter les suffrages à cause d'un scandale sur le point d'être révélé. Le film la suit alors pendant ces 72 heures décisives dans les couloirs de l'Elysée, à tenter d'endiguer ce qui semble déjà hors de contrôle. L'actrice adopte une mine concernée, tout en conservant sa lumière. Ce passionnant film sur les puissants dresse le portrait d'une France au bord de l'implosion, tenue par une classe politique éreintée. On apprécie particulièrement le traitement du personnage d'Elisabeth de Raincy, montrée dans ses faiblesses comme dans ses coups d'éclat. Cette cheffe d'Etat solide pleure, stresse, mais agit en contrôle total, offrant à observer une figure de pouvoir humaine et accessible, face à un monde proche de la rupture. Particulièrement édifiant (et glaçant) à quelques semaines de l'élection présidentielle.

Avec Léa Drucker, Denis Podalydès, Alban Lenoir, Benjamin Biolay… (1h29)

Aristocrats, de Yukiko Sode

© Art House

Au Japon, une fille de bonne famille n'épouse pas n'importe qui. Pour perpétuer les traditions, les riches doivent s'unir à des prétendants du même acabit, ou supérieur, avant la trentaine de préférence. C'est le cas pour Hanako, célibataire aux anges quand elle rencontre Koichiro, un homme qui remplit tous les critères. La discrète et romantique ne s'attendait pas à ce que ce fiancé idéal fréquente discrètement une hôtesse issue d'un milieu populaire, Miki. Si Aristocrats laisse penser à une romance sur les rapports de classe au Japon, la trame amoureuse s'efface rapidement derrière une thématique beaucoup plus féministe. Le film use de son rythme lent et de son visuel léché pour poser les bases de la relation entre Hanako et Miki. Au contact de celle que l'on veut nous faire passer pour sa rivale, la bourgeoise va se libérer des obligations de son rang, jusqu'à se donner la priorité, envoyant valser au passage pressions familiale et sociale. Très joliment réalisé, Aristocrats décloisonne la haute société tokoïte pour transformer ses personnages féminins en héroïnes partantes pour s'émanciper vers de nouveaux horizons.

Avec Mugi Kadowaki, Kiko Mizuhara, Kengo Kora… (2h05)

Freaks Out, de Gabriele Mainetti

© Metropolitan FilmExport

Les freaks, c'est chic. Dans le film de l'Italien Gabriele Mainetti, les bêtes de foire se servent de leurs différences pour dézinguer des nazis. Dans une Rome occupée par l'armée hitlérienne, le joyeux cirque d'Israel n'a plus sa place. Quand l'homme disparaît au moment d'organiser le départ de sa troupe, Matilde la fille électrique, Fulvio l'homme-loup, Censio le maître des insectes et Mario l'aimanté décident de rallier le cirque de Berlin, tenu par un pianiste totalitaire à 12 doigts. Problème : l'Allemand sous éther s'avère être un redoutable sanguinaire cherchant par tous les moyens à prouver sa dévotion au Führer en lui constituant une armée spéciale. Avec sa trame complètement barrée, Freaks Out utilise la fantaisie pour nous plonger dans les sombres heures de l'Histoire. Comme chez Guillermo del Toro, la figure du monstre est humanisée afin de noircir la part d'ombre de l'humain assoiffé de violence. Le résultat est une fable magique sur la différence et sur la puissance de l'union, une sorte de blockbuster boosté par l'imagination débordante d'un cinéaste très inspiré.

Avec Claudio Santamaria , Aurora Giovinazzo , Pietro Castellitto, Franz Rogosowski… (2h21)